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Critique de 20thCenturyBoy


Big Sur marque une parenthèse dans l'oeuvre et la folle existence de l'auteur qui, fatigué de parcourir l'univers et angoissé du nouveau statut d'idole que lui a apporté la publication de Sur la Route, s'exile sur une plage californienne pour se recentrer sur lui-même. Il est intéressant de constater que les déboires psychologiques de Kerouac entraînent le roman aux antipodes de tout ce qu'il avait pu faire auparavant : ici, nulle réflexion bouddhiste, sauf pour s'apitoyer contre l'esprit divin qui nous inflige tant de souffrances, et pas de voyage, sauf quand il s'agit d'aller se payer quelques bouteilles au bar du coin. Ça en deviendrait presque un exercice, non pas de style, qui reste le même, mais qui se déploie ici dans le prolongement de la pensée et non dans celui des déplacements. L'idée même de mouvement devient une hantise : bien vite retourné à la ville, Duluoz passe des journées entières dans son canapé, en état quasi-léthargique, tandis que son mythe s'effondre autour de lui. Jamais encore il n'avait à ce point exprimé sa volonté de se désolidariser du personnage qu'il fut dans sa jeunesse : bien éloigné de Sal Paradise, le Jack de Big Sur n'est plus qu'une épave minée par l'alcool (il en mourra 8 ans plus tard) sombrant peu à peu dans la folie et la paranoïa. La Beat Generation a échoué, ses amis ne sont plus que des pédérastes ou de dangereux pédophiles, la voix de Ginsberg et des clochards célestes semblent venir d'une autre vie. Cody, lui, est bien là, mais sous les traits d'un père de famille rangé qui regarde d'un oeil méfiant son ancienne âme soeur qui n'a pas su grandir. Devenant peu à peu la seule incarnation de ses pires hantises, détruisant tout sur son passage, Duluoz sent la mort l'engloutir peu à peu, de même qu'elle s'insinue progressivement dans les pages de son livre, avant de le submerger dans un horrifiant délire final digne des plus folles pages d'un Burroughs.
La conclusion heureuse semble bien artificielle : illusions perdues d'un homme tué depuis longtemps par son succès ?
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