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Critique de Kirzy


Cela fait très longtemps que je n'avais pas lu un roman aussi barré et étonnant. Un peu comme un film des X-men mais sans effet spéciaux pétaradants, juste un placard rempli de 375 dossiers sur des « symptomatiques », une cohorte étrange de mutants, patiemment recensée par le mystérieux Dr Kwon qui y voit l'avènement d'un homme nouveau. Ces symptomatiques sont des humains hybrides ou dotés de capacités hors-normes : un homme qui a un gingko poussant sous son doigt et grandissant en le vampirisant ; une femme abritant dans sa bouche une langue-lézard, des unités multi-personnelles qui se baladent d'un corps à l'autre jusqu'à se bousculer à plusieurs dans un seul au point de le pousser au burn out etc.

Le narrateur est tout aussi bizarre : un employé de bureau très ordinaire mais capable de passer 178 jours à ne boire que des canettes de bière achetées par palettes avec le petit héritage maternel. Un personnage qu'on aime suivre, à la fois candide et spleenitique, qui passe à l'âge adulte en découvrant ce placard et en se mettant au service du Dr Kwon, en danger même lorsqu'une Entreprise veut mettre la main sur les dossiers afin de s'accaparer les pouvoirs des mutants.

Kim Un-Su ne se contente pas de créer des histoires vivantes et curieuses autour de ses symptomatiques. Si chacune est autonome et dégage une rare poésie, si les premières présentées semblent bien inoffensives, progressivement s'insinue une critique amère et juste de notre société post-moderne. Ces mutations chimériques sont en fait une adaptation de l'être humain à une société dans laquelle il peine à s'insérer. Ainsi, les mosaïqueurs de mémoire soignent le présent en effaçant des événements passé traumatiques, au risque de sacrifier leur futur. Ces symptomatiques ne sont que des pantins perdus qui font face, comme ils peuvent, à la dure réalité contemporaine.

La lecture avance en interpellant sur le sens de la vie et l'absurdité ubuesque du quotidien : « Une vie de parasite. Des gens qui n'osent pas sortir de leurs habitudes de nuls parce qu'ils ont peur de tout, des minables qui finissent par creuser leur propre tombe où ils ont chié. » le roman dénonce la routine bureaucratique au travail, la course à la productivité avec un ton tour à tour loufoque, burlesque, satirique, irrévérencieux et souvent jubilatoire. Bien sûr, il faut accepter de se laisser porter par la folie d'un récit sans forcer comprendre les tenants et aboutissants immédiatement. Au final, cela donne un roman totalement inattendu et libre qui oscille entre roman noir, fantastique et thriller paranoïaque.
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