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Critique de Dixie39


De quel bois sont faites les mères ?
Moins que rien dans les yeux des hommes, plus que tout dans ceux des enfants.
Ces enfants qui grandissent...

« Mère de rien du tout
qui traverse les années avec son tablier décoloré
une serpillière dans une main
sa dignité dans l'autre »

C'est cette figure maternelle, que Vénus Khoury-Ghata nous illustre dans les poèmes de ce recueil, tout en ombre et lumière. La femme et mère cimente les coeurs et tisse à travers ses larmes et ses colères, ses courages et ses peurs, les destins des petits qu'elle abrite et nourrit. Parfois insignifiante et transparente, à d'autres, forte comme un roc, elle n'en reste pas moins un des piliers, si ce n'est LE pilier de la maison.
Mais Père et Enfants en ont-ils vraiment conscience ? La Mère semble souvent porter son (le) monde à bout de bras dans l'indifférence et le mépris.

« A genoux devant l'âtre
la mère injuriait les flammes quand un sarment trop vert faisait des étincelles
elle avait un compte à régler avec le froid
avec ses reins
quatre enfants suspendus à ses hanches
un sol vomisseur de boue et de poussière
le balai fidèle compagnon
quitté à ras de tombe »

Après la lecture des « obscurcis », j'ai retrouvé avec plaisir et questionnement cet univers foisonnant mais tellement beau, féroce – déstabilisant – à travers les mots sublimes de Vénus Khoudry-Ghata.
La maison, thème tout aussi central et mystique (mythique ?) que la mère sous la plume de l'auteure, a quelque chose de fascinant. Elle est « animée », sans qu'on sache définir avec certitude « la couleur » de cette âme : Maison aux pieds des arbres de la forêt qui l'enserrent, ses murs gardent ou rejettent, retiennent ou libèrent, vont et viennent, suivant un mécanisme dont les rouages obscurs nous échappent.
C'est une lecture qui reste ouverte, déroute et attise le plaisir des mots, sonorité et sens imbriqués pour un constat beau mais souvent amer.

« Penchée au dessus de mon épaule
la morte analphabète surveille ce que j'écris
chaque ligne ajoute une ride sur mon visage
(…)
Assis sur le même seuil
les mots de ma langue maternelle me saluent de la main
je les déplace avec lenteur comme elle le faisait de ses ustensiles de cuisine
marmite écuelle louche bassine ont voyagé de mains en mains
quels mots évoquent les migrations d'hommes et de femmes fuyant génocides sécheresse faim
enfants et volailles serrés dans le même balluchon parlaient-ils
l'araméen caillouteux
l'arabe houleux des tribus belliqueuses
ou la langue tintant telles billes de verre dans nos poches d'enfants »
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