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Critique de Marcuyttendaele


Un bijou de finesse. Kessel dresse le portrait d'Elsa Wiener dans le Paris de 1936. L'héroïne a fui l'Allemagne hitlérienne en compagnie de Max, un orphelin juif, handicapé à la suite des mauvais traitements subis dans son pays. Elle a laissé en Allemagne Michel, son mari plus jeune qu'elle, interné dans un camp. Il y a entre eux un amour déséquilibré. Elle aime l'amour qu'il lui porte mais n'éprouve pour lui ni passion, ni désir. En temps normal, en temps de paix, leur couple se serait délité. En temps de guerre, face à l'épreuve, il se solidifie dans la loyauté et la tendresse d'Elsa. Isolée et seule, Michel devient pour elle un ancrage, une raison d'être et de vivre. La passion va naître de l'éloignement, de la solitude, de la désespérance. Un amour imparfait dans la vie à deux va devenir incandescent dans l'éloignement et l'absence et déboucher sur le sacrifice de son corps, de sa dignité, de sa vie. En se sacrifiant pour Michel, elle détruit la femme qu'il a aimée et qu'il ne reconnaitra plus tant son corps, comme son âme, ont été meurtri pendant le temps, somme toute bref, de l'épreuve ainsi traversée. Kessel peint également un très beau portrait de cet adolescent qui comprend tout, qui souffre tant de son amour impossible pour Elsa que du gouffre dans lequel elle se perd. Un adolescent qui trouve dans la lecture, dans l'intelligence, dans l'observation du monde la seule voie de sa survie. Enfin, un mot sur le narrateur, présent et absent tout à la fois, qui sans doute emprunte ses traits à l'auteur. Homme de la nuit, oscillant entre désespérance et humanité, perdu dans les fonds de nuit de Montmartre et capable à chaque instant de rebondir, il désire Elsa avant de n'être plus pour elle qu'une main tendue, amicale, désespérément complice de ses décisions et de sa descente aux enfers. Roman sur le déracinement, sur la déchéance de l'exil, sur le combat quotidien contre l'indignité, un combat qui inévitablement se perd. Une oeuvre écrite en 1936 et tant de choses sont dites déjà : comme si Kessel avait tout compris, tout dit avant tout le monde. Un grand écrivain.
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