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Critique de Andromeda06


Yasmina Khadra a une plume délectable, il me le prouve à nouveau dans son titre "Les anges meurent de nos blessures", et dont on ne comprend le sens qu'à la toute fin (ou presque). Il est de ces auteurs vers qui je reviens régulièrement, parce que son style me charme à chaque fois.

Yasmina Khadra aime à nous parler de son pays natal, à des époques différentes. Cette fois-ci, c'est dans l'Algérie française des années 1920 et 1930 qu'il a campé son personnage. Turambo qu'il s'appelle, et au moment où débute le livre, il a 27 ans, est en prison et attend qu'on vienne le chercher... Il a rendez-vous, pour un ultime combat, avec Dame Guillotine...

Dans le couloir de la mort, l'attente est longue et Turambo peine à faire remonter les souvenirs. Mais alors qu'on le pousse vers son dernier adversaire et qu'il lui fait désormais face, qu'il réalise qu'il vit ses derniers instants tellement le combat sera inégal, « les flashes fulminent dans [sa] tête »... Son village natal qui disparaît dans un éboulement de terrain, avec son père... La vie miséreuse à Graba... Son rêve qui s'écroule à Sidi Bel Abbes... Son arrivée à Oran... Son direct du gauche qui le fait sortir de la précarité... le ring, les victoires, les trophées... Les femmes aussi : Nora, Louise, Aïda, Irène... Et puis le drame, la chute...

Turambo n'a que 11 ans quand débute son histoire, que l'on va suivre sur une quinzaine d'années. L'auteur nous laisse donc le temps de bien le connaître, ce "bougnoule" du ghetto, qui décoche son gauche plus vite que son ombre mais avec la tête plein de rêves et le coeur tendre. Est-ce que je m'y suis attachée à ce jeune homme qui prend et donne les coups pour manger et non par passion ? Est-ce que je m'y suis attachée à ce jeune homme qui tombe amoureux sur un simple regard ? Est-ce que je m'y suis attachée à ce jeune homme qui fonctionne à l'affectif dans un monde de requins – et dont on comprend, grâce au prologue, que ça ne lui portera pas chance... ? À votre avis ?

Encore une fois, je ressors charmée et chamboulée grâce à Yasmina Khadra, qui écrit merveilleusement bien, qui sait trouver les mots justes pour nous percuter et nous faire frémir. Tout est si bien dépeint : la psychologie de son personnage principal, ses ressentis et ses réactions, le contexte historique, les croyances, traditions, mentalités et préjugés de l'époque, tout ce qui a trait au monde de la boxe également (les matches, les entraînements, les enjeux, les séquelles, etc).

J'y étais, dans cette Algérie de l'entre-deux-guerres. J'étais là, avec Turambo, tout au long des événements qui ont scellé son destin. Impuissante que j'étais, je n'ai pu que le comprendre, compatir et ressentir ses propres émotions. L'auteur a su me faire partager les espoirs et les rêves de Turambo, son amertume et ses désillusions, ses sentiments amoureux et ses déceptions, son euphorie face à la victoire. J'ai vécu avec lui la misère, la faim et le racisme, j'ai traîné avec lui dans les rues d'Oran, je me suis pris de sacrés coups sur le ring et ai eu la satisfaction de pouvoir les rendre, j'ai eu le coeur brisé à plusieurs reprises, j'ai goûté à la gloire. Et j'ai vu le danger se profiler bien avant lui...

J'ai adoré ce roman où tout y est approfondi, où l'on ne fait plus qu'un avec le personnage, où l'on voit tout comme si on y était. Un roman qui raconte le destin tragique d'un homme intègre et perméable, que l'on prend en affection dès le début, alors même que l'on ne connaît encore rien de lui (si ce n'est qu'il est condamné à mort...) et que l'on peine à quitter à la toute dernière page... Un roman poignant et réaliste, tristement beau, intense, d'un auteur à la plume envoûtante, poétique, sensible et profondément humaine.
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