J'ai lu ce roman comme on pousse la porte d'un lieu inconnu. La protagoniste est une veuve de soixante ans qui travaille dans un EHPAD, en tant qu'aide-soignante et vit à Séoul. Alors qu'elle peine à joindre les deux bouts, que sa situation financière est instable et que son travail semble l'être tout autant, sa fille lui demande de l'héberger elle et sa compagne pendant quelques temps. Elle accepte à contre coeur, parce que c'est sa fille et qu'elle ne peut pas la laisser sans toit, mais la honte lui colle à la peau: sa fille unique, la chair de sa chair, est homosexuelle. Et ça, elle ne peut pas l'accepter.
Au fil des jours, les trois femmes vont voir leurs relations se tendre et l'atmosphère devenir glauque à force de non-dits. En parallèle, on assiste à la déchéance de cette mère, proche de la retraite et qui se retrouve, du jour au lendemain, aux prises avec la réalité mercantile qui se cache derrière les hébergements pour personnes âgées.
Véritable plongée dans la culture et le mode de vie coréens, je suis ressortie de cette lecture un peu sonnée, étourdie d'avoir perdu tous mes repères littéraires le temps d'un roman. Cette histoire mêle les générations, confronte les points de vue, parle du temps qui passe et des liens qu'on tisse les uns avec les autres; elle interroge notre rapport à la vie, ce que l'on met derrière le mot "famille" et la place de chaque individu dans la société.
Parfois déstabilisant ou même choquant, ce récit m'a rappelé combien les cultures asiatiques sont différentes de celles européennes. L'atmosphère qui se dégage de ce roman est envoûtant et presque poisseux et je suis ressortie de ma lecture sans savoir si j'avais aimé ou non… mais bien consciente d'avoir été bousculée dans mes habitudes.
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Un très bon premier roman !
Une mère voit sa fille revenir au bercail pour de sombres histoires de logement. Sauf que sa fille est lesbienne et qu'elle va revenir vivre chez sa mère avec l'amour de sa vie. Une cohabitation difficile s'installe alors entre une mère qui ne comprend pas l'homosexualité de sa fille et deux jeunes femmes au prise avec une société coréenne très discriminante.
Récit à la première personne qui ne fait intervenir que la mère, c'est à travers elle que l'on comprend les rouages sociaux à l'oeuvre : une hiérarchisation très forte des relations, des impératifs de bienséance qui annihilent toute singularité de l'individu, une homophobie latente et acceptée, une vision conservatrice du couple hétérosexuel et de la famille qui ne laisse aucune place à d'autres formes de vie commune. Autant dire que la situation est terrible pour ces deux jeunes femmes.
Le.a lecteurice assiste au combat intérieur, amer et douloureux, de cette mère incapable d'abandonner ses préjugés, obnubilée par le qu'en dira-t-on, persuadée que le bonheur de sa fille réside dans le mariage avec un homme. Cette mère qui aime pourtant sa fille, qui accepte de l'héberger avec sa copine, qui tentera malgré tout de faire un timide pas de côté. Une mère qui rentrera également en résistance contre la société coréenne pour sauver une vieille dame de l'enfermement débilitant en maison de retraite.
Dès lors, ce sont des sentiments ambigus qui nous traversent : jamais je n'ai pu détester cette mère quand bien même certains de ses propos sont terribles. Mais on comprend très vite qu'elle-même est une victime dans le jeu absurde des conventions. le poids des traditions pèse terriblement sur ses épaules. A l'image du ton adopté par l'autrice, cette mère est toute en retenue, invisible, retirée sur elle-même. Sa révolte est plus lente à arriver et un peu effarouchée. Mais c'est avec sa fille qu'elle réussira à s'émanciper.
Avec un style dépouillé, discret mais direct, l'autrice donne une voix lumineuse à cette femme qui nous pousse aussi vers nos propres retranchements. C'est réussi !
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La quatrième de couverture m'avait grave plu, mais a la lecture du livre, j'ai trouvé dommage que ça tire un peu en longueur. La fin aussi m'a laissé un peu sur la fin (lol) mais j'ai pensé que ça irait plus loin, que le personnage de la mère allait changer et je n'ai pas eu cette impression.
En tout cas je peux me tromper.
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