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Critique de lacerisaie



"Un long tunnel entre les deux régions et voici qu'on était au pays de neige". Un incipit d'à peine une vingtaine de mots et j'entre dans un monde parallèle hors du temps. Un monde de contemplation et de sensations qui déroute et enchante.

Ce "pays de neige", lieu de villégiature, je le découvre à travers les yeux de Shamimura esthète japonais qui quittera trois fois Tokyo, sa femme et ses enfants pour venir s'y ressourcer. Il y rejoint Komako une très jeune Geisha, sa maîtresse. Durant son voyage en train il est attiré par Yoko, jeune femme qui accompagne un malade et qui descendra à la même gare que lui. Les relations entre ces trois personnages constituent l'intrigue simple de ce roman.

Mais l'essentiel est bien ailleurs même s'il m'a fallu un peu de temps pour lâcher prise et arrêter de chercher à trouver un sens à tout cela. Il m'a fallu abandonner mes jugements sur cet homme, sur cette geisha, sur leur relation complexe. Il m'a fallu renoncer aussi à comprendre les relations entre les trois personnages. de toute façon qu'importait, rien ne serait tranché.Alors je me suis laissée porter...

J'ai relu, sans cohérence de temporalité comme l'a choisit l'auteur pour construire son récit, les nombreux passages cochés à la première lecture.
Alors j'ai pu aimer ce texte, savourer ce rapport esthétique au monde fait de contemplation et d'impressions. Comme face à un tableau, un dessin, une estampe.

J'ai laissé tomber la raison et j'ai célébré les moments parfaits mais éphémères que le temps nous vole.
"La nuit se tenait immobile, figée, sans le moindre soupçon de brise, et le paysage se revêtait d'une austère sévérité. On avait l'impression qu'un grondemant sourd, dans le sol, répondait au crissement du gel qui resserait la neige partout, sur l'étendue. Il n'y avait pas de lune. Les étoiles, par contre, apparaissaient presque trop nombreuses pour qu'on crût à leur réalité, si scintillantes et si proches qu'on croyait les voir tomber et se précipiter dans le vide. le ciel se retranchait derrière elles, toujours plus profond et plus lointain, là-bas, vers les sources enténébrées de la nuit."

J'ai apprécié cet éloge de la beauté du corps que ce soit le reflet d'un visage traversé de paysages sur la vitre embuée d'un train ou la blancheur d'un dos se dévoilant dans l'échancrure d'un kimono.
"Le col raide de son kimono, écarté du cou, laissait le regard plonger sur le blanc éventail de son dos découvert jusque sur les épaules. Beauté un peu mélancolique de cette peau fardée, qu'on sentait frémissante de vie sous son voile blanc de poudre, et qui faisait un peu songer à une étoffe de laine ou, peut-être à la fourrure d'un animal."

Je me suis émerveillée devant ce Japon ancestral dont la culture et les traditions sont conservées de manière sensible dans cet écrin du pays de neige.

Et puis j'ai réflechi à tous ces contrastes:
blanc et rouge: blanc des corps, de la neige, des kimonos de chanvre Chijimi blanchis à la neige. Rouge des lèvres des geischas, de leur kimono de dessous, des érables, de l'ivresse, des flammes de l'incendie.
sérénité et colère
gel et embrasement
mélancolie et légereté

Un bien beau voyage en vérité. Même s'il m'a demandé volonté et lâcher prise je vous le conseille. C'est une bulle d'ailleurs, une langue splendide, une esthétique incroyable. J'en garde de nombreux passages à savourer pour, certains jours, réconforter ma mélancolie à la beauté fugace du monde.

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