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Critique de MarjorieD


Lu il y a plus de 20 ans, j'étais alors complètement passée à côté de Salem. Il est vrai que, comparé à Ça ou à Simetierre, Salem a pu m'apparaître bien pâle car de facture beaucoup plus classique. Je remercie donc les babeliotes qui se reconnaîtront (?) de m'avoir donné l'envie de relire ce que je qualifierai désormais de chef-d'oeuvre, rien que ça !

J'ai adoré l'atmosphère du roman et bien m'en a pris de le lire à cette période de l'année, quand

« […] les ombres s'allongent [et qu'] elles ne sont pas larges comme en été ; il n'y a pas de feuilles sur les arbres ni de gros nuages dans le ciel pour leur donner de l'épaisseur. Ce sont des ombres maigres, avides, qui mordent la terre comme des dents. »

Je ne suis pas sûre que Salem m'aurait procuré les mêmes sensations si j'en avais entrepris la lecture en plein été, par exemple. King a magistralement exploité le temps du récit: la saison et la chronologie des événements. En l'espace de quelques semaines, toute une bourgade sera contaminée. Les événements surviennent au moment où, petit à petit, la nuit prend le pas sur le jour, ce qui réduit d'autant le champ d'action des protagonistes dans leur lutte contre le Mal et fait s'accélérer le rythme de la narration.
Le roman commence par un prologue qui prend place, d'un point de vue chronologique, après le corps du récit et dont le fil reprend avec l'épilogue. Cette manière d'introduire l'intrigue suscite les interrogations du lecteur et permet d'en agencer progressivement les différents (et multiples) intervenants et éléments, tout en la resserrant. (J'ai eu la bonne idée de noter les noms et les détails marquants des habitants de Salem, ce qui m'a permis de m'y retrouver.)

J'ai beaucoup apprécié aussi le postulat de l'auteur de donner une explication au phénomène des villes-fantômes :

« Jerusalem's Lot […] n'est pas la première ville américaine dans l'Histoire qui ait été désertée tout à coup […] Dans le sud-ouest des État-Unis, les villes-fantômes sont choses fréquentes. On a vu des agglomérations naître en une nuit autour d'un filon d'or et disparaître avec la même rapidité quand le filon d'or était épuisé […] Mais, en Nouvelle-Angleterre, le seul exemple d'une ville qui se soit vidée comme Jerusalem's Lot, ou Salem, comme on dit là-bas, c'est une bourgade du Vermont du nom de Momson […] »

Cette explication (les disparitions sont le fait de vampires) est d'autant plus angoissante qu'elle s'ancre dans un quotidien on ne peut plus trivial. le thème des morts vivants et du vampirisme a été maintes fois exploité avec plus ou moins de bonheur et Stephen King ne prétend pas révolutionner le genre, bien au contraire puisque son but est de démontrer qu'il en maîtrise parfaitement les codes, hérités de l'oeuvre fondatrice du genre, le Dracula de Bram Stoker bien sûr. Certaines scènes sont transposées presqu'à l'identique (comme celle où van Helsing ordonne à Arthur Holmwood d'enfoncer un pieu dans le coeur de celle qu'il aime). Les références directes et indirectes à Dracula permettent de créer une distanciation ironique (voire humoristique : je pense au passage où les héros débattent de l'utilité de l'ail pour lutter contre les vampires) et angoissante : le fait que des scènes et des personnages fictifs, et faisant désormais partie de l'imaginaire collectif, puissent devenir réels, prend une dimension effrayante (par exemple, quand le jeune Mark Petrie voit apparaître à sa fenêtre un vampire alors même qu'il est en train de peindre une figurine de Dracula).


Je m'arrête ici car le risque est grand de vous lasser (bravo déjà à ceux qui sont arrivés au bout de cette analyse), je me suis emballée, je n'ai pas toujours été très claire ; que voulez-vous, quand j'aime… Mais croyez-moi quand je vous affirme que j'ai encore beaucoup à en dire. Quoi qu'on en pense, qu'on l'aime ou pas, Stephen King est un vrai génie de l'écriture (génie précoce dans le cas de Salem) et ça, c'est indéniable.
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