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Citations sur Epépé (58)

Il a tout le temps pour observer les gens qui font la queue avec lui. Des Blancs et des gens de couleur ; devant lui deux jeunes nègres noir de suie à cheveux lisses, plus loin, une femme jaune, les yeux bridés, avec sa petite fille, quelques hommes grands de type germanique, un gros de type méditerranéen, le visage luisant de sueur en manteau à poil de chameau, des Malais basanés, des Arabes ou des Sémites, une blonde à taches de rousseur en pull bleu avec une raquette de tennis : il serait difficile de trouver une race ou une ethnie majoritaire, tout au moins là, devant ce restaurant.
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Par son métier, il a un sens linguistique particulièrement aiguisé : sa spécialité proprement dite c’est l’étymologie, l’étude de l’origine des mots. Dans le cadre de son travail il aborde les langues les plus diverses : parmi les langues finno-ougriennes, le hongrois et le finnois bien sûr, mais aussi quelque peu le vogoul et l’ostiaque, et puis le turc, un peu l’arabe et le perse ainsi que le slavon, le russe, le tchèque, le slovaque, le polonais et le serbo-croate. Mais ce langage que l’on parle ici n’en rappelle aucune, pas plus le sanscrit, l’hindi, le grec ancien ou moderne, mais il ne peut pas non plus être germanique ; de plus il se débrouille en allemand, en anglais et éventuellement en hollandais.
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Pendant ce temps-là le soir tombe, les lumières s’allument à l’extérieur ; la veille c’est à peu près à la même heure que l’autobus l’a amené. Donc vingt-quatre heures déjà. Pour l’instant il ne s’attarde pas à cette pensée, il poursuit sa pesante marche en avant, l’âme rongée d’inquiétude : il a appris à se battre, à pousser et bousculer pour avancer, tout comme les autres…
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C’est en lui-même que doit résider la faute, dans son caractère auquel toute agressivité, toute bousculade sont étrangères, cette révélation vient de s’imposer à lui, tout endormi et ivre qu’il est. Tant qu’il n’arrivera pas à vaincre sa modestie pusillanime, sa crainte d’importuner, il n’arrivera jamais à partir d’ici, ni même à donner de ses nouvelles afin que quelqu’un puisse lui porter secours.
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Quelles explications ses proches, ses amis, ses collègues de travail se donnent-ils de ce mystère, et sa femme avant tout, que peut-elle ressentir ? Et son petit garçon, et son chien ?…
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À proprement parler, n’importe quel habitant de la ville serait en mesure de lui enseigner sa langue, les mots, les règles au fur et à mesure, à condition de lui consacrer suffisamment de temps et de patience. Mais c’est précisément cela qui manque le plus chez les gens d’ici, un peu de courtoisie, de serviabilité, de disponibilité dans leur hâte immodérée et leur éternelle bousculade, quelqu’un qui l’écouterait demander ce dont il a besoin, qui une fois au moins daignerait témoigner de l’intérêt pour ses gesticulations de sourd-muet. Jamais personne n’a pris le temps pour cela depuis son arrivée, personne ne lui a permis de nouer une quelconque relation humaine. Sauf peut-être une seule…
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S’il est séquestré et malmené ici par l’indifférence et le je-m’en-foutisme, ce qui paraît le plus probable, le manque paralysant d’intérêt, le fait qu’il soit incapable d’attirer l’attention de quiconque : comment devrait-il faire pour se dépêtrer de la vase visqueuse qui l’environne, alors qu’il n’y a pas une seule branche à attraper, un seul point fixe où poser les pieds ?
Il ne doit surtout pas perdre la tête, c’est le principal, isolé dans cette fourmilière il ne doit pas s’abandonner à cette confusion indistincte. Par moments la panique le prend, de crainte que son esprit n’abandonne ce combat perdu d’avance, ne s’enfonce dans le chaos qui l’entoure, ne s’adonne à une mélancolie grisâtre, recroquevillée. Or il n’a pas d’autre arme que la clarté de sa conscience, c’est l’unique projecteur qu’il peut pointer sur ce cauchemar éveillé.
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Tout compte fait l’expérience est épuisante et assez désespérante, surtout dans cette foule et ce bruit persistants.
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Alors Budaï change de tactique, il sort de la cabine et va directement vers le policier. Il s’adresse à lui en allemand, anglais, italien et d’autres langues mais s’embrouille vite, ne sachant pas expliquer quelle information il souhaite, ce qu’il demande qu’on lui indique, une ambassade ou un bureau de tourisme, et de quelle aide il a besoin. Néanmoins le policier hoche la tête, le désigne de son index:

-Tchétentché gloubgloubb? Goulouglouloubb?

C’est ce qu’il a dit ou quelque chose d’approchant, puis il prend un livre de petit format à couverture noire, il le consulte longuement, tourne les pages puis commence à expliquer avec force gestes. Il parle longuement et lentement, lève son bras pour indiquer une direction derrière son dos, il répète doctoralement certaines de ses phrases pour éviter tout malentendu, pourtant Budaï n’imagine même pas de quelle place, de quel lieu l’autre s’efforce de lui parler, ou il veut l’envoyer. À la fin le policier le touche du doigt comme pour lui demander si tout est bien clair:

-Touroubou chétyékétyovovo?

Désemparé, Budaï ouvre les bras, que peut-il faire d’autre. Le policier le salue et s’éloigne.
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Revenant à lui il s’acharne à recommencer en jurant. Il ne peut pas rester sur un échec, il s’entête : s’il échoue maintenant, il est perdu.
Il essaye et s’acharne et jure tant contre son impuissance qu’à la fin il se met sur pied, c’est cette obstination qui a dû lui permettre de réussir. Chaque pas est le fruit d’un combat, il progresse à tâtons contre le mur comme un aveugle, il lutte pour chaque mètre, ses forces le lâchent de temps en temps, il s’accroche alors à ce qu’il trouve pour ne pas s’écrouler. Même comme ça, il doit reprendre haleine par moment, il s’affale tantôt sur un cageot,tantôt sur une caisse, puis repart quelques minutes plus tard. Ce court trajet aller et retour dure plus d’une heure et épuise toutes les forces de Budaï, jusqu’à ses dernières réserves, jusqu’à pouvoir de nouveau se laisser tomber sur sa misérable litière.
Il se débat dans un crépuscule nébuleux, entre éveil et sommeil, ces deux états se confondent et deviennent même par moment inséparables. Un instant il lui semble voir des rats qui courent entre ses jambes mais cela ne l’effraie pas. Si cela se passe véritablement, ce qui est loin d’être impossible à cet endroit, ou si ce n’est qu’un jeu de son imagination, il n’en saura jamais rien. Dans cet état fébrile il ne cesse de rêver. Son rêve le plus fréquent lui fait enfin rencontrer quelqu’un avec qui il peut parler, cet épisode se répète inlassablement, il n’y a que les circonstances ou les interlocuteurs qui changent. C’est son compatriote en loden, du métro, qu’il rencontre le plus souvent, dans les situations les plus variées. Et puis il affronte le gros portier de l’hôtel, il glisse au milieu de patineurs, mais il se révèle plutôt gauche et maladroit sur la glace. Après il se voit passager sur un avion, un train, un bateau, et même à cheval bien qu’il n’ait jamais pratiqué l’équitation : au trop sur un terrain humide et sableux, laissant derrière sa queue une longue file de traces de sabots.
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