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Le titre de ce récit autobiographique d'une petite cinquantaine de pages est issu d'une courte anecdote vécue en 1956, lors des répressions sanglantes à Budapest.
L'auteur raconte, en fait, à des amis, ce qu'il était ou plutôt ce qu'il pensait être du temps de sa jeunesse; des difficultés rencontrées dans la vie quotidienne de la Hongrie stalinienne, mais aussi plus légèrement de sa rencontre avec la musique et de la naissance de sa passion pour la lecture.
Ce texte présente beaucoup de digressions et de répétitions volontaires et sa lecture n'en est pas facile, car Imre Kertész s'exprime souvent en écrivant de très longues phrases (à la manière de Marcel Proust).
Cependant ce témoignage est digne d'intérêt et j'ai plus particulièrement apprécié certains passages du texte pour leurs descriptions très imagées ou pour leur sensibilité.
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Avec ces trois récits autobiographiques, Imre Kertész porte un regard largement rétrospectif sur son existence.
Avec le Drapeau anglais, nous sommes sous le premier régime communiste hongrois, suivi de l'insurrection de Budapest en 1956. Mais jamais les événements ni le régime ne sont clairement identifiés. Kertész parle de façon indirecte, ou abstraite, du contexte des événements. Comme il l'a expliqué par ailleurs, il tente de donner une forme littéraire à l'expérience vécue. Et il est donc question de la catastrophe, ou du régime catastrophique, jamais nommé, mais absurde, cruel, et immoral. Dans le Chercheur de traces, un homme revient sur les lieux d'une expérience vécue. Mais les souvenirs s'échappent, la mémoire fait défaut, les lieux sont inaccessibles ou défigurés. Est-il seulement possible de se souvenir de ce qui a été vécu? Enfin, Procès-verbal est le récit d'une mésaventure, qui a pour cadre la Hongrie à peine sortie du régime communiste et qui en gardé bien des comportements.
Comme toujours chez Kertész, la distance est créée par l'ironie, ce qui n'exclut pas de douloureuses fulgurances. Mais il se méfie plus que tout du pathos et de l'anecdote. Si l'on veut se faire une idée de son style et de l'atmosphère qu'il génère, on peut sans doute se référer à Kafka et à Camus dont la lecture l'a aidé à supporter la vie tellement difficile qu'il a vécu.
C'est donc un recueil dont l'abord est assez difficile mais que je trouve remarquable par la recherche de la perception juste des sentiments éprouvés.
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Une édition constituée de trois écrits, le Drapeau anglais, le Chercheur de traces et enfin Procès Verbal.
Comme trois nouvelles.
J'ai commencé ma lecture par la fin, soit Procès Verbal.
Puis, j'ai lu le Drapeau anglais et enfin Chercheur de traces.
En fait peu importe.
Comment commencer cette chronique ? Lire Imre Kertesz est un immense bonheur, un plaisir incomparable. Son écriture est une musique. Pas une mélodie. Non trop simple. Des phrases longues, symphoniques, d'un coup un instrument se réveille et tempête, puis calme, repos, une petite flûte peut être ou quelques cordes pincées sur une harpe, et à nouveau comme une sorte de tonnerre.
Je ne suis pas littéraire, je ne suis pas non plus critique ni littéraire ni autre. Mais l'écriture d'Imre Kertesz a ce pouvoir de m'emporter, au-delà, dans un espace infini où l'être humain essaie de trouver une place. Imre Kertesz me dit (me dit à moi mais vous lecteur entendrez autre chose), qu'il n'y a aucune place. Mais il se débat. Il ne cesse de tenter de quérir une place digne, indiscutable, informulable, car elle serait. Point.
Je suis absolument fascinée par l'écriture de Imre Kertesz, elle rappelle forcément celle de Thomas Bernhardt (d'ailleurs Imre en parle beaucoup dans ses livres)... une écriture que je dirai longue, digressive, comme si je randonnais, la différence entre une course de 200 mètres et une randonnée de 20 kms. Kertesz c'est au moins 20 kms. Il est nécessaire pour en jouir de prendre le rythme, le tempo, et avoir un sens musical. Mais quand on y est, quel plaisir, plaisir d'une langue ciselée, un travail d'orfèvre.
Bon après il y a le fond, alors c'est dans les trois nouvelles, l'absurdité systémique de nos sociétés. Et la perte d'identité que cela confère.
Lire Kertesz c'est pour moi accéder à quelque chose de rare, hors système, c'est accéder à une humanité exceptionnelle.
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Citation :
Il faudrait presque que je raconte ma vie entière. Or c'est impossible, car je manque non seulement de temps mais aussi des connaissances nécessaires à une telle entreprise : en effet, qui donc pourrait se targuer, avec les quelques connaissances trompeuses qu'il croit posséder concernant son existence, de connaître vraiment sa vie, ce processus dont le déroulement et l'issue (de secours ou fatale) sont totalement inconnus (...)si bien que le mieux serait que je commence l'histoire du drapeau anglais par Richard Wagner»
Voilà , c'est du Imre Kertesz "tout craché" .
Donc l'histoire du drapeau anglais ? Eh bien c'est Kertesz qui raconte qu'il a raconté à un groupe d'amis ce moment fugitif , une anecdote parmi tant d'autres pour pointer de la plume, la machine infernale du régime totalitaire .
Mais comme de bien entendu avec Kertesz , la narration ,non pas se perd , mais se retrouve et prend tout son sens dans une tentative de décrire la globalité de ce moment , à travers ce qu'il est , son histoire , ses douleurs et sa quête .
Quête de pouvoir témoigner de l'informulable . Et l'inverse aussi car n'est-il pas vrai que ce serait se renier : oui , Quête de silence aussi , parce que mettre des mots serait pure trahison par rapport "l'anéantissement total", celui là seul qui lui permet d'exister .

Kertesz déroute par son système de pensée si personnel et extrêmement élaboré pour traduire en un langage unique et d'une saveur incomparable ses questionnements concernant le devoir ou pas d'écriture , le sens du témoignage face à l'histoire , face à l'existence . Et d'en conclure que
Citation :
"Vivre, ai-je pensé, est une faveur qu'on fait à Dieu».
La deuxième nouvelle " Le chercheur de traces nous plonge dans un univers quasi apocalyptique : Nous suivons cet "envoyé " , "cet émissaire " dans un climat inquiétant , où la menace se cache derrière une apparence morte . Que cherche t-il donc ce personnage qui semble être le seul vivant planté dans un décor de faux-semblants , vide , factice ?
Des traces ....Mais ce jeu de pistes est loin d'être simple car il faudra déchirer le voile proprement tendu par les nouveaux "morts-vivants" . C'est si facile d'oublier , de nettoyer et de continuer à jouer la comédie humaine .
Une fois le but atteint ,
Citation :
"l'envoyé fut pris d'une volonté d'agir inconhérente :indiscutablement , cette route , ce paysage , cette charogne impuissante lui appartenaient ; les choses n'attendaient que sa venue ; esclave de la volonté , il pouvait les créer ou les annihiler ; les précipiter dans la misère informe de l'inexistence ou leur donner une existence à partie de la sienne pour ,les ayant sauvés de leur matérialité anonyme , les appeler à la vie : cela dpendait uniquement de sa volonté ou de ses facultés ."
Là encore on retrouve les obsessions de Kertesz dans son devoir ou pas de mémoire .
Une nouvelle que je considère comme un pur bijou d'écriture grâce à une puissance onirique frisant le fantastique pour réveiller l'ironie de l'histoire porté par une écriture extraordinaire .
Enfin le recueil se termine par une nouvelle plus sobre ,Le procès -verbal , moins travaillée mais qui apporte l'ultime écho pour laisser une empreinte plus tangible : il s'agit d'un homme qui sera arrêté dans un train par les autorités du pays pour un prétexte absurde , à l'image de la vie sous les régimes totalitaires . Bien sûr autobiographique cette histoire sans appel : vivre est interdit en certain temps et certain lieu .
Je ne saurais trop recommander la lecture de cet écrivain exceptionnel aux lecteurs qui rechercheraient "un autre regard" sur l'histoire . Et découvrir un vrai talent d'écriture .
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Le récit de ce drapeau anglais ... pour moi une histoire spéciale.
À l'origine ce petit recueil d'une soixantaine de pages édité par Babel, était offert pour l'achat de trois Babel ... je n'ai pas eu l'occasion de profiter de cette offre !
C'est juste à l'occasion d'un vide Bibliothèque municipale que je l'ai déniché et qu'il a piqué ma curiosité !
Jamais rien lu de la littérature hongroise ... une bonne façon de commencer l'aventure avec un prix Nobel !
Un langage riche, une formulation érudite, complexe mais pas incompréhensible... nous errons dans ce qui était une rédaction vivante, une odeur de vieux tabac, de cliquetis de machine à écrire d'un autre temps ... nous réfléchissons en commun sur le racontable et l'inracontable, l'informulable et le formulable ... nous avons les babines alléchées par l'escalope sans ticket, témoignage de notre liberté ... nous abordons des théories "sub specie aeternitatis" (1) pour observer "ce monde de mensonge, de terreur et de crime" ... nous assistons spectateur médusé à ces formations théoriques dispensées par un haut dignitaire qui le lendemain se révéla être un traître à la patrie et provoqua une réunion éclair qui dénonce ce qui la veille avait été vérité... nous apprenons qu'il fut un temps où l'on ne devait pas se fier à sa capacité de jugement mais "hurler convulsivement des absurdités flagrantes" ... nous découvrons un être qui se présentait ainsi "j'étais Ernó Svép " (2) ...
Nous lisons l'espérance qui fleurit durant l'année 56, l'effervescence culturelle de cette époque, la liberté de ton ... le tout brisé un jour où le grand frère remit de l'ordre dans ce pseudo désordre ... il ne reste plus alors que la solution de l'exil intérieur pour oublier tout se qui révulse son esprit.
Un petit texte, très court qui nous raconte ce que furent ces années d'espoir !

(1)'
Sub specie æternitatis (en latin : « sous l'aspect de l'éternité » ou encore, d'une façon moins littérale, « de toute éternité ») est une notion à la fois religieuse et philosophique qui remonte à l'herméneutique de la Torah.
Une vision du monde sub specie æternitatis est antinomique d'une vision sub specie durationis, « sous l'aspect de la durée ».

(2) Ernó Svép
Ernő Szép est né en 1884 à Huszt, à l'est de l'empire Austro-Hongrois, au sein d'une famille juive modeste.
Après avoir achevé ses études secondaires, il s'installe à Budapest. Journaliste, il se produit aussi sur les scènes des cabarets, interprétant ses propres textes et chansons. Poète, romancier, dramaturge, il devient rapidement un auteur très populaire, dont les oeuvres – une trentaine de volumes – sont connues de toutes les couches de la société. Il gagne également l'estime des cercles littéraires  : collaborateur de la revue Nyugat à partir de 1912, il est l'ami de Endre Ady, de Ferenc Molnár.
Auteur urbain, poète de la ville, il a habité 33 ans durant sur l'Île Marguerite, au coeur de Budapest. Sous le coup des lois anti-juives, dont la rigueur s'accroît dramatiquement entre 1935 et 1944, il doit quitter son appartement pour venir vivre dans le ghetto de Budapest. Il a miraculeusement survécu à l'extermination des juifs de Hongrie, contrairement à ses deux frères, assassinés, et à sa soeur, « disparue ».
Après la prise de pouvoir des communistes en 1948, il cessera pratiquement de publier, et se retire de la vie publique et littéraire. À la fin des années 70, son oeuvre sera redécouverte grâce à l'action du grand poète et écrivain Dezsö Tandori, qui considère Szép comme l'un des plus grands maîtres de la littérature hongroise du XXe siècle.
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Imre Kertész, prix Nobel en 2002 pour "Etre sans destin" nous livre ici 3 récits pour évoquer 3 expériences cruciales de l'auteur à partir des années 1950, en Hongrie. Un premier récit se déroule à Budapest pendant l'insurrection de 1956. Un autre relate un voyage de Budapest à Vienne après la chute du mur de Berlin. Très belle écriture de cet auteur que j'adore.
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Avant d'entamer la première nouvelle, le lecteur retrouve l'avertissement suivant de l'éditeur :

«Ce triptyque de récits, composé selon le voeu explicite de l'auteur, comporte trois visions littéraires qui saisissent et traduisent trois moments cruciaux de la vie d'Imre Kertész, après son retour des camps de concentration. »

Vous l'aurez compris, l'auteur mélange son expérience personnelle à la fiction. La part de vérité est à chercher. Mais existe-t-elle la Vérité? Sommes-nous juste des témoins dans une Histoire plus grande que nous? Toute histoire est-elle racontable?

Dans le Drapeau anglais, un professeur raconte une histoire à un cercle composé d'anciens étudiants. Il aborde un événement de l'insurrection hongroise de 1956 ; il parle de chars d'assaut qui envahissent Budapest, une ville détruite, poussiéreuse, mais aussi d'une voiture arborant un drapeau anglais, signe de liberté. Cette nouvelle permet surtout à l'auteur de jouer avec les concepts, entre autres, de la mémoire, de la subjectivité, de l'enfermement, de la vérité, du destin, du rôle du bourreau. C'est tout simplement troublant, voire déstabilisant car la lectrice ou le lecteur doit travailler assez fort pour rassembler les pièces de l'histoire. Les phrases sont longues, il y a des retours en arrière puis dans le présent et la vérité est souvent masquée, camouflée. C'est une nouvelle sombre, amère et la lectrice ou le lecteur sent bien la perte d'illusions et l'oppression qui accablent l'univers. Faisait-il bon vivre dans cette Hongrie oppressée? Après avoir lu cette nouvelle, j'aurais tendance à répondre non.

Dans le Chercheur de traces, un homme revient dans un lieu, ou une ville, où de terribles événements se sont déroulés. Quels sont ces crimes auxquels il aurait assisté enfant? La lectrice ou le lecteur doute, essaye de comprendre, de suivre les traces. Elle ou il se doute bien que c'est le retour d'un déporté dans un camp d'extermination après la guerre. Sur le portail du lieu, il y a cette inscription «Chacun son dû». le narrateur dira :

« Il y a dans ces mots une vérité qu'on peut prendre en considération, il suffit de la trouver». (p. 127)

Le narrateur progresse intérieurement. Il poursuit une quête, recherche des preuves pour expliquer les événements qui l'ont marqué dans son enfance. La parole devient incapable d'exprimer l'inexprimable. Souvent, la vérité se trouve dans le silence. La «catastrophe» devient on le doute bien l'extermination des Juifs. La puissance de la plume de l'auteur est là dans cet indicible, dans cet innommable. Il se sert du langage pour explorer son inconscient ou sa mémoire afin de traquer le terrible. L'histoire d'un homme devient celle d'un peuple, l'individuel versus l'universel.

Je trouve très difficile de parler de cet écrivain tant tout est camouflé, caché. La vérité est ailleurs.

Dans le Procès-verbal, un homme voyage dans un train peu après la chute du mur de Berlin. Il se déplace de Budapest vers Vienne. Un contrôleur lui demande la somme qu'il possède. Mais, il ne donne pas le bon montant. Il sera alors expulsé du train et il se verra remettre un procès-verbal qu'il refuse de signer. Mais, un autre contrôleur témoigne contre lui pour appuyer son collègue. Il ne pourra pas se rendre à Vienne car son argent lui est confisqué et il repart dans un autre train pour Budapest. Cette nouvelle soulève la lourdeur bureaucratique qui fera dire au narrateur :

«Les dictatures changeantes et néanmoins monotones des six dernières décennies ainsi que cette dictature résiduelle qui n'a pas encore de nom ont broyé mon immunité nourrie de patience, d'une patience injustifiée. » (p. 218)

Ce trajet permettra aussi au narrateur de revisiter ses souvenirs. La lourdeur de la bureaucratie, le camouflage, les secrets pour survivre, feront comprendre au narrateur que c'est le comportement du contrôleur qui l'a poussé à mentir. Un comportement qu'il associe aux hommes de son passé. On le sent, il a connu des officiers terribles. Mais, il en a connu également des bons.

«Dans les prisons, dans les camps, dans tous les endroits de ce genre, il se trouve toujours un officier ou un sous-officier qui vous redonne foi en l'existence. » (p. 215)

Le narrateur réalise qu'il est probablement condamné, à cause de son histoire personnelle, à vivre avec une liberté d'esclave.

Je le répète, j'ai trouvé cette lecture extrêmement difficile à cause peut-être de mon manque de connaissances dans différents domaines. D'une part, je ne connaissais presque rien du vécu d'Imre Kertész. D'autre part, je n'avais aucune idée des faits historiques de la Hongrie (régime totalitaire, censure dans le pays, etc.). Alors, vous imaginez dans quelle aventure je me suis lancée…Mais bon. Ne m'en voulez pas trop pour mes résumés des nouvelles. Je me suis peut-être trompée aussi dans mon interprétation, comme quoi, j'ai peut-être joué moi aussi avec les mots.

https://madamelit.ca/2022/02/03/madame-lit-le-drapeau-anglais-suivi-de-le-chercheur-de-traces-et-de-le-proces-verbal/
Lien : https://madamelit.ca/2022/02..
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