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Critique de djathi


Citation :
Il faudrait presque que je raconte ma vie entière. Or c'est impossible, car je manque non seulement de temps mais aussi des connaissances nécessaires à une telle entreprise : en effet, qui donc pourrait se targuer, avec les quelques connaissances trompeuses qu'il croit posséder concernant son existence, de connaître vraiment sa vie, ce processus dont le déroulement et l'issue (de secours ou fatale) sont totalement inconnus (...)si bien que le mieux serait que je commence l'histoire du drapeau anglais par Richard Wagner»
Voilà , c'est du Imre Kertesz "tout craché" .
Donc l'histoire du drapeau anglais ? Eh bien c'est Kertesz qui raconte qu'il a raconté à un groupe d'amis ce moment fugitif , une anecdote parmi tant d'autres pour pointer de la plume, la machine infernale du régime totalitaire .
Mais comme de bien entendu avec Kertesz , la narration ,non pas se perd , mais se retrouve et prend tout son sens dans une tentative de décrire la globalité de ce moment , à travers ce qu'il est , son histoire , ses douleurs et sa quête .
Quête de pouvoir témoigner de l'informulable . Et l'inverse aussi car n'est-il pas vrai que ce serait se renier : oui , Quête de silence aussi , parce que mettre des mots serait pure trahison par rapport "l'anéantissement total", celui là seul qui lui permet d'exister .

Kertesz déroute par son système de pensée si personnel et extrêmement élaboré pour traduire en un langage unique et d'une saveur incomparable ses questionnements concernant le devoir ou pas d'écriture , le sens du témoignage face à l'histoire , face à l'existence . Et d'en conclure que
Citation :
"Vivre, ai-je pensé, est une faveur qu'on fait à Dieu».
La deuxième nouvelle " Le chercheur de traces nous plonge dans un univers quasi apocalyptique : Nous suivons cet "envoyé " , "cet émissaire " dans un climat inquiétant , où la menace se cache derrière une apparence morte . Que cherche t-il donc ce personnage qui semble être le seul vivant planté dans un décor de faux-semblants , vide , factice ?
Des traces ....Mais ce jeu de pistes est loin d'être simple car il faudra déchirer le voile proprement tendu par les nouveaux "morts-vivants" . C'est si facile d'oublier , de nettoyer et de continuer à jouer la comédie humaine .
Une fois le but atteint ,
Citation :
"l'envoyé fut pris d'une volonté d'agir inconhérente :indiscutablement , cette route , ce paysage , cette charogne impuissante lui appartenaient ; les choses n'attendaient que sa venue ; esclave de la volonté , il pouvait les créer ou les annihiler ; les précipiter dans la misère informe de l'inexistence ou leur donner une existence à partie de la sienne pour ,les ayant sauvés de leur matérialité anonyme , les appeler à la vie : cela dpendait uniquement de sa volonté ou de ses facultés ."
Là encore on retrouve les obsessions de Kertesz dans son devoir ou pas de mémoire .
Une nouvelle que je considère comme un pur bijou d'écriture grâce à une puissance onirique frisant le fantastique pour réveiller l'ironie de l'histoire porté par une écriture extraordinaire .
Enfin le recueil se termine par une nouvelle plus sobre ,Le procès -verbal , moins travaillée mais qui apporte l'ultime écho pour laisser une empreinte plus tangible : il s'agit d'un homme qui sera arrêté dans un train par les autorités du pays pour un prétexte absurde , à l'image de la vie sous les régimes totalitaires . Bien sûr autobiographique cette histoire sans appel : vivre est interdit en certain temps et certain lieu .
Je ne saurais trop recommander la lecture de cet écrivain exceptionnel aux lecteurs qui rechercheraient "un autre regard" sur l'histoire . Et découvrir un vrai talent d'écriture .
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