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EAN : 9782253151623
576 pages
Le Livre de Poche (24/10/2007)
  Existe en édition audio
4.28/5   5760 notes
Résumé :
Quand on propose à Jack Torrance, ancien professeur et ancien alcoolique, un poste de gardien pour l'hiver à l'hôtel Overlook dans les montagnes du Colorado, il croit tenir là une chance de se racheter aux yeux de sa famille.

Il s'y installe avec Wendy, sa femme, et leur fils Danny, en espérant profiter de cette occasion pour écrire la pièce de théâtre qui le révélera au monde. Mais les démons de l'hôtel trouvent en Jack une proie presque trop facile ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (510) Voir plus Ajouter une critique
4,28

sur 5760 notes
(Et s'il y avait une petite note discordante et une bonne dose de provoc au milieu de ce concert d'éloges, hein, qu'en dites-vous ?...)
Ne riez pas ! Je n'avais aucun Stephen King dans ma bibliothèque avant de me faire offrir Shining par JC Lattès et l'entremise de Babelio dans le cadre de Masse Critique. C'est un peu la honte, hein ?

Pourtant, j'ai toujours fait beaucoup d'efforts afin d'être fière un jour, au soir de ma misérable vie, de ma petite bibliothèque murale mais jusqu'à présent je n'avais toujours vu briller qu'un seul King, celui qui avait l'âme d'un lutteur, mon cher Martin.
Alors, grand merci donc à Jean-Claude Lattès et à Babelio d'avoir comblé ce manque.

Quand j'interroge autour de moi, je m'aperçois que je dois être une des rares ignares à n'avoir point visionné l'adaptation de Shining par Stanley Kubrick. En revanche, j'ai vu il y a quelques années un film qui s'appelait Sixième Sens, avec Bruce Willis, que j'avais vraiment bien aimé et que la lecture de Shining m'a beaucoup rappelé.

Bon, ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si depuis toutes les années que je lis et que je rencontre des lecteurs, mon curriculum de lectures n'avait jamais encore croisé la ligne verte des bouquins de Stephen King.

C'est vrai que ce n'est pas du tout mon style et je vais essayer de décrire ce que ressent un lecteur ou une lectrice tels que moi, c'est-à-dire plutôt hermétique du bocal pour ce qui est des genres fantastique et horreur.

Je trouve ce roman mu d'une belle efficacité de narration et pour la première moitié de l'ouvrage, je l'ai trouvé plutôt agréable voire très agréable à lire.

Bien évidemment, et c'est la petite critique que je fais également aux diverses ramifications du genre policier, c'est beaucoup plus un scénario qu'une écriture véritable, mais je n'ai pas l'intention de m'embarquer une nouvelle fois sur ce terrain que j'ai déjà largement foulé avec mes critiques des bouquins de Dennis Lehane.

Dès le début, notamment par les incrustations de phrases en italique on sent que le scénario est très construit et qu'on va retomber sur nos pieds tôt ou tard et comprendre toutes ces petites allusions étranges qui tranchent avec la situation du moment.

Le côté psychologique est très présent dans une bonne partie du livre et les trois protagonistes principaux (le mari, la femme, le fils) auxquels on pourrait peut-être adjoindre le cuisinier Hallorann, sont très bien dépeints d'un point de vue psychique. Je n'irai pas jusqu'à écrire " finement dépeints ", mais avec un certain brio.

J'ai bien aimé aussi le fait que Stephen King élève un lieu, ici un grand hôtel de luxe perdu dans les Montagnes Rocheuses du Colorado, au rang de véritable personnage principal, pour ne pas dire le vrai héros de l'histoire. L'Overlook, vieil hôtel ayant vu passer pas mal de grand monde et les dépravations qui vont avec est une figure intéressante qui n'est pas sans me rappeler certaines nouvelles De Maupassant, lui aussi très sensible aux lieux " habités " par l'âme de ceux qui y ont vécu.

Si je dois résumer les points forts de l'ouvrage, ils tiennent selon moi en la bonne qualité de narration de l'auteur, en l'épaisseur psychologique de la triade familiale et en l'élévation au rang de personnage à part entière de ce vieil hôtel cossu.

Pour le reste, je suis loin d'avoir goûté les " subtilités " auxquelles Stephen King nous soumet. Mais, puisque je suis bien lunée aujourd'hui, avant d'aborder les sujets qui fâchent, je m'en vais poser quelque peu le décor, pour les quelques ignorants, dont je faisais encore partie il y a quelques jours, qui n'ont jamais ouï parler du synopsis.

Jack Torrance est un écrivaillon potentiellement prometteur, mais aussi et surtout un alcoolique doublé d'un caractériel hyperviolent qui, sur un pétage de boulon, peut s'acharner sur des membres de sa famille ou d'autres personnes qui l'auront trop contrarié. C'est d'ailleurs suite à l'une de ces bastonnades en règle que Jack a perdu son travail d'enseignant.

Sa femme Wendy a souvent été à deux doigts de le quitter, mais depuis qu'il a fait l'effort surhumain pour lui de ne plus toucher à une goutte d'alcool, elle veut encore croire à son couple et lui donne une nouvelle chance de la surprendre dans le bon sens du terme.

Leur fils, Danny, est un petit bonhomme de cinq ans, personnage capital du récit, celui-là même qui donne son titre au roman (titre original The Shining, L'Enfant Lumière, plus tard rogné simplement en Shining). Cet enfant semble doué de capacités extrasensorielles d'un type très spécial puisqu'il est capable de sonder les pensées des êtres, ainsi que de voir tant dans le passé que dans l'avenir. (Je vous avoue que c'est là que je commence à un peu décrocher quand je lis des trucs comme ça.)

Jack, donc, lamentablement remercié suite au lynchage d'un étudiant, peine à retrouver un job quand son ancien copain de beuverie, Al, lui propose un emploi honnête et peinard, être gardien d'un hôtel de montagne qui n'est ouvert qu'en saison estivale et qui doit juste être surveillé et entretenu durant le rigoureux hiver des Rocheuses.

Cet isolement et cette tranquillité devrait lui assurer suffisamment de temps libre pour se consacrer à l'écriture et terminer enfin la pièce commencée depuis trop longtemps. Jack et Wendy espèrent aussi que ceci leur permettra de resserrer les liens de leur couple, sérieusement mis à mal depuis quelques années.

À leur arrivée à l'hôtel, ils font la rencontre du cuisinier qui, de suite, remarque l'étrange talent de Danny, le fils des Torrance. Je ne vous en dis pas davantage car si vous souhaitez découvrir l'histoire, cela pourrait vous être préjudiciable.

Venons-en, selon ma propre perception, aux véritables calvaires de cette lecture, aux moments mornes et de faible intérêt pour la lectrice lambda - - - (ou mauvais public + + +) que je suis en matière de thrillers psychologiques, récits fantastiques et romans d'épouvante.

Stephen King fait dans le lourd, la bonne grosse recette classique : les morts vivants, les fantômes, les possédés du démon, la ritournelle habituelle de la maison et des objets hantés, de l'hémoglobine à gogo et des sécrétions honteuses en généreuses proportions. Bref, tout ce qui n'est pas très intéressant à mon goût.

Finalement, quand j'essaie d'analyser la mécanique d'écriture, c'est d'un monotone, c'est d'un plat ! Toujours la même démarche : perception ultra lucide par anticipation du petit Danny, histoire d'attiser chez le lecteur la possibilité d'un risque et de mettre le lecteur dans l'inconfort (c'est la définition même du suspense telle que la donne Alfred Hitchcock), puis transfert du risque sur le père et, pour boucler la boucle, déchaînement de l'hôtel lui-même sur ses trois occupants.

Et quand c'est fini ? Et bien on ré-enclenche une petite " boucle terrifiante ", exactement sur le même schéma, avec une nouvelle intuition ultra sensible du gamin, un nouveau truc gore ou flippant qu'il imagine en rêve ou en transe, etc., etc., et ça n'en fini pas et c'est reparti pour un tour, et sans cesse comme ça, avec, si possible, une surenchère de trucs dégueux à chaque rotation jusqu'à l'apothéose finale.

Ouh, là ! là ! Qu'est-ce que je m'y ennuie intellectuellement dans ses méandres bourbeux et dans ce genre de littérature. Ce n'est vraiment pas mon truc. Je comprends que cela plaise aux ados (voire aux bikers fans de Harley-Davidson qui portent des T-shirt AC-DC ou Iron Maiden avec une petite préférence pour les amoureux de Sepultura) mais je ne m'y reconnais absolument pas ; j'ai passé l'âge, sans doute (si tant est qu'il y ait un âge adéquat).

Il y a, de plus, comme pour enfoncer le clou de la médiocrité, un petit côté racoleur, celui du prolo qui découvre l'envers du monde du luxe et de la jet-set et qui se rend compte que ce n'est pas joli-joli. Cela m'évoque les meilleurs moments de la prose à scandale et du voyeurisme ordinaire, deux choses que je porte particulièrement dans mon coeur.

Oui, je vous l'avoue humblement Monsieur King, je le trouve indigeste votre mille-feuilles ; un peu de finesse, que diable !, on n'est tout de même pas obligé de faire que dans le gras, que dans le collant, que dans le gros gâteau bien lourd bourré de crème ! Et vas-y que je t'en rajoute une couche et encore une couche, toujours plus gras, toujours plus crémeux, toujours plus sucré, jusqu'à l'écoeurement.

Après les visions, les fantômes, les buissons mouvants, l'alcoolisme, l'aliénation mentale, vas-y que je t'en rajoute une louche avec les risques de catastrophe aérienne, la conduite impossible sur neige au bord d'un précipice. Allez ! On met toutes les sources de peur dans un gros sac, on bourre au maximum, on fait feu de tout bois, on secoue un bon coup et le lecteur finira bien par frémir moindrement, non ? Coup de bol, il ne nous a pas fait intervenir l'avalanche, mais c'était moins une !

Et du sang, et des glaires, et de la sueur, et du pus, et des vomissures, et des bêtes infâmes, et encore du sang, et de la bave, et de l'urine, et des bouts de cervelle gélatineuse, et du sang, du sang, toujours du sang... Oh ! que c'est lassant ce sang ! C'est ça la vision et la haute opinion que vous avez de la littérature Mr King ?

Bref, je vais m'arrêter là ; tout le reste serait superfétatoire. En somme, une très bonne qualité de narration mais des ressorts du gore et de l'épouvante que je trouve lamentables, d'où une note mitigée.

Mais, bien évidemment, tout ceci n'est que mon avis, pas brillant, pas shining pour deux sous, c'est-à-dire, vraiment pas grand-chose.

P. S. : j'assume toute la hargne que ce commentaire pourrait susciter chez certains d'entre-vous. Alors, si ça vous fait du bien, lâchez-vous, je n'en prendrai pas ombrage. J'aime bien la provoc et c'est le prix à payer.
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Les enfants ont des pouvoirs spéciaux, c'est bien connu : ils devinent la tristesse qu'on veut leur cacher, ils sentent venir les tempêtes ou devinent que leurs parents sont énervés. (Les tout-petits ont cependant la fâcheuse tendance à réagir à l'irritation parentale en criant encore plus fort ce qui amorce parfois une spirale dangereuse, mais c'est une autre histoire…)

L'enfant-lumière a donc des pouvoirs, des capacités encore plus grandes de lire dans les pensées, mais c'est d'abord un enfant vrai, avec des réflexions et des émotions de son âge. Je pense d'ailleurs que Stephen King a innové dans le domaine du roman d'horreur pour adultes, en mettant en scène un gamin, non pas seulement comme victime ou accessoire du mal, mais comme acteur, comme personnage clé.

Avec l'enfance, King amène aussi le lecteur vers une émotion fondamentale de cette période de la vie où l'être humain est tellement vulnérable. La peur, entière, celle qui ne peut pas être amoindrie par un raisonnement que l'enfant n'a pas encore acquis. La peur de ce qui se cache dans le noir, la peur des monstres et des choses qui font tromal...

Au-delà des rationalisations sur la qualité de l'écriture, on aime un livre en fonction de l'émoi qu'il suscite. Est-ce qu'on ressent l'atmosphère angoissante de l'Overlook? Est-ce que la terreur du petit Dany remue un peu les entrailles et fait remonter les peurs qu'on a tous ressenties un jour ou l'autre?

Pour ma part, ce roman a eu le même effet que Psychose de Hitchcock, son souvenir revient toujours lorsque je suis seule dans le corridor d'un vieil hôtel…
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Alors que le « Docteur Sleep » sortait en librairie, il était donc plus que temps que je découvre ce qui s'était passé 36 auparavant dans les montagnes Rocheuses, un coin perdu du Colorado. Jack Torrance que j'associe forcément à Jack Nicholson. le film fort et phare de Stanley Kubrick, ce générique qui nous présente comme dans un long travelling aérien et sinueux de la pente vers cet hôtel qui me terrifie déjà avant d'ouvrir même la première page du bouquin.

"La femme qui gisait dans la baignoire était morte depuis longtemps. Elle était toute gonflée et violacée et son ventre, ballonné par les gaz et ourlé de glace, émergeait de l'eau gelée comme une île de chairs livides. Elle fixait sur Danny des yeux vitreux, exorbités comme des billes. Un sourire grimaçant étirait ses lèvres pourpres. Ses seins pendillaient, les poils de son pubis flottaient à la surface et ses mains congelées se recroquevillaient comme des pinces de crabe sur les bords godronnés de la baignoire en porcelaine."

Il est quatre heures du matin, lorsque je finis les dernières pages de ce roman. Insomnie, besoin de frissons, pas envie d'attendre le lendemain pour en terminer avec le dénouement. Un King, c'est certes de grosses ficelles pour faire peur, cela reste pour moi une littérature adolescente, mais c'est aussi le plaisir de se retrouver seul avec une lumière tamisée, d'entendre la neige tomber lourdement et de sentir ces animaux en buis effrayant, prêts à me sauter à la gorge. Mais j'en ai vu d'autres. Je ne vais pas me faire avoir comme un vieux puceau, ne vais pas uriner dans mon pyjama (pour la simple raison que je n'en porte pas la nuit, mesdames !)

"Danny hurla sans qu'aucun son ne sortît de sa gorge ; le cri refoulé plongea au fond de son être comme une pierre qui tombe au fond d'un puits. Il recula de nouveau, faisant tinter le carrelage sous ses pas, et subitement il sentit que dans son affolement il s'était inondé d'urine."

Tu as entendu ce cri ? C'était quoi ? Maman ! ! Ouf, j'ai bien cru que cette vieille moisie allait me sauter dessus pour me faire des trucs que je n'avais pas envie, vieille perverse. Allons, allons, il y a des enfants qui nous regardent. Pense au petit Danny. Il doit se sentir bien seul là-haut, avec un père alcoolique (serait-ce mon image ?) qui tente d'écrire le chef d'oeuvre de sa vie (serait-ce le reflet de ma vie ?)

Il me faut un verre. Double whisky pour moi. Gin pour l'écrivain Jack. Laissez-lui la bouteille, il se servira. Il lui faut sa dose. Hallucinations. Et si tout cela n'était que le fruit de mon imagination, la neige, la vieille, la tâche de sang. Pourquoi est-ce que j'ai caressé le radio-émetteur à coups de battes de base-ball ?

"Toujours grimaçante, elle rivait sur Danny ses énormes yeux exorbités. Ses paumes mortes crissaient sur la porcelaine, ses seins se balançaient comme de vieux punching-balls craquelés. Quand elle se leva, on entendit un bruit à peine perceptible de bris d'échardes de glace, mais elle ne respirait pas : ce n'était qu'un cadavre, mort depuis des années."

Un huis-clos terrifiant qui malgré son âge n'a pas pris tant de rides que cela. Une longue montée en progression de l'horreur, les cauchemars se font de plus en plus réels. L'abîme est là, juste derrière la prochaine page qui reste à tourner. Au prochain chapitre, promis, c'est la suite de l'horreur.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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"C'était la nuit que le vent se mettait à hurler autour de l'aile ouest de l'hôtel. Il détestait tout particulièrement les nuits - elles étaient pires que tout".

Danny Torrance avait peut-être le Don de réveiller les forces obscures tapies dans l'hôtel Overlook, mais Stephen King a toujours eu le Don de réveiller mes vieilles peurs et de me coller des frissons avec des choses simples ou des scénarios qui, a priori, pourraient nous paraître éculés.

Si j'avais délaissé cette oeuvre majeure du King lorsque j'étais plus jeune, c'était parce que j'avais peur d'avoir peur... Oui, ce livre me fichait la trouille !

Un hôtel isolé, bloqué durant des mois par la neige, Jack Nicholson-Torrance, une hache à la main, sa tête de psychopathe fou et voilà...

"Il alla vers la planche à hacher et saisit le manche du maillet. Il le leva et le fit tournoyer. le maillet faucha l'air avec un sifflement menaçant. Jack Torrance se mit à sourire".

C'est la publication de "Docteur Sleep" qui m'a poussé à enfin sortir "Shining" de ma pile afin de me plonger dedans. J'avoue que j'en frissonne encore et ce n'est pas à cause de la neige ou du froid. Et je pense que je n'ai pas été la seule à avoir la trouille durant ma lecture !

"Il eut l'impression que ses testicules se transformaient en deux petites bourses ridées, pleine de glace pilée, et ses tripes en gélatine".

L'histoire, je la connaissais, en gros, mais le détail fut encore plus terrifiant, angoissant... Et le King, malgré une écriture assez "simple", possède un véritable talent de conteur pour nous conter son histoire qui nous entraîne petit à petit dans l'horreur, avec un vieil hôtel dans les personnages principaux. Il est temps de compter vos abattis !

Parlons un peu de ce personnage pour le moins inhabituel... Construit en 1907, l'Overlook est un somptueux hôtel des Montagnes Rocheuses qui a changé de nombreuses fois de propriétaires, passant dans de mauvaises mains. Bref, c'est un hôtel qui a un passé pour le moins "agité" et surtout particulièrement sanglant : suicides et meurtres. Quand au précédent gardien, il a massacré sa femme et ses deux filles...

Certaines personnes exceptionnelles possédant le Don peuvent se retrouver, malgré elles, témoins de ce passé sanglant sous la forme de visions, d'apparitions, de fantômes,... Ce qui fut le cas pour Dick Hallorann, cuisinier et d'une femme de chambre. Ce sera pareil pour le tout jeune Danny "Prof" Torrance.

La femme qui gisait dans la baignoire était morte depuis longtemps. Elle était toute gonflée et violacée et son ventre, ballonné par les gaz et ourlé de glace, émergeait de l'eau gelée comme une île de chairs livides. Elle fixait sur Danny des yeux vitreux, exorbités comme des billes.

Un hôtel isolé qui semble doué d'une conscience autonome et foncièrement malfaisante... Fallait penser à l'écrire et le cauchemar que le King eu en 1974, dans la chambre 217 d'un hôtel où sa famille était les seuls clients, n'y est pas étranger.

Y'a pas à dire, Stephen King sait vous terrifier uniquement avec des ambiances angoissantes, des vieux ascenseurs, des tuyaux d'incendie et des buissons de buis représentant des animaux.

Au cours du roman, j'ai ressenti des frissons d'angoisse avec ce foutu hôtel qui avait lancé une véritable OPA de séduction sur Jack, ne sachant pas s'accaparer de l'esprit de Danny, qui lui, faisait de la résistance. Brrrr, oui, j'ai eu peur.

Ce livre, c'est une écriture qui fait mouche, du suspense, de l'angoisse, des temps fort, un huis-clos oppressant... le tout distillé goutte à goutte.

Le fait d'attendre aussi longtemps pour découvrir ce roman fut une bonne chose parce que cela fait peu de temps que j'ai appris que le King était dépendant à l'alcool lorsqu'il a écrit ce livre, tout comme son personnage, Jack Torrance. Cela confère au récit une force bien plus grande que s'il avait été écrit par un auteur sobre comme un moineau.

L'auteur savait très bien ce que Jack pouvait ressentir lorsqu'il se retrouve sans alcool, essayant tant bien que mal de s'en sortir; comme il savait bien l'état d'esprit que son personnage pouvait avoir lorsqu'il cédait aux chants des sirènes pur malt.

Si Stephen King détesta l'adaptation de Kubrick c'est parce qu'il lui reprochait d'avoir négligé les thèmes de la désintégration de la famille et de l'alcoolisme qu'il traitait dans ce livre avec une sacrée justesse.

Autre chose, si dans le film, Jack Nicholson/Torrance cédait assez vite à la psychopathie ambiante, sombrant rapidement du côté obscur de l'hôtel, il n'en est pas de même dans le livre où l'auteur prend le temps de le faire sombrer dans le déchéance. On voit Jack changer petit à petit et on tremble pour sa famille.

C'est ce qui donne tout le sel au récit : pas de précipitation ! L'Overlook infiltre l'esprit et les veines de Jack avec lenteur, prenant possession de lui, petit à petit, mais pas à 100% puisque Jack réussira tout de même à avoir quelques moments de lucidité, dont un fort important pour mettre en garde son fils : la marionnette a eu un sursaut de résistance...

Puisque je viens de vous parler de Jack, je vais m'attarder sur les autres personnages : il est un fait que certains sont plus attachants que d'autres et j'ai ressenti une tendresse particulière pour le petit Danny, 5 ans, qui va devoir faire face à des écueils dont il n'est pas préparé, ainsi que sa mère qui doit le protéger et pour le cuisinier, Hallorann, qui a le Don lui aussi.

Si le petit Danny a le rôle phare (normal pour un enfant lumière), si l'hôtel Overlook a un rôle central, si le cuisinier Dick Hallorann aura son importance, si Wendy, la mère de Danny joue son rôle de protectrice du mieux quelle peut, Jack Torrance est la pièce maîtresse du roman.

Voilà un autre point que j'ai apprécié dans "Shining" : l'évolution de Jack Torrance. Au départ, ce n'est qu'un pitoyable poivrot, un pilier de comptoir. Un homme au caractère versatile, changeant d'avis comme les vapeurs d'alcool changent sous la direction du vent. Comme toujours, c'est le même combat : il veut arrêter de boire, mais il veut le faire sans aide aucune, uniquement par sa seule volonté, ce qui est quasiment impossible.

Bref, pas un personnage que l'on a envie d'aimer. Pourtant, lorsque King nous parle de lui, nous faisant découvrir dans le récit ce que fut sa vie, sa jeunesse, nous parlant de ses ambitions perdues, de son père violent, de l'amour qu'il ressent pour son fils, Danny, et bien, mon regard a changé et j'ai commencé à ressentir de l'empathie pour lui.

Il n'est pas coupable de tout... L'hôtel a pris possession de lui et il n'est plus qu'un pantin dans les mains d'un marionnettiste plus fort que lui.

Un autre point que j'ai bien aimé : dans les dernières pages, lorsque tout est consommé et consumé, l'auteur nous montre que l'Overlook peut avoir une influence maléfique, diabolique, même sur les gens les plus purs... Achevant de me convaincre, par là-même, que Jack n'avait pas la capacité de résister et qu'il ne fut qu'une marionnette pour l'hôtel.

La télépathie, le combat de l'écrivain contre la page blanche, la famille, la solitude, le passé, la dépendance à l'alcool... sont des thèmes qui, dans ce roman, sont exploités avec une rare justesse.

Merci, Stephen, de m'avoir, une fois de plus, donné une excellente histoire bien frissonnante avec des personnages forts ! Si un jour je te croise, je pourrais te dire que ta littérature a marqué ma vie, avec celle de Conan Doyle (mais lui, je risque moins d'avoir l'opportunité de le croiser).

PS : j'ai tellement été perturbée par ce livre que j'avais publié ma critique de "Shining" dans "Docteur Sleep"... Oups !!!

Lien : http://thecanniballecteur.wo..
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J'avais promis de redonner sa chance à Stephen King après le cuisant échec de notre première rencontre via le recueil de nouvelles « Juste avant le crépuscule », alors voilà, c'est chose faite.

Il semble que la meilleure méthode à appliquer pour mettre toutes les chances de mon côté ait été de puiser dans les vieux pots du « King » pour y dénicher la meilleure soupe*. Avec « Shining », j'ai en effet pu saisir avec plus d'acuité la substantifique moelle du travail d'écrivain du « roi de l'épouvante » et ainsi mieux comprendre le lien magnétique qui l'aimante à son public depuis déjà plusieurs décennies.

Comme dans un bon blockbuster, tous les ingrédients sont réunis : un héros névrosé, une héroïne gracile mais combative, et un enfant de la bouche duquel sort fatalement la vérité. Ajoutez à cela un vieux palace désert et hanté aux proportions soviétiques, complètement coupé du monde par un hiver rigoureux au coeur des Rocheuses. Pimentez d'un zeste de folie due à un alcoolisme larvé couplé à un complexe de médiocrité tout à fait justifié et vous obtenez un bon roman haletant où le suspense est omniprésent, la violence à la fois latente et fulgurante, le fantastique à portée de main, la psychologie fouillée quoiqu'assez stéréotypée et une ambiance de huis-clos oppressante qui vous fait vite préférer la lecture en journée plutôt qu'avant de vous coucher.

Une part obscure de ma personnalité a aimé ce roman d'abord parce qu'il me renvoyait à ma propre histoire. Non, je vous arrête tout de suite, je n'ai jamais été poursuivie par un maniaque au maillet dans les couloirs interminables d'un vieil hôtel moquetté du sol au plafond mais quand, il y a dix ans, jeune femme au bord de la crise de nerfs, j'ai fui Paris pour m'enterrer vivante dans la campagne bourguignonne et suis passée en quelques heures du XVème arrondissement à un bourg de 35 habitants (vaches incluses), je n'en menais pas tellement plus large que Wendy.

-- Avertissement, là, je raconte un peu ma vie --
C'était l'hiver aussi, je ne connaissais personne, j'arrivais en terrain vierge pour tout redémarrer de zéro et j'avais réussi à obtenir de loger six mois dans la maison de campagne d'un couple de Parisiens avec pour mission de chauffer la baraque et d'éviter ainsi que les tuyaux gèlent. A 23 ans, je me suis donc retrouvée seule, isolée, sur un plateau de Langres balayé par les vents et la neige et avec pour défi quotidien de chauffer 200 m² avec un poêle Godin de maison de poupée n'acceptant que des bûches de 20 cm. Avec 0° dans ma chambre, emmitouflée jusqu'au front dans un plaid et ravitaillée pendant plusieurs semaines par les pompiers qui m'avaient ordonné de déblayer une allée entre ma porte et la route, je me suis souvent fait quelques films, surtout quand la vieille maison se mettait à résonner de mille et un bruits impossibles à identifier !

Donc, c'est d'abord pour cette raison égoïste que j'ai aimé ce roman.

-- Là, je vous reparle du roman—
Je reconnais volontiers à l'auteur une belle capacité à construire une atmosphère propre à faire frissonner son lecteur même si, c'est dommage, j'ai compris le sens de TROMAL dès que j'ai lu le mot. Au début de ma lecture, je me suis étonnée qu'il faille presque 600 pages pour raconter un huis-clos et j'ai un peu redouté l'ennui mais ce ne fut pas le cas, les pages se tournant très vite. Je qualifierais le style de Stephen King de « facile et efficace », ce n'est pas de la grande littérature mais c'est parfois reposant et bienfaisant de se laisser aller à découvrir d'autres univers sans se prendre la tête. Une seule chose m'a semblé peu crédible : l'âge de Danny. 5 ans, c'est vraiment jeune ; un héros d'une dizaine d'années m'aurait peut-être davantage convaincue.

Je serais ravie de mettre la main sur l'adaptation cinématographique de Kubrick car je ne doute pas que son sens unique de l'esthétisme ait auréolé de talent un tel roman.

*Selon les us, certains diraient plutôt que « c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures » mais la version de la soupe me semble plus proche de ce que j'ai ressenti à ma lecture. Sans vouloir forcer sur la péjoration, même si ce roman m'a divertie, je ne suis pas prête à lui vouer un culte, avec tout le respect que je dois aux aficionados.
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Citations et extraits (202) Voir plus Ajouter une citation
Rares sont ceux qui survivent à l'épreuve de l'abstinence et quand ils reviennent, ils vous font un récit effroyable de leurs tourments. Quand l'ivrogne renonce à boire pour suivre le Droit Chemin, ce chemin lui paraît une voie royale qui domine de haut le ruisseau où se vautrent les poivrots au milieu de leurs vomissures et de leurs bouteilles de Thunderbird et de Granddad. Il se dit que tous ces braves gens qui le sommaient de s'amender ou de déguerpir garderont désormais leurs flèches empoisonnées pour d'autres. Vu du ruisseau, [...] le Droit Chemin est le plus beau chemin du monde, un chemin tout pavoisé, avec une fanfare qui ouvre la marche et des majorettes qui font tournoyer leurs bâtons et vous montrent le bout de leurs culottes en levant la jambe. L'ivrogne est persuadé qu'il faut prendre ce Droit Chemin et dire adieu à ces poivrots du ruisseau qui se saoulent de n'importe quoi, même de leur propre vomi, et qui ramassent tous les mégots, même quand il n'en reste que le filtre. [...]
Alors, ils se tire du ruisseau et il se met sur le Droit Chemin, tout fier de lui, vous pouvez me croire. Les spectateurs de part et d'autre du chemin l'applaudissent, l'acclament comme s'il était sur le plus beau char de tout le défilé. Il n'y a que les saoulards ivres morts dans le ruisseau qui n'applaudissent pas. C'étaient ses amis, mais, tout ça, c'est fini maintenant. [...]
Mais bientôt il commence à découvrir la vérité, [...] la vérité qu'il ne pouvait pas voir du ruisseau. Il découvre que le goudron frais de ce beau chemin lui colle aux pieds, qu'il n'y a pas de bancs pour s'asseoir, que toutes les femmes qu'on y croise sont de vieilles harpies plates comme des limandes, habillées de robes longues avec un peu de dentelle autour du cou et qui, pour faire leurs chignons, ont si fort tiré sur leurs cheveux qu'on croit encore les entendre hurler. Elles ont toutes le même visage plat, pâle et luisant et elles chantent à l'unisson " Vers la Jérusalem céleste ". On lui passe un missel et on lui dit de chanter lui aussi. S'il veut rester sur le Droit Chemin, il faut chanter, matin, midi et soir, surtout le soir. C'est alors qu'il se rend compte de la vérité. La vérité, c'est que le Droit Chemin ne mène pas au paradis, mais en prison.

Chapitre 28.
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Et pourtant, à travers toutes ces expériences, il n'avait pas eu le sentiment d'être un salaud. Au contraire, il se croyait un très brave type. Évidemment, ses accès de colère risquaient de lui attirer un jour de véritables ennuis, et il aurait intérêt à les maîtriser, ainsi que son faible pour l'alcool... Mais, avant d'être alcoolique, il avait été caractériel. Les deux infirmités devaient d'ailleurs se confondre quelque part dans les profondeurs de son être, là où il valait mieux ne pas mettre le nez.
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S'il écartait le rideau de douche, il découvrirait peut-être quelque chose d'agréable, quelque chose que Papa avait oublié ou que Maman avait perdu, quelque chose qui leur ferait plaisir... Il fit glisser le rideau de douche. La femme qui gisait dans la baignoire était morte depuis longtemps. Elle était toute gonflée et violacée et son ventre, ballonné par les gaz et ourlé de glace, émergeait de l'eau gelée comme une île de chairs livides. Elle fixait sur Danny des yeux vitreux, exorbités comme des billes. Un sourire grimaçant étirait ses lèvres pourpres. Ses seins pendillaient, les poils de son pubis flottaient à la surface et ses mains congelées se recroquevillaient comme des pinces de crabe sur les bords goudronnés de la baignoire en porcelaine.
Danny hurla sans qu'aucun son ne sortît de sa gorge ; le cri refoulé plongea au fond de son être comme une pierre qui tombe au fond d'un puits. Il recula de nouveau, faisant tinter le carrelage sous ses pas, et subitement il sentit que dans son affolement il s'était inondé d'urine.
Alors la femme se mit sur son séant. Toujours grimaçante, elle rivait sur Danny ses énormes yeux exorbités. Ses paumes mortes crissaient sur la porcelaine, ses seins se balançaient comme de vieux punching-balls craquelés. Quand elle se leva, on entendit un bruit à peine perceptible de bris d'échardes de glace, mais elle ne respirait pas : ce n'était qu'un cadavre, mort depuis des années.

Chapitre 25.
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Tu perds la tête, tu déménages, tu travailles du chapeau, tu as les méninges en accordéon, tu as une araignée au plafond, tu as le timbre fêlé, tu ondules de la toiture, tu es bon pour le cabanon. Ou, tout simplement : tu deviens fou.
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C'était comme s'il avait passé la main derrière des lattes pourries et que son bras tout entier avait été dévoré par des flammes sacrées. Elles avaient obscurci sa raison, lui faisant oublier tout comportement civilisé. Pouvait-on s'attendre à une conduite rationnelle de la part de quelqu'un dont la main était transpercée par une multitude d'aiguillons brûlants ? Quand des nuées de guêpes vengeresses, dissimulées derrière l'apparence innocente des choses, surgissaient soudain et s'acharnaient contre lui, pouvait-on le tenir responsable de ses actes alors qu'il courait comme un fou sur un toit en pente, au bord d'un précipice de vingt mètres, sans savoir où il allait, sans se rendre que si dans son affolement il venait à trébucher il serait projeté par-dessus la gouttière et irait s'écraser sur les dalles de béton. Non, pensait Jack, un tel homme ne pouvait être tenu pour responsable. Quand il avait fourré la main dans ce guêpier, ce n'était pas qu'il eût conclu un pacte avec le diable, renonçant à toutes les valeurs civilisées, l'amour, le respect, l'honneur. Non, ça lui était arrivé, un point c'est tout. Passivement, sans qu'il eût son mot à dire, il avait cessé d'être un homme de raison et il était devenu le jouet de ses nerfs. En quelques secondes, le licencié ès lettres avait été transformé en bête furieuse.
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Extrait du livre audio « Carrie » de Stephen King, traduit par Henri Robillot, lu par Audrey Sourdive. Parution numérique le 24 mai 2023.
https://www.audiolib.fr/livre/carrie-9791035410575/
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