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Critique de Pasoa


Les Belles endormies (眠れる美女 - Nemureru Bijo) de Kawabata Yasunari est un roman qui paraît au Japon en 1961.
L'argument de cet ouvrage est quelque peu étrange : dans une maison en bordure de mer, des hommes âgés sont accueillis le temps d'une nuit pour partager chacun le sommeil d'une belle endormie, une jeune femme parée et nue, qui dort à leur côté sous l'emprise d'un puissant narcotique. Eguchi est l'un de ces visiteurs nocturnes qui vient admirer le sommeil d'une jeune fille.

Les Belles endormies est un roman qui s'éprouve plus qu'il ne se lit. Dans les quelques nuits que vient passer Eguchi auprès d'une jeune femme endormie, Kawabata Yasunari, dans une remarquable et saisissante écriture, rend très sensible la part indicible des sentiments, les nuances de l'âme d'un homme qui éprouve tout le désarroi et l'humiliation de vivre la vieillesse, d'être devenu "un vieillard qui avait cessé d'être un homme". Impressions fugaces et souvenirs nombreux traversent l'esprit d'Eguchi, points d'arrimage d'une conscience au temps passé et à un présent, plus douloureux. Face à lui, comme un reflet d'un temps tout en devenir, un peu plus inaccessible, toute la beauté, la pureté, la jeunesse et l'innocence d'une belle endormie.

Les belles endormies me font penser à un autre roman de Kawabata Yasunari: Tristesse et beauté. Ce titre semble résumer à lui seul toute la contemplation, la vénération d'Eguchi pour le corps de la jeune femme allongée à ses côtés. Entre érotisme, beauté et gravité, Kawabata décrit avec retenue et sensualité la texture, l'odeur de la peau, la rondeur d'une oreille, la douceur d'une épaule, le reflet de la nuque, les mouvements du corps dans le sommeil, le rythme lent de la respiration... Ce roman instille le trouble, joue sur l'ambiguïté, mais se révèle peu à peu comme un hymne à la beauté féminine, d'une magnifique esthétique, à l'atmosphère irrésistiblement envoûtante.

Les Belles endormies a suscité et suscite encore l'incompréhension et la controverse. Il est dommage que beaucoup de lecteurs aient vu dans ce roman l'expression d'une perversité, d'une déviance (pédophilie) chez Kawabata lui-même. Notre époque est malheureusement prompte à juger, à faire la leçon à celles qui l'ont précédée (aux hommes et aux femmes qui les ont vécues), à la seule aune de ses critères moraux et esthétiques. La lecture des Belles endormies oblige le lecteur à ne pas négliger dans ce roman le contenu et l'apport de la culture japonaise (religieuse, philosophique, morale, esthétique), à la comprendre sans la mettre à l'épreuve de ses préjugés, de ses opinions personnelles.

Ce très beau roman de Kawabata Yasunari, touche à des thèmes sensibles comme la vieillesse, le temps qui passe, la mort, la beauté, à tout ce qu'il nous reste de désirs et d'espoir à vivre dans ce monde. Un livre essentiel de Kawabata, un incontournable de la littérature japonaise.
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