Le film débute par la mort d'une jeune femme. Contrairement aux victimes suivantes, elle n'est pas tuée par un requin. Non, elle est dévorée par une chose qu'on ne voit jamais. Elle quitte ses amis et la chaleur d'un feu de camp, la sécurité du rivage, pour la mer froide. Le soleil se lève alors qu'elle retire ses vêtements et entre dans l'eau noire. Rien de ce qui se trouve en dessous n'est visible. Quelque chose la saisit sous la surface, et la projette violemment en tous sens. Elle hurle et se cramponne désespérément à une bouée en cloche, comme si ça pouvait la sauver. Nous l'entendons crier "ça fait mal". ça, un mot aussi terrible et vague que chose. L'attaque ne dure pas bien longtemps. Moins d'une minute. Puis la nageuse est entraînée dans l'abysse au large de Long Island, et nous ne pouvons qu'imaginer ce qui la tient. La mer est complice de son agresseur, elle le cache, même si cette force invisible ne doit se trouver qu'à quelques centimètres sous la surface.
Nous autres humains sommes des animaux curieux.
Par ailleurs, j'ai toujours la conviction profonde que certains mots prononcés à voix haute, même avec la volonté de s'en débarrasser, suffisent à perpétuer une hantise.
Le Dr Ogilvy désapprouve l'emploi du mot "folle" et n'aime pas non plus le terme "aliéné". Elle se réjouit probablement du changement de nom de l'hôpital Butler. Mais je lui ai déjà dit que ce sont des mots honnêtes. On s'en fout du politiquement correct ou des connotations négatives, ce sont des mots honnêtes, et j'en ai besoin.
Plus tard, j'ai compris grâce à un livre et à un documentaire du National Geographic que ma représentation du loup n'avait fait que rendre l'histoire plus vraie, parce que les hommes sont beaucoup plus dangereux que les loups.
Les fantômes sont ces souvenirs trop forts pour être définitivement oubliés; ils résonnent à travers les années et refusent de se laisser effacer par le temps.
Personne ne tourne jamais vraiment la page, ou n’atteint une forme de dénouement, ne croyez pas tous ces bouquins de développement personnel ou les tenants d’une psychologie à deux balles. Je sais cela.
Les fantômes sont des souvenirs trop forts pour être définitivement oubliés ; ils résonnent à travers les années et refusent de se laisser effacer par le temps. (…) Autre chose, à propos des fantômes, un point très important : la prudence s’impose, parce qu’ils peuvent se révéler contagieux. Les hantises sont des mèmes, des contaminations de la pensée terriblement pernicieuses, des infections sociales qui ne nécessitent aucun hôte viral ou bactérien et se transmettent d’un millier de façons différentes. Un livre, un poème, une chanson, un conte, le suicide d’une grand-mère, une chorégraphie, quelques images d’un film, un diagnostic de schizophrénie, une chute de cheval mortelle, une photo dont les couleurs ont perdu de leur éclat, une histoire racontée à sa fille.
Ou un tableau accroché au mur.
Pour autant que je sache, personne n'a jamais proposé de soigner la schizophrénie par le sexe. Mais au moins, quand je baise, je ne risque pas d'être constipée ou de voir mes mains trembler – merci, monsieur Risperdal – ni de prendre du poids, d'être fatiguée ou d'avoir de l'acné – merci, M. Dépakine.
Je ne suis pas convaincue. Par cette théorie. Nous ne sommes ni doués ni extraordinaires. Nous sommes légèrement ou profondément brisés.