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Critique de SMadJ


Docteur Sleep

25 ans déjà que tu m'accompagnes, me parles et me chuchotes tes horreurs dans le creux de mes oreilles me faisant frissonner, m'inquiéter ou me ronger les doigts (ouille !) pour tes histoires et tes personnages. Bref tu as fait accélérer plus d'une fois mon palpitant qui palpite qui palpite.

Mais, tu as changé, Stephen. Tu es devenu un charmeur.
Ta voix aussi a beaucoup changé depuis Shining.
Avant tes mots s'adressaient à mes tripes, les tordant avec délectation et malice me foutant le trouillometre à zéro. Dorénavant tu vises le coeur et l'émotion.
Tu as mis de côté l'horreur organique et tu susurres à mon coeur une douce mélopée ; aux relents acides tout de même. Car on y meurt beaucoup dans tes livres (aie !).

Et si le lecteur se retrouve toujours confronté à l'horreur, on parlera d'horreur émotionnel dans le cas présent, d'éloge de la noirceur lumineuse.
Et quelle richesse dans les thèmes abordés. Un livre dont les charmes se délient à chaque page tournée. de la générosité à l'état brut.

Des personnages comme toujours brillamment écrits, touchants, réalistes à l'identification immédiate. L'une de tes plus grandes forces. Avant l'histoire, même. Tu insuffles tellement de vie en eux qu'on les entend respirer près de nous.
C'est avec puissance et empathie que l'on retrouve Danny Torrance et suivons ses souffrances et ses frayeurs par rapport à son don et le chemin alcoolisé qui en découle. Alcoolique comme papa, en voilà un retour au point de départ. "La vie est une roue, et elle revient toujours à son point de départ."

Mais l'histoire, parlons en. Elle nous surprend toujours, va dans la direction inverse de ce a quoi on s'attend et apporte de la fraîcheur dans tes trames scénaristiques.

Et quelle bonne idée que ce clan du Noeud Vrai. Des vraies gueules cassées. La première référence qui vient en tête est le premier film de Kathryn Bigelow "Aux Frontières de l'Aube" pour le côté moderne et itinérant. Sorte de vampires de l'âme qu'ils vous siphonnent en un rien de temps et dont ils gardent en réserve des tubes dont ils se nourrissent pour vivre éternellement, addicts à la vapeur.

Docteur Sleep est d'ailleurs entre autres un roman sur l'addiction. Celles des personnages bien sûr, entre alcool et drogues mais aussi celle que tu fais subir à tes lecteurs, incapable de décrocher du fixe annuel ou bi-annuel dont tu les nourris. Un trip d'une puissance incomparable aux effets salvateurs pour l'âme.

Le bouquin parle aussi de la transmission. Un sujet rarement abordé par le King jusqu'ici. L'âge aidant et la question devant sûrement faire son chemin dans sa tête, l'idée de succession lui trotte. On peut y voir un parallèle avec son fils Joe. "Quand l'élève est prêt, le maître apparaît".

D'ailleurs, ce livre est plein de petites phrases qui font mouche, d'une finesse et justesse absolue. Et c'est avec une grande tristesse que la dernière page se referme. Ce bouquin reste en tête, n'en sort pas et vous hante délicieusement.

Pour conclure, il est dit que Stephen King a cette particularité d'avoir plusieurs voix d'écriture, une de ses grandes forces, qui lui évite de bégayer comme un Koontz a pu souvent le faire. Et sa voix ici a la tonalité de la douce obscurité et sa plume plongée dans le sang rédige un roman lumineusement sombre.
Un petit chef d'oeuvre 4/5
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