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Citations sur L'Heure du roi (80)

Disons,pour présumer les propos qui précèdent, qu'au printemps 1942 la situation du pays s'était à peu près stabilisée. La vie quotidienne,mesurée, presque tranquille avait repris.L'absurde possède une capacité à s'intégrer à la réalité, à y acquérir une sorte de légitimité, de la même façon que dans la cervelle d'un fou,le délire et les fantasmagories cohabitent avec un reste de bon sens suffisant pour lui permettre de vivre parmi les gens sains d'esprit.(p.79)
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A cet instant précis, le soleil apparut. Un faible rayon perça le coton gris des nuages et illumina les branches humides des tilleuls sur le boulevard. La chaussée resplendit. Le lecteur a peut-être remarqué que les phénomènes atmosphériques parviennent parfois à résoudre les plus compliqués des problèmes psychologiques. Le monde apparut d'un coup aussi simple et gai que le spectacle de ces deux vieillards.

Page 125-126.
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Disons, pour résumer les propos qui précèdent, qu'au printemps 1942 la situation du pays s'était à peu près stabilisée. La vie quotidienne, mesurée, presque tranquille avait repris. L'absurde possède une capacité à s'intégrer à la réalité, à y acquérir une sorte de légitimité, de la même façon que, dans la cervelle d'un fou, le délire et les fantasmagories cohabitent avec un reste de bon sens suffisant pour lui permettre de vivre parmi les gens sains d'esprit.

Page 87.
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Il faut avouer que le maintien de l'ordre dans la capitale, comme dans tout le pays, rencontra un obstacle imprévu : on ne parvenait pas à rendre opérationnel le système de surveillance qui fonctionnait sur le reste du territoire du Reich. On ne réussissait guère à convaincre la population de l'utilité, pourtant évidente, de la délation.

Page 72.
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Personne ne savait rien, personne n'avait le droit de savoir ; il convenait de se méfier de chacun, car nul n'échappait à la suspicion - et la population vivait dans la certitude d'être entourée d'une foule d'ennemis, extérieurs et intérieurs. L'ennemi, pensait-on, s'empare de la moindre parole imprudente pour la retourner contre le pays. Malgré les exterminations, le nombre des adversaires diminuait peu ; ils constituaient l'objet principal des préoccupations des instances du parti et de l'Etat ; il existait un véritable culte de l'ennemi.

Page 52.
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Le représentant du Reich prit la parole et, avec une grâce toute diplomatique, les calvities roses, corollées de duvet blanc, de l'assemblée se tournèrent vers lui, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes ; comme si, dans le château d'Elseneur, le temps ne s'était pas désaxé, les drapeaux rouges ornés d'une tarentule ne surmontaient pas les façades et le sang des tués ne venait pas d'être rincé par des pompes à eau.

Page 49.
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Des caricatures représentaient le roi, grand comme Gulliver et maigre comme don Quichotte, debout sur une jambe, l'autre repliée faute de place, dans son minuscule royaume ; il ne lui manquait que l'armure du grand-père et la cuvette de barbier sur la tête. Certes, la monarchie n'était qu'une survivance aussi archaïque que les accessoires de chevalier de l'extravagant hidalgo ; lui-même n'avait jamais prétendu le contraire. Mais qu'y faire si, pour ses sujets, il incarnait l'Etat ?

Page 38.
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Au quartier général, les téléphones sonnaient sans trêve, les visières vernies des stratèges se penchaient sur les cartes, le télégraphe tambourinait des dépêches chiffrées. Ce mécanisme trop lourd et trop sophistiqué, ces généraux qui percevaient des salaires trop élevés, cette science militaire qui guidaient chacun de leurs pas constituaient un ensemble trop sérieux, trop important et trop noble pour qu'on pût sans manières ni secrets, sans pompe macabre ni plan minutieux, étayé par une documentation surabondante, tordre le cou à un pays désarmé et impuissant.

Page 16.
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Ses sujets notèrent avec satisfaction la reprise de la coutume ancestrale. dieu soit loué, le roi est à cheval ! La silhouette, familière depuis l'enfance, imprimée sur les timbres-poste, gravée sur les gâteaux de chocolat, partie intrinsèque de la vie quotidienne, telle la marque du fabriquant sur un vieux chapeau, la chère image leur était rendue : le cliquetis net des sabots chassa la vision sinistre de l'occupant, des pots de chambre gris-vert, des uniformes gris souris et des drapeaux couleur carotte. Le roi est sur son cheval--tout va bien. Ils l'avaient appris dès l'école maternelle.
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Depuis l’époque de Numa Pompilius, la coutume de prévenir l’ennemi avant de l’attaquer paraissait tellement aller de soi que nul n’a jamais songé combien il serait plus simple et plus commode de s’approcher par-derrière, à pas de loup, et, sans interpeller la victime, de se jeter sur elle et de la saisir par la gorge. Une telle stratégie ne pouvait naître que dans un pays sortant de la tempête purificatrice de la révolution nationale-socialiste. Cependant, à l’époque où le chancelier et le Führer de la nation allemande signa l’ordre d’investir le minuscule pays dont il sera question dans ce récit, ledit pays n’était plus que la huitième ou la neuvième acquisition du Reich, et la stratégie du silencieux Blitzkrieg avait déjà perdu de sa nouveauté. Comme lors des campagnes précédentes, l’invasion se déroula sans surprise pour le commandement, en stricte conformité avec le plan. Il serait inutile de décrire l’opération tout entière ; contentons-nous de résumer les étapes de l’offensive principale. Vers cinq heures du matin, une colonne de motards apparut sur la voie menant au poste frontière. Ils roulaient en première, quatre par quatre, les mains collées au guidon, suivis d’énormes véhicules blindés
tonitruants, qui avançaient en creusant des trous dans la chaussée ; derrière eux, une limousine transportait le guerrier en chef , alors que les officiers de l’état-major fermaient la marche,doucement brinquebalés dans leurs voitures. Cela surgissait du brouillard comme engendré par le néant. Le poste frontière : deux poteaux reliés par une barre transversale. À côté de la route se dressait une maisonnette en brique à un étage. Lorsque le premier quatuor, dont les casques gris vert évoquaient des pots de chambre renversés, eut atteint le passage à niveau, le garde frontière en costume d’opérette, debout à côté de la manivelle, n’eut aucune réaction : majestueux, une hallebarde à la main, svelte et immobile comme sur une carte postale, il fixait l’horizon d’un regard exalté et limpide. Un sous-officier dut descendre pour actionner lui-même la manivelle. La barrière bariolée remonta avec un grincement, mais, à mi-chemin, se coinça — et le sous-officier, éructant, jurant, secoua la poignée de la machine rouillée dans tous les sens. Un retard menaçait de compromettre le déroulement impeccable de l’opération minutée avec précision.
Un adolescent de dix-huit ans, chef du poste frontière, apparut sur le seuil de la maison en brique ; il bâillait voluptueusement, frissonnant dans la fraîcheur matinale. La brume enveloppait les collines ; dans les branches emperlées de rosée des taillis bleuâtres, les oiseaux commençaient à peine à se réveiller. Le blaireau sortait de sa tanière, les yeux exorbités, pleins de sommeil. Le chef adolescent dévisagea cette armée d’un air maussade, en se demandant si ce n’était pas un rêve ; puis, avec le flegme de celui qu’on a tiré de son lit, défit lentement son étui. Il resta étendu devant la maison ; la casquette surmontée d’un monogramme traînait par terre ; le vent jouait dans sa chevelure dorée. Un coup de pied entre les jambes ramena à la raison le garde frontière, qui se tenait toujours, cloué sur place, à côté du passage à niveau, alors qu’un coup de crosse faisait voler son arme postiche. Pendant ce temps, un soldat coiffé d’un pot de chambre vert grimpait sur le toit e t arrachait du mât l’étendard du pays, ce qui lui vaudrait une décoration. Et tout l’espace fut couvert de poussière et de fracas.
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