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Critique de Lamifranz


Il est des écrivains auxquels sont rattachées des légendes tenaces, ou du moins à qui on attribue des faits, des gestes ou des croyances qui sont souvent exagérés, et donnent de l'intéressé une image un peu déformée, c'est le sparadrap du capitaine Haddock, en quelque sorte. Prenez Rudyard Kipling. Pour le commun des mortels, c'est le chantre de l'Inde et le porte-voix de l'impérialisme britannique. Si c'est vrai dans une certaine mesure, il faut quand même préciser qu'il ne passa que 6 ans en Inde (de 1882 à 1889), soit de 18 à 24 ans. Dans ses écrits « indiens », l'expérience personnelle compte moins que la documentation externe (mais elle est considérable et très probante). Quant à sa défense de l'Empire britannique, il faut nuancer un peu : l'action militaire des Anglais ne trouve pas toujours grâce à ses yeux, et il prend fréquemment la défense des indigènes contre les « tuniques rouges ». Beaucoup de spécialistes considèrent aujourd'hui que plus qu'un défenseur de l'Empire, il était surtout un témoin, un auteur racontant « comment » l'Empire était vécu, et ce faisant, il créait, comme dit Jack London, une certaine image de « l'Anglo-Saxon du XIXème siècle ».
« L'homme qui voulut être roi » est une nouvelle écrite en 1888. C'est l'histoire de deux aventuriers britanniques, Carnehan et Dravot, qui ont le projet de devenir les rois du Kajiristan, une région reculée de l'Afghanistan actuel, alors faisant partie de l'Empire britannique. L'aventure pour être exotique, n'en est pas moins cruelle, et nos deux héros l'apprendront à leurs dépens.
Cette nouvelle a été incluse dans de nombreux recueils. Dans cette édition (Folio), elle est la première (et sans doute la plus réussie) de neuf nouvelles d'intérêt divers, dont on retiendra les deux dernières « L'homme qui fut » et « Les Tambours de Fore et Aft », au pouvoir émotionnel certain.
Si l'Inde (ou plus exactement le sous-continent indien) reste le cadre de ces nouvelles, Kipling en a effacé tout le côté « exotique », voire « folklorique » qui, pour nous autres occidentaux, caractérisait « Kim » ou « le Livre de la jungle ». D'ailleurs, ce recueil n'est pas destiné à la jeunesse, il s'agit de récits âpres, durs, cruels, où la folie côtoie la réalité, et finit par l'absorber…
« L'homme qui voulut être roi » est finalement l'histoire d'un rêve qui se fracasse contre l'existence réellement vécue, et plus encore la conscience des limites que ce rêve (et l'ambition qui l'accompagne) impose au héros : personne n'est maître totalement de sa destinée. le pessimisme de Kipling rejoint ici le fatalisme oriental.
On ne peut clore cette chronique sans évoquer le somptueux film réalisé en 1975 par John Huston en 1975 avec Sean Connery (Dravot), Michael Caine (Carnehan) et Christopher Plummer dans le rôle de Kipling (dans la nouvelle, le reporter n'a pas de nom). D'une nouvelle de quelques pages denses et intenses, Huston tire un film de plus de deux heures, riche en péripéties ; tout en restant fidèle au récit de Kipling, il crée autour de ses personnages un véritable décor d'aventures, sans négliger pour autant la portée philosophique de l'épopée.
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