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Critique de clairemarquez75


A chaque respiration, nous nourrissons des cellules fidèles à leur histoire. Fidèles aux peurs et aux souffrances engrangées soigneusement dans un mille feuilles de morts et de guerres, d'amours et de victoires, de nations et de territoires brûlés.

Il y a mille façons d'aimer, mais toutes les histoires d'amour commencent de la même manière : une flamèche de curiosité, au bout d'une fibre, peut-être reliée à un tonneau de poudre, ou à la porte d'un paradis sur terre.
Pour bien aimer l'autre, il faut oublier le tout auquel il appartient, et découvrir l'entièreté, l'unicité de son être. Il faut oublier de se défendre, et accepter d'ouvrir ses frontières. Fût-ce à l'ennemi juré.

Julia Kerninon signe un texte magistral, embarquant le lecteur à Budapest en 2008, auprès d'un homme, Attila, la cinquantaine, rayant de la carte sa premiere partie de vie, incluant une épouse, une maîtresse, trois filles illegitimes, et un boulot d'escroc à la solde d'un beau-père sans foi ni loi. Nouveau départ : Attila Kiss devient loup solitaire, découvrant le plaisir de la peinture dans l'intimité de son appartement, et le travail arride qui n'est là que pour vous nourrir. Et puis Theodora entre en scène. Et puis Theodora allume la lumière en lui. Mais cette lumière est torche brûlante : son amour est autrichienne, de ce pays écrasant dans l'histoire de sa Hongrie. Les braises des victoires et des échecs ne sont pas éteintes, et la blessure enfle.

"Peut-être, lorsque nous prononçons les mots histoire d'amour, croyons-nous désigner ainsi la qualité romanesque de nos affections, la façon dont nous pouvons les réduire a posteriori à la banalité d'un récit - mais nous oublions alors que l'autre sens du mot histoire signifie archive, mémoire, rappelant que les passions ne sont pas seulement des fables, mais d'abord une succession de guerres gagnées et perdues, de territoires conquis, annexés, puis brûlés, de frontières sans cesse réagencées. En réalité, l'histoire d'un amour repose sur les défaillances et les concessions, les enclaves protégées, les coups d'État, les caresses, les victoires, les amnisties, les biscuits de survie, la température extérieure, les boycotts, les alliances, les revanches, les mutineries, les tempêtes, les ciels dégagés, la mousson, les paysages, les ponts, les fleuves, les collines, les exécutions exemplaires, l'optimisme, les remises de médailles, les guerres de tranchées, les guerres éclairs, les réconciliations, les guerres froides, les bonnes paix et les mauvaises, les défilés victorieux, la chance et la géographie. Lorsque deux individus se rencontrent et cherchent à entrer en contact jusqu'à se fondre, cela commence toujours comme commence une guerre - par la considération des forces en présence.
Ce livre est l'histoire d'un amour - la plus petite de toutes les histoires-l'histoire du dernier amour d'Attila Kiss. Parce que c'est une chose de déposer les arnmes, dans un mouvement de tapage et de dévotion, mais c'en est une autre que d'accepter à partir de cet instant de se vivre comme perpétuellement désarmé."

Je sais déjà que je relirai ce texte (j'ai déjà fait plusieurs fois marche arrière dans ce roman pour en savourer de nouveau les passages). Il y flotte un air de ces grands auteurs des pays de l'est, et la puissance d'un opéra. Il reste toujours un instant de flottement magique après ces lectures qui vous attachent irrémédiablement. Que je puisse flotter indéfiniment auprès d'Attila Kiss et de Theodora.

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