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Critique de l-ourse-bibliophile


Ayant peu lu en juillet, ayant l'esprit bien occupé début août par mon emménagement, sans compter les températures invivables, j'ai voulu opter pour un livre que je pressentais captivant, avec quelques péripéties, bref, l'inverse de ma lecture précédente, L'ingratitude de Ying Chen. Et une histoire de prise d'otage me semblait pas mal.

J'ai été globalement entraînée par ce récit, mais il reste avant tout très contemplatif. Ce n'est pas un tort à mes yeux et ça ne m'a heureusement pas empêché de lire avec fluidité. Je remercie la première partie qui, même si elle est finalement plutôt introductive, est d'un dynamisme qui facilite la progression dans le récit.
Cependant, ne nous mentons pas : c'est la partie africaine du roman qui me restera en tête. A travers les yeux de Kurt, nous expérimentons la captivité. Une sensation d'accablement pesant m'est tombée dessus. Ce poids naît de plusieurs facteurs. de la canicule assommante et du soleil aveuglant qui brûle le pays (pour le coup, le moment de ma lecture – début août – était bien choisi). de l'enfermement et de la répétition laborieuse des jours et des nuits. de la misère qui tranche si violemment avec le quotidien jusque-là aisé du narrateur (et du mien). de la bêtise aveugle, de la violence.
Pourtant, parmi les pirates, des personnalités se dessinent, plus complexes, comme des fulgurances, des espoirs fragiles à accorder en faveur de l'humanité. Des fragilités, des sensibilités, des rêves et des convictions dissimulées derrière les armes et les injures. le mal n'est plus si absolu, on se prend à rêver d'un changement, d'une évolution, même si le sang, la sueur et la crasse de la souffrance et de la mort restent omniprésents.
Le récit terrible de deux cultures qui s'entrechoquent, se brisent, tentent parfois de communiquer. Parfois un émerveillement réciproque, une esquisse de compréhension, un élan d'admiration ; parfois l'incompréhension méprisante, la rancoeur des années passées, la haine dévorante.

C'est aussi une longue introspection pour Kurt. Ce voyage devait être thérapeutique, il sera aussi traumatique que ce qui l'avait poussé à partir. le besoin de comprendre, de se comprendre, de comprendre l'autre. L'autre, ce n'est pas seulement les Africains, mais aussi sa femme et son suicide incompréhensible. Un lent cheminement, des rencontres marquantes – Blackmoon le lunatique, Joma l'enragé, Bruno l'excentrique marcheur de la brousse… – qui lui apprendront qu'on peut toujours remonter la pente, même après les plus atroces épreuves, et qui lui permettront de recommencer à vivre. J'ai toutefois eu la sensation que tout allait trop vite sur la fin, que la résilience de Kurt se fait de manière très brutale, comme s'il était temps de boucler cette histoire qui menaçait de tourner en rond.
Je dois avouer que les personnages qui gravitent autour de Kurt m'ont bien davantage fascinée que le narrateur. Impossible de nier la tendresse envers Bruno qui semble parfois être resté trop longtemps sous le soleil africain. Les personnages évitent tout manichéisme et sont source de fascination comme d'émotion.
Dommage peut-être que les femmes – à l'exception de sa femme, l'absente, celle qui par sa mort fait naître l'histoire – soient uniquement celles qui soignent, qui consolent, qui réconfortent, qui nourrissent, mais c'est une remarque post-lecture, cela ne m'a pas tant heurtée au cours de ma lecture. En revanche, la romance finale m'a parfois fait bailler d'ennui au bout de la dixième évocation de la beauté d'Elena (qui, accessoirement, est médecin, qui vit dans les camps d'Afrique depuis des années, et dont on peut supposer l'intelligence qui aurait peut-être pu aussi lui valoir les éloges du narrateur).

Et puis, il y a l'écriture de Yasmina Khadra. Me voilà assez partagée. D'un côté, je l'ai trouvée évocatrice, joliment imagée et puissante de justesse. Mais elle est aussi très lyrique, un lyrisme avec lequel elle chante les beautés de l'Afrique et de ses peuples (sans forcément tenter d'en atténuer les pires aspects et les plus macabres facettes). Et si c'était parfois très beau, c'était parfois un peu long tout en donnant épisodiquement l'impression que l'auteur se délectait lui-même du choix de ses épithètes.
Autre petit reproche, les grands discours placés dans la bouche de Bruno sur l'Africain. de la même manière que « LA femme » me dérange un tantinet, je ne comprends pas « L'Africain ». Alors que l'auteur s'évertue avec succès à tracer des portraits fouillés des principaux pirates, voilà qu'il donne l'impression que les Africain·es sortent du même moule sans jamais varier leurs réactions ou approches de la vie. J'avoue, je ne connais rien à l'Afrique et à ses habitants, mais je me dis que, de la même manière que je connais des Européen·es déterminé·es et d'autres défaitistes, il doit quand même avoir des petites nuances de l'autre côté de la Méditerranée.

Voilà bien des reproches finalement au sujet de ce roman. Pourtant, je vous l'assure, je l'ai lu avec plaisir, intérêt et fluidité. Disons que c'était une lecture pas désagréable dont les défauts, même s'ils m'ont parfois fait tiquer, n'ont pas freiné mon voyage africain.
Cependant, j'attendais mieux d'un auteur reconnu comme Yasmina Khadra et j'ose penser que ce n'était pas son meilleur. Je n'exclus pas la possibilité de me tourner vers un autre de ses romans un jour, alors avez-vous des suggestions à me faire ?
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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