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Critique de laulautte


Lui, c'est Adam.
Authentique et parfait américain, héros de l'Amérique, du monde, de l'espace, Adam Strange flotte au-dessus du sol comme sur un petit nuage avec son jetpack profilé façon ailes d'ange. de retour triomphant sur Terre pour une retraite bien méritée, il est encensé par ses compatriotes qui veulent lui offrir le monde. Ses mémoires sur la dernière année de guerre qu'il mena sur la planète Rann, à la tête des peuples indigènes fédérés et au côté de son épouse la belle princesse guerrière, s'arrachent. La mass média fait ses choux gras du récit autobiographique des hauts faits d'armes du soldat de retour au bercail.
Cette célébrité lui donne des ailes et l'aplomb nécessaire pour ne pas craindre d'être abattu en plein vol. Une enquête ouverte à la suite d'une accusation de crime de guerre et de meurtre ne parviendra pas à entacher son image, Adam Strange est l'essence même de l'authentique et parfait américain, blond, blanc, plastique parfaite. Il n'a rien à craindre à risquer de se jouer de son ami et frère d'arme au sein de la JLA, Batman.
Le plus grand détective du monde ne saurait se montrer impartial dans cette affaire qui demande un certain Fair-Play. Mr Terrific est donc tout indiqué pour se charger de faire la lumière sur la part d'ombre du Héros. Tout aussi génial que peut être cet ancien membre de la JLA, quel poids peut avoir sa parole de super-héros afro-américain face à celle de celui qui incarne un ancien idéal du rêve colonialiste dans l'opinion publique d'une société américaine conservatrice shootée à l'infox.

Tom King est le roi pour sortir des tiroirs de DC des super-héros délaissés et les mettre en scène avec justesse pour une critique à peine voilée de la société américaine sur laquelle il porte son regard d'ancien soldat et membre de la CIA engagé en Irak. Après avoir ressuscité avec son acolyte Mike Gerads le demi-dieu dépressif Mister Miracle, le duo s'associe à Evan « Doc » Shaner pour désacraliser l'image de la version archéologue de Flash Gordon.
Une part du talent de King tient dans la mise en avant des parts d'ombre et des faiblesses de super-héros, la révélation de leur pleine et entière humanité dans des récits introspectifs. Dans Stranger Adventures, King ne nous fait pas rentrer dans la tête d'Adam Strange (créé par Gardner Fox et Mike Sekowsky en 1958), la force de l'intrigue tient dans le choix original et judicieux de son opposition à Mr Terrific (créé par Charles Reizenstein et Hal Sharp en 1942 sous l'identité de Terry Sloane, et réinventé par John Ostrander et Tom Mandrake en 1997 sous l'identité de Michaël Holt). Cet arc de 12 épisodes, regroupés dans cette intégrale de la collection Black Label d'Urban Comics, est construit sur le fond et la forme dans une parfaite dualité. L'intrigue développe deux temporalités dans deux univers illustrés par deux dessinateurs au talent unique. Evan Shaner illustre le passé héroïque d'Adam Strange au côté de sa splendide épouse dans sa guerre contre l'envahisseur Pykkt sur la planète Rann. Les cases représentent parfaitement l'idéal héroïque et esthétique dans un esprit space-opéra de l'âge d'or des comics avec un décor merveilleux et dépaysan, un style rétro romanesque teinté de couleurs épurées et lumineuses. le récit autobiographique à succès des aventures de Strange se tisse et fait écho au récit présent de l'enquête sur Terre illustré par Mike Gerads. En opposition, l'acolyte de King, avec son trait âpre et flou, ses couleurs nauséeuses et aveuglantes, écorche l'image parfaite du Héros au fur et à mesure que Mr Terrific avance dans ses investigations et efface le beau sourire de son visage angélique par ses révélations.

Une autre part du talent de King réside dans ses scénarisations redoutables d'efficacité.
Les deux lignes scénaristiques se mêlent et se confondent parfois d'une page à l'autre, ou d'une bande à l'autre, voire même d'une case à l'autre, sans pour autant en rendre la lecture fastidieuse par de brillants échos et jeux de contraste. Une facilité marquée par les planches remarquables de Shaner et Gerads dont la différence des traits et colorisation est dosée comme il faut pour ne pas nuire à la lisibilité.
Sur la forme la mise en scène est une nouvelle fois magistrale. La poignante déchéance d'Adam Strange est parfaitement illustrée par l'évolution de la couverture introductive de chaque épisode. Sur fond d'affiche de propagande, l'image iconique se couvre petit à petit de graffitis insultants pour être brillamment détournée pour un retournement de situation grandiose et un dénouement assez surprenant. Tom King rend un hommage à ses frères d'armes dans chaque épisode qu'il conclut sur une citation d'un personnage en réponse à une citation savoureuse d'un auteur de comics, placée en introduction, et en parfaite adéquation avec le récit.

Lui, c'est Tom King, véritable machine de guerre dans le monde du comics.
Strange Adventures est une nouvelle oeuvre de l'auteur classée au rang de mes comics cultissimes. Un nouvel incontournable dans l'univers DC.
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