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Citations sur Epépé (58)

Roman fascinant s’il est en sur la perte de contrôle de sa vie, de son trajet de vie, de son quotidien, voire sur la maîtrise de son identité que l’on conserve à condition de garder la maîtrise des paramètres qui font exister ladite identité. Pourtant, Budaï résistera autant qu’il le pourra…
Budaï est un linguiste qui a son actif plusieurs langues, il sait en décortiquer les étymologies, il jongle avec les déclinaisons, les particularités linguistiques comme le peintre le fait avec les couleurs de sa palette, et c’est justement une nouvelle langue qui va causer son effroi, sa chute, sa désespérance et ses errances. Au départ, Budaï doit se rendre à Helsinki ù il doit prendre la parole dans la cadre d’une série de conférences, il a donc quitté son sol hongrois natal lorsque nous faisons connaissance avec lui, il s’est endormi durant le vol et a quitté un aéroport tout en suivant la mouvance que forme le cortège des autres passagers, et monte dans un bus jusqu’à arriver dans l’entrée dans un hôtel mi-ensommeillé, mi-propulsé par tous ceux qui le précèdent, et voilà que le quiproquo se révèle…
Il est dans un établissement hôtelier qui ne parle aucune langue connue de lui, personne ne le comprend, et il ne comprend personne. Il prend la clé que la réceptionniste lui tend, il tend son passeport, il obtient contre son chèque des échantillons d’un monnaie locale qui ne feront pas long feu, et voici Budaï qui se lance dans ce nouveau pari de découvrir où il se trouve, comment dialoguer un tant soit peu avec les autochtones, comment repérer les rails menant à une gare, ou comment explorer les rues des divers quartiers qui s’offrent à ses explorations afin de trouver l’aéroport salvateur qui le fera sortir de ce cauchemar…
Ce texte écrit à la troisième personne est néanmoins un long monologue intérieur où le héros se débat dans une toile d’araignée qui le rend invisible à (presque) tous, il montre le cauchemar de celui qui n’a personne avec qui entamer le moindre début d’une conversation intelligible, personne pour lui demander de ses nouvelles, personne qui sollicite le moindre ses regards, de même que (presque) personne ne répond à tous ceux qu’il dispense à longueurs de pérégrinations…
Alors Budaï, avant et même après le désespoir, observe, tente de décortiquer ce monde nouveau qui le garde prisonnier, sans même que le géôlier ni le prisonnier ne l’ait jamais voulu ou planifié, et Budaï voit un monde toujours en agitation, avec des foules et des files d’attente toujours longues pour effectuer le moindre achat, des personnes toujours pressées, des immeubles qui poussent comme des champignons, et une absence totale de scènes de compassion, de sollicitude, de tendresse, ou même de repos doucement partagé à deux ou à plusieurs…
Nous sommes dans les années 70 (avec tout son cortège de bouleversements historiques), et justement, Budaï vient-il de la Hongrie des années 70 avant d’atterrir dans ce monde qui semble n’être relié à rien de ce qui fait son monde, et le voici, perdu, éperdu et en quête de sens sur cet univers où règnent l’impossibilité de communiquer, où l’empathie a déserté, où seul importe de tracer son chemin sans souci des autres ni même de soi, où la nécessité de consommer, de travailler et de courir ont annulé toute propension à s’intéresser à ce qui pourrait exister en dehors de cette spirale auto-suffisante et auto-castratrice. Là-bas, nulle aspiration à être soi ne paraît exister, seule importe que vous sachiez fonctionner au sein du système, et si celui-ci aspire votre individualité, c’est que cette dernière n’a tout simplement pas lieu d’être…
Pourtant, la fin du roman s’enclenche sur un rythme tout autre, les armes prennent la parole et le quotidien de Budaï se trouve de nouveau percuté par des évènements qu’il n’a pas sollicités, et par des individus qu’il choisit un temps de suivre parce qu’il n’a pas mieux à espérer qu’un peu d’espoir venu d’une rencontre inédite, d’un flux d’énergie qui pourrait rompre cette vie imposée qu’il sait un tant soit peu déchiffrer, à défaut de véritablement la maîtriser et la comprendre… Malgré tout, Budaï, fait son mieux afin de conserver les particularités de son individualité, et c’est sans doute le plus noble de nos possibles combats personnels ; et c’est sans doute ce qui lui permettra de voir s’ouvrir à lui une perspective quelque peu prometteuse…
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Il retourne péniblement jusqu'à l'entrée de l'hôtel et s'adresse cette fois au fidèle gros portier en faction dans sa fourrure, il essaye de lui expliquer par gestes, et en diverses langues, qu'il cherche un taxi ou au moins une station de taxis, cela doit bien exister à proximité, il répète, têtu, ce mot tellement international :
- Taxi !... Taxi, taxi ?!...
L'autre, imbécile, bat des paupières sur ses yeux minuscules enfouis dans son visage gras, porte la main à sa casquette galonnée d'or pour saluer, puis lui ouvre la porte battante. Alors Budaï lui crie de tout près, directement sous le nez, ce qu'il veut ; le portier lui répond quelque chose comme :
- Kiripidou labadaraparatchara... Patarachara...
Il salue de nouveau et de nouveau il ouvre la porte comme une marionnette qui ne sait faire que cela.
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Et s'il n'y a pas le moindre doute que le malentendu qui l'a conduit ici va tôt ou tard se dissiper, et qu'à ce moment-là il pourra immédiatement poursuivre son voyage vers son but, il se sent à cet instant passablement désemparé : sans amis, sans connaissances et même sans documents, et apparemment complètement abandonné dans une ville absolument inconnue dont il ignore jusqu'au nom, où il ne peut communiquer avec personne, lui, rompu à tant de langues ; tout au moins il n'a pas trouvé jusqu'à présent un seul être avec qui échanger deux mots dans cet inextricable fouillis envahissant de peuple en perpétuel mouvement et perpétuellement accéléré.
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Sur le plan matériel il doit faire des choix: ou il économise pour du linge, ou il boit, or en toute sobriété et après réflexion, il opte pour la boisson car sans alcool son existence est carrément insupportable.
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Les aliments vendus à l'épicerie ne révèlent pas grand-chose du climat local, c'est comme partout ailleurs, des viandes, des charcuteries, des fromages, pommes, citrons, oranges, bananes, des conserves et des bocaux, des jus de fruits, du café, des sucreries, des poissons de mer : mais comment déterminer ce qui est produit local et ce qui est importé ? La mode ne dévie pas significativement des standards du monde civilisé, les différences entre les boutiques de couture et le prêt-à-porter résident dans la qualité, tandis que les autres articles répondent aux normes internationales. (p.44)
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Dans ce branle-bas Budaï se retrouve lui aussi sous le porche.

Là, la vengeance se déchaîne, les règlements de compte font rage,
l'un après l'autre on emmène et on jette des proies à des lyncheurs
assoiffés de leur sang ;
titubantes, soit déjà torturées, soit battues, à demi mortes.

Ce qu'il n'arrive pas du tout à comprendre, c'est selon quelles règles ils ont été ramassés dans cette confusion générale.

Il est vrai que pour la plupart ils portent ce blouson de toile,
mais il y en a autant parmi les exécuteurs de la sentence populaire ;
il est tourmenté par une question :
en quoi diffèrent-ils les uns des autres ?

On emmène aussi des civils, y compris des femmes,
puis de nouveau tout un groupe d'uniformes ;
il y a probablement une bonne part de hasard dans leur désignation,
des emportements passagers, des dénonciations,
hystérie collective et aveugle.
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Ce même matin, Budaï est encore témoin de trois autres exécutions semblables.

Pour la dernière, il n'est même plus révolté,
il est capable de suivre du début à la fin, blasé.

S'il y avait un Dieu, pense-t-il mollement,
il lui demanderait de ne jamais laisser refroidir la compassion dans son cœur.
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A d'autres moments, dans son désespoir,
il est prêt à faire des concessions :
il s'engage à rester dans la ville encore une année ou deux,
voire cinq ou dix, à condition d'avoir la certitude de pouvoir rentrer chez lui ensuite.

A condition d'avoir la possibilité de compter à rebours les jours, les semaines, les mois qui restent.

Ou alors, n'y aura-t-il pas de retour ?

Est-ce ici sa dernière station,
l' "ultima Thulé" des antiques où il devait échouer,
qu'elle qu'ait été sa destination, Helsinki ou toute autre,
et où tôt ou tard les hommes échouent ?
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Désormais lui aussi, une fois son travail achevé,
il entre dans la buvette de la rue voisine.

Il s'y est habitué à dessein,
cela fait davantage partie de son mode de vie présent qu'une chemise propre,
puisqu'il n'a même pas où se laver correctement.

Sur le plan matériel il doit faire des choix :
ou il économise pour du linge, ou il boit,
or en toute sobriété et après réflexion il opte pour la boisson
car sans alcool son existence est carrément insupportable.
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Cette fois exceptionnellement
Budaï n'essaye même pas de comprendre les tenants et les aboutissants
de la scène.

Même s'il parlait leur langue,
il ne comprendrait probablement pas grand-chose :
une affaire privée, désespérée et inextricable
qui ne le regarde pas et qu'il ne désire pas connaître.
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