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Critique de Emiliec28


C'est difficile de porter un jugement sur ce genre d'ouvrage. D'abord parce que la thématique est douloureuse et très personnelle de toute évidence. Il s'agit plus d'un partage, d'une revendication, d'une dénonciation que d'un roman de fiction. Je ne peux qu'être solidaire de la démarche, je vais donc essayer d'être impartiale sur les critères que je juge en second lieu. Des détails (et je souligne l'importance du mot détail) qui m'ont un peu chiffonnés ou interrogés.

Tout comme Clotilde, le personnage, j'aurai une tendance à me croire suffisamment forte pour surmonter, lutter et abattre les rencontres toxiques à l'image du Directeur auquel elle a du faire face mais pour avoir vu ma mère, mon ancienne supérieure, elle-même très forte psychologiquement, et pour avoir subit des traitements similaires (bien que moi graves et moins longs), pour avoir expérimenté la lâcheté des collègues qu'on pensait être des amis, l'incompétence des RH, des délégués du syndicat... Je sais qu'on peut sombrer. Toutes les "critiques" que je vais donc énoncer sont dénuées de tout jugement, ce sont simplement des réflexions internes auxquelles j'espère trouver des réponses durant la rencontre qui doit avoir lieu ce soir avec l'autrice. En attendant...

Comme souvent quand je lis, je fais des annotations au fur et à mesure de ma lecture. Au bout des trois premiers chapitres je suis plutôt indécise : des signaux d'un possible burn-out étaient déjà présent avant même l'arrivée de cet enflure de Karl. Clotilde, bien que forte et débrouillarde, inventive et pleine de vie, donnait beaucoup trop d'importance à trop de choses qui n'étaient pas elle à mon sens. le boulot, le regard de ses filles. Combien de personnes se perdent dans leurs objectifs professionnels et familiaux ? Je ne dis pas que c'est mal en soi d'avoir de l'ambition, des projets et de l'amour pour sa famille, je dis simplement que la culture nous tend à en faire les objectifs primordiaux de toute notre vie (surtout la famille pour les femmes) nous sommes tellement bien conditionné.es que nous oublions qu'il y a d'autres sources d'accomplissement, de réussite et de richesse dans la vie.

Autre chose que je note et dont j'ai eu du mal à voir la pertinence tout au long du livre c'est la place de la religion au milieu de tout ça. Ça doit beaucoup compter pour l'auteure et je ne remets pas en cause ses croyances, pas plus que je ne la juge mais ça m'a un peu gênée, ça ne s'explique pas. Ou plutôt si, dans la mesure où je suis athée, ça peut se comprendre. Elle défend toutefois son attachement à l'entreprise parce qu'elle prône ouvertement des valeurs chrétiennes, jusqu'à réciter le bénédicité avant les repas lors des rencontres annuelles. C'est rassurant de voir que l'auteure trouve que c'est un peu trop et qu'elle avoue qu'elle l'aurait perçu bien différemment, plus agressif, si elle n'était pas de la même confession...

Elle se laisse vraiment happer par l'ambiance qu'elle appelle pourtant plusieurs fois "sectaire" et "traditionaliste" rien que ça moi ça me hérisse les poils de bras.

À ce stade de la lecture je tiens quand même à dire que la narration est excellente, en tant que lecteur on angoisse de l'arrivée de ce nouveau directeur et de sa cravate bleue canard.

Pour ce qui est de Jérémy, je ressens beaucoup de frustration sur cette "intrigue secondaire" j'ai du mal à comprend qu'on puisse passer par des intermédiaires plutôt que de s'adresser à un ami d'enfance... Il n'y aura pas vraiment de conclusion, c'est une trahison à peine expliquée, je ne sais pas comment j'aurai réagit à la place de Clotilde. C'est toujours facile de donner son avis quand on a du recul sur une situation et pas d'implication émotionnelle mais de se pencher sur le cas de Jérémy avant aurait tellement aidé. Après on a juste envie de le buter donc c'est pas très constructif ahah.

J'ai relevé une autre citation (la seconde) qui déplore l'univers masculin qui l'empêche de parler de la journée de rentrée des classes "si particulière pour les mamans" moi je pense que le problème ce n'est pas qu'elle ne puisse pas en parler, c'est que les hommes ne se sentent pas concernés eux-mêmes par les grandes étapes de leurs enfants, ça fait partie intégrante du monde à changer à mon sens.

La descente aux enfers est implacable, apparition du travail dans la vie privée jusqu'à prendre toute la place. L'investissement hallucinant et le manque total de reconnaissance. Où sont passées les magnifiques valeurs n'est-ce pas ? Même en vacances on ne la laisse pas en paix.

Au fur et à mesure de la lecture j'ai des souvenirs de comportements similaires qui remontent : dissimulation, insultes, manipulations. Ça fait froid dans le dos. le manque complet d'empathie des contres-pouvoir, le regard fuyant des collègues plus ou moins proches...

La fin du roman n'est pas sans me faire penser à She Said, à ce qu'ont dénoncé les journalistes : on vit dans un système qui favorise la continuité des exactions, on s'arrange "à l'amiable"
Les rouages sont extrêmement bien décrit, le témoignage/roman est glaçant et on voit comme on peu facilement chuter. C'est un livre qui peut faire du bien à ceux qui ont vécu une situation similaire ou qui le vivent.

Question pour l'autrice :
- "Est-il plus important de réussir ta vie ou de réussi dans ta vie ?" Est-ce que je comprends bien ce que je crois comprendre ? (Cf début de ma critique)

- Jusqu'à quel point c'est autobiographique ? C'est un peu flou, ce roman aux allures de journal avec une mise en contexte si précise laisse plutôt présager des expériences retranscrites fidèlement... D'autres victimes ont-elles abreuvé la réflexion ? REPONSE : elle a confirmé que c'était beaucoup de morceau d'expérience de sa vie, qu'il n'y avait pas eu d'autres participants au travail d'écriture.

- Jérémy : est-ce que c'est une expérience vécue ? Si oui, comment on arrive à faire le deuil d'une telle trahison ?
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