AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Wazlib


Encore un Stephen King, je suis assez inexcusable à ce niveau. J'en lis certainement beaucoup trop sur une année, mais c'est réellement délicieux, que les livres soient des chefs-d'oeuvres ou de simples divertissements. Ca fourmille d'idées, c'est toujours original, toujours inattendu (et ceci est à prendre dans les deux sens, il n'y a rien de mélioratif dans cette remarque) ; mais cette fois-ci, j'ai une excuse. J'ai en effet été confronté à un blocage de lecture, avec ce « Melancholia » d'un auteur japonais que beaucoup adulent. Piégé, j'ai tenté de poursuivre une lecture laborieuse d'un livre laborieux, et je m'enfonçais vers des impasses assurées. Cela n'a pas manqué, j'ai été sans lire pendant au moins deux ou trois semaines puisque rien dans ce livre ne m'égayait. Pour rompre cette malédiction, j'ai été obligé (haha) de m'atteler à un livre court, plus simple, un petit plaisir pour me relancer dans cette activité noble qu'est la lecture. Je crois que « La Petite Fille qui aimait Tom Gordon » tomba à pic.
Contrairement à ce que j'ai lu dans bien des critiques, je ne pense pas que cette histoire toute mignonne ait eu une quelconque vocation de « grand livre » pour Stephen King, qui en a fait un divertissement fort acceptable et très prenant. Je ne suis pas sûr qu'il ait voulu en faire un des livres majeurs de sa longue carrière, et je ne comprends donc pas les déceptions que certains ressentent envers ce petit livre qui remplit décidément bien son contrat. L'histoire est simple, et elle a justement cette simplicité suffisante pour tout de suite accrocher l'intérêt du lecteur. Une petite fille se perd dans les bois, et voue une passion sans nom à un jour de Baseball, Tom Gordon. de là, on se plonge dans 280 pages rustiques, abruptement forestières.
Trisha est une petite fille extrêmement attachante, et c'est là le point majeur du roman. Si sa vivacité d'esprit choque parfois pour une fillette de neuf ans, elle reste cependant cohérente et crée une intimité forte avec le lecteur, qui inexorablement, veut savoir si elle y arrive. A cela s'ajoute une curiosité non-feinte quant aux conditions de sa survie : je me suis plusieurs fois demandé ce que j'aurais fait (et surtout à cet âge!), paumé dans les bois comme elle... Ses réflexions sont toujours amusantes, plutôt judicieuses, et toujours teintées de cette innocence qui teinte les pensées enfantines. On est ainsi en bonne compagnie dans ce petit livre, et c'est là sa plus belle réussite : quand on mise tout sur un unique personnage, on avouera que c'est un jeu dangereux... Mais n'allez pas croire que tout est d'un niveau assez bas, que Trisha pleure sa mère toutes les deux pages. Oh, non, Stephen King a eu la merveilleuse idée de compiler toute l'angoisse de l'enfant en une créature, entre cauchemar et réalité : la Chose.
Comme (presque) toujours avec le King, la narration est fluide et c'est vraiment un plaisir à lire. Toute cette relation avec Tom Gordon est fantastique et touchante, et on en vient nous aussi à bénir ce Tom Gordon, et à le voir à nos côtés. Récit divertissant, ce petit livre, mais un peu plus, tout de même : une lecture sous-jacente est toujours utile dans les livres de Stephen King, et celui-ci ne déroge pas à la règle. C'est ainsi que le « Dieu des Evadés », et ses différentes pseudo-apparitions sont toujours sujettes à réflexion. Son existence-même aussi, d'ailleurs.
La forêt se donne à fond, ici, et nous livre un décor terrorisant, sans repère, et nous apparaît rarement généreuse. Ponctuée d'apparitions de mauvaise augure, d'eaux contaminées, de bêtes étripées, elle s'éloigne nettement d'une vision de Walt Disney, comme le roman le mentionne avec brio...
Il y a tout de même quelques points négatifs dans cette courte histoire, notamment, et c'était à prévoir, la répétition du contexte. Les moustiques, mon Dieu, les moustiques ! Sans déconner ! Combien de fois les écrase-telle ? Combien de fois mange-t-elle de faines ? Il est vrai qu'il doit y en avoir pas mal dans une forêt, mais nous faire partager à chaque fois leur extermination, c'est pas vraiment cool... Sans vraiment être rebutant, ces répétitions parviendront tout de même à lasser dans une moindre mesure. L'intérêt est largement suffisant pour continuer la lecture, mais comme les moustiques parviennent à énerver Trisha, le lecteur perdra légèrement patience. Tant mieux, le livre n'est pas long, la patience n'est pas de rigueur.
Parlons un peu de la Chose. Si elle fascine tout du long, elle constitue pour moi ma véritable déception dans « La Petite Fille qui aimait Tom Gordon ». Au départ, on la mentionne avec géni, à la fin d'un chapitre, au détour d'une clairière, et tout fonctionne à merveille : elle nous fait peur, et surtout, nous costume de curiosité. Et au fil des pages, tout se désagrège : pourquoi laisser trainer la confrontation, pourquoi laisser Trisha continuer sa route, à chaque fois ? Bon, d'accord, on pourra toujours dire que c'est pour le doute sur son existence, qui n'est au final jamais assurée, mais je n'ai au final pas trouvé cela si fin. Je pense que Stephen King aurait du ici prendre parti : la laisser sortir de l'imaginaire de Trisha, clairement, ou en faire un être consistant, bien réel. Il n'y aurait pas eu de perte de subtilité, car de jouer sur les deux plans, la Chose en devient incohérente, et presque énervante. Son inaction, mais sa présence ne cessant d'être soulignée en font un comble de paradoxes, qui, plutôt que de plonger le lecteur dans une interrogation interne, auront vite fait de le faire soupirer. Et je dois bien l'avouer, la fin est très décevante. Je ne parle pas des deux dernières pages qui sont très jolies, et activent irrémédiablement les glandes lacrymales. Non, je parle d'une scène foncièrement décevante, assez catastrophique, d'ailleurs.

Si « La Petite Fille qui aimait Tom Gordon » n'est certes pas un livre majeur dans la biblio du King, il reste cependant d'une fraîcheur bien agréable, et vous permettra d'apprécier la lecture par le biais de son essence-même : la capacité à faire plaisir. N'en doutez plus, Stephen King sait décidément faire plaisir. Et même en faisant un remake du Petit Chaperon Rouge, ou je ne sais quoi d'autre.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}