Tigres et démons, tome 3 : Tigres en cavale

— Sérieusement, c’est quoi le problème entre les gays et les vagins ?

— Je n’ai aucun problème avec les vagins, dis-je.

Dec rit et dut se calmer rapidement derrière le volant afin de ne pas nous faire plonger dans un ravin. Nous ne voulions pas que l’histoire se répète (même si, sans ce fameux ravin, Dec n’aurait pas été aussi prompt à me pardonner des années plus tôt).

— Quel progressiste tu fais, Simon ! lâcha Jasper avec mépris.

— C’est une partie du corps. On ne peut pas dire que les pénis soient très attirants.

— Dois-je me sentir vexé ? demanda Dec.

— Non, le tien est vraiment joli, lui assurai-je.

À en juger par sa réaction, j’avais encore la capacité de le faire rougir d’embarras quand j’en avais envie.

— Est-ce que tu veux des enfants ? me demanda-t-il soudainement.

Waouh ! Je ne savais même pas quoi répondre.

— Parfois, je crois que oui.

— Pourquoi ?

Et la réponse arriva. Parfois, tout ce qu’il fallait, c’était qu’une autre personne pose la question.

— Tu as vu Dec ? Ce serait criminel que cet homme n’ait pas d’enfants. Il serait parfait dans le rôle.

Abe leva sa paume en l’air, et je la claquai timidement de la mienne. Puis je descendis rapidement le reste de ma bière.

— Tu sais, dit Abe, je ne pense pas que tu serais trop mauvais non plus.

Cela me réchauffait vaguement le cœur de penser qu’un être humain croyait que j’étais capable de veiller sur d’autres minuscules êtres humains.

— Simon ? demanda Coby, me regardant avec inquiétude.

— C’est drôle, dis-je en retrouvant ma voix. Je crois que je viens de t’entendre dire que tu voyais Jasper Brunswick. Mais ça ne peut pas être ça, si ?

— Hmm, répondit Coby.

— Parce que tu ne peux pas vraiment fréquenter le plus vil et méprisant fauteur de troubles qui voue sa vie à nous entuber Dec et moi de manière constante ?

Coby se raidit.

— En fait, si.

Il y eut une autre explosion nucléaire. J’étais certain d’être désormais une ombre contre le mur du bureau.

— C’est une blague, c’est ça ? Une très mauvaise blague !

— Ma vie amoureuse n’est pas une blague.

— Elle l’est si tu fréquentes Jasper Brunswick. Tu es si désespéré que ça, Coby ?

Loin d’avoir un air désolé et contrit, Coby semblait furieux.

Declan appuya sur le bouton à ses côtés et ma vitre se mit à descendre, entraînant presque ma tête dans le mouvement.

— Si tu vomis, assure-toi de le faire à l’extérieur, s’il te plaît.

— Tu es une vraie Florence Nightingale, répliquai-je.

Fran lui avait téléphoné pour qu’il vienne me chercher et me ramener à la maison. Plus j’avais bu, plus j’étais devenu larmoyant ; c’en était arrivé au point où j’étais assis, catatonique, dans un coin de leur salon et incapable de parler à aucun d’eux.

— En ce moment, je crois que je suis davantage ton chauffeur.

— Est-ce que tu m’aimeras quand même si je vomis dans ta voiture ?

— C’est aussi ta voiture. Est-ce que tu m’aimerais toujours si je vomissais à l’intérieur ?

— Oui. Rien ne m’empêcherait de t’aimer. Même si c’était sur moi que tu vomissais.

— Quel soulagement ! C’est plutôt mignon, mais vraiment dégoûtant.

— Et toi ? Comment a réagi ton équipe ?

Emma rit, avec une pointe lasse de sarcasme.

— Je suis lesbienne. Les garçons trouvent ça bandant, tant que je ne fais pas trop gouine, et la plupart des filles s’en moquent. C’est sûr qu’il y a des crétins, mais je ne pense pas subir les conneries que font les mecs au lycée.

Dec apparut et passa un bras autour de mes épaules.

— Simon, ne monopolise pas Emma. Elle doit se mêler à la foule.

— Il veut dire séduire de potentiels sponsors, traduisit Emma.

— Ça aussi, reconnut Dec.

— Est-ce que j’ai senti de l’herbe quand la porte s’est ouverte ? demanda Jasper. Je crois que la police adorerait ajouter ça dans un dossier si on les appelait.

Tony se raidit immédiatement.

— Écoute, laisse tomber d’accord ? dit-il à Jeff, qui ne paraissait pas aussi convaincu.

— C’est ça, fuis, sale con…

— Micah ! Pour une fois dans ta vie, ferme-la ! lui ordonna Dec, des veines grossissant sur son front.

Il était évident qu’il n’avait jamais parlé ainsi à Micah. Ressemblant un peu à Bambi découvrant sa mère morte, Micah s’accroupit à nouveau.

— Micah, dit Jeff en s’approchant de lui. Je suis désolé. Mais ça ne marchait pas. Toi en ville, et moi ici. J’étais seul.

— C’est différent pour nous, les gays.

— Nous, les gays, réfléchit-il. Nous sommes un conglomérat, c’est ça ?

— Il y a bien plus de choses à planifier. Un couple hétéro peut simplement avoir un accident, comme une capote déchirée ou beaucoup d’alcool et une perte d’inhibition, et oups, grossesse.