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Critique de mh17


mh17
19 novembre 2023
La correspondance entre Kawabata et Mishima s'étend sur vingt-cinq ans. La première des lettres, de Kawabata à Kimitake Hiraoke (le vrai nom de Mishima) est datée du 8 mars 1945. La dernière est de Mishima à Kawabata, datée du 6 juillet 1970. Cette correspondance révèle avec simplicité et pudeur la proximité et la connivence de deux écrivains aux tempéraments opposés.

Au début Mishima cherche la reconnaissance de Kawabata. Mishima a 20 ans en 1945. Il a déjà publié une longue nouvelle, la Forêt en fleurs, dans la revue littéraire Bungei bunka que Kawabata a remarquée. Mishima est le cadet et il admire profondément celui qu'il considère comme son maître. Il est exubérant, plein d'énergie et d'audace. Kawabata son aîné de vingt cinq ans est un écrivain reconnu et fatigué. Il souffre de la vésicule biliaire et d'insomnies. Il semble las et résigné. Aussi, dans les premières lettres, c'est Mishima qui s'exprime, beaucoup, plein d'enthousiasme et d'ambition. Kawabata lui répond brièvement de manière courtoise et évasive. Et puis le premier roman de Mishima arrive, très vite. Confession d'un masque (1949) est un coup de maître. le cadet a terminé son apprentissage.
La correspondance devient plus équilibrée et plus chaleureuse entre les deux écrivains . Ils s'offrent des cadeaux ( « des pâtisseries aux marrons nappées de chantilly », « un superbe saumon », « une lampe de bureau très originale »)…) Ils échangent volontiers sur leur vie quotidienne et leur famille. Mishima ne cesse de prendre des nouvelles de la santé de son ami de manière très touchante. Kawabata lui répète régulièrement de prendre soin de son épouse. Ils se découvrent des points communs : une connivence spirituelle, une immense culture commune (traditionnelle et occidentale) et une défiance à l'égard de la modernité occidentale. Ils partagent l'ardent désir d'être traduits et diffusés en Occident et, en même temps, ont un gros doute sur la manière dont leurs oeuvres pourraient être reçues et interprétées. Ils écrivent des préfaces l'un pour l'autre et se soutiennent volontiers. Kawabata intervient en faveur de Mishima auprès de ses pairs du Pen club et de la Société des gens de lettres quand Mishima est accusé d'atteinte à la vie privée par l'ancien ministre des Affaires étrangères Arita Hachirô (qu'il avait pris comme modèle dans son roman "Après le banquet"). Mishima bien sûr adore provoquer et confesse non sans humour « J'ai une haute opinion de moi, c'est vrai. C'est effrayant d'être ainsi infatué de soi-même, au point de prendre pour des capacités personnelles l'aide que m'apportent mes maîtres et mes amis ». Et plusieurs fois le maître plus discret se moque gentiment de lui. Pourtant c'est bien Kawabata le modeste qui demande à Mishima d'écrire, en 1961 une lettre de recommandation en vue de l'obtention du prix Nobel. Mishima s'exécute dans une lettre magnifique directement rédigée en anglais qui est reproduite à la fin du livre. Il termine son éloge en déclarant que Kawabata, plus que tout autre écrivain japonais, serait qualifié pour le prix. Tanizaki est en effet toujours en lice jusqu'à sa mort en 1965 pour devenir le premier prix Nobel japonais. Finalement le Nobel est décerné à Kawabata en 1968.

La dernière lettre de Mishima à Kawabata est datée du 6 juillet 1970. Elle ne laisse en rien présager son suicide spectaculaire par sepukku cinq mois plus tard le 25 novembre, dans la salle de commandement du camp des Forces d'autodéfense. On imagine le choc que Kawabata dut recevoir à l'annonce de la nouvelle. Il présida la cérémonie des obsèques publiques de Mishima au temple Tsukiji Honkanji de Tōkyō, et lut un extrait d'une lettre aux résonances prophétiques que son ami lui avait adressée le 4 août 1969. Lui même choisit de se donner la mort deux ans plus tard, le 16 avril 1972 dans la solitude de son petit appartement du bord de mer.
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