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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Walking Dead, tome 18 : Lucille... (épisodes 103 à 108) qu'il faut avoir lu avant. Dans la mesure où il est régulièrement fait référence à des événements antérieurs, il faut avoir commencé la série par le premier tome. Celui-ci contient les épisodes 109 à 114, initialement parus en 2008, écrits par Robert Kirkman, dessinés et encrés par Charlie Adlard, avec des nuances de gris appliquées par Cliff Rathburn.

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- Attention ce commentaire révèle des points clé du tome précédent. -
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Dans la communauté Hilltop, Maggie Green est en train de se recueillir sur la tombe d'un de ses proches. Elle est abordée par Brianna qui lui explique qu'elle a eu droit à un traitement de faveur car le rituel de cette communauté est plutôt d'incinérer les corps des défunts. Elle évoque l'étrange lien qui lie tous les survivants, à savoir avoir perdu un ou plusieurs proches. Un peu plus tard, Maggie est examinée par le docteur Harlan Carson, et Grégory (le responsable de la colonie Hilltop) pénètre dans la salle d'examen sans égard pour la pudeur ou l'intimité de Maggie. Puis elle rentre chez elle où l'attend Sophia qui lui dit vouloir retourner dans la communauté d'Alexandria parce qu'elle ne veut pas aller à l'école. Maggie découvre également que Paul Monroe s'est introduit en catimini dans son appartement. Il a une mission à lui confier : épier les faits et gestes de Gregory, et éventuellement avertir Kal s'il donne des signes de vouloir contacter Negan.

Après son entretien étonnant avec Ezekiel, Rick Grimes est de retour dans la communauté d'Alexandria. Il commence par expliquer à Andrea ce qui s'est passé, et quel est le plan d'action qui a été arrêté pour passer à l'attaque contre Negan et ses troupes. Il en informe également Carl, car il estime qu'il fait preuve d'assez d'autonomie pour avoir le droit de savoir. Il passe ensuite avertir Michonne qui ne le reçoit pas avec un grand enthousiasme. Il va voir ensuite Olivia la responsable des réserves pour constater qu'il n'y aura jamais assez de produits pour le prochain tribut à verser à Negan. Il se confronte ensuit à Spencer (le fils de Douglas & Regina Monroe) et doit se justifier sur la manière dont il dirige la communauté et ses absences à répétition. À Hilltop, Paul Monroe doit se lancer à la poursuite de Kal. Puis vient le temps pour Rick Grimes et quelques membres triés sur le volet de se rendre au Royaume (une autre communauté) pour rencontrer Ezekiel et son tigre Shiva.

Après la tension insoutenable du tome précédent, le lecteur n'a d'autre choix que de continuer au moins pour ce tome. Il est impossible de résister à l'envie de savoir comment les choses vont dégénérer, car ça ne peut pas bien se passer. le lecteur n'a donc qu'une hâte, celle de savoir ce qui va se passer après. Robert Kirkman a parfaitement su construire et dérouler son intrigue vers une confrontation inéluctable qui peut partir dans n'importe quel sens, où le vent peut tourner à chaque page. le lecteur reconnaît bien les caractéristiques de l'écriture de ce scénariste. Il prend un malin plaisir à faire en sorte que plusieurs personnages prennent des initiatives à des moments clé où tout peut tout basculer, où un mot de travers peut renverser la situation. Alors que Rick Grimes a enfin trouvé l'ouverture qu'il espérait, ainsi que des alliés, les plans les mieux préparés peuvent finir en eau de boudin. le premier individu que Paul Monroe met dans la confidence n'a qu'une hâte, celle d'avertir Negan. Michonne n'a aucune envie de repartir au combat. Bien sûr, Negan lui-même ne respecte pas le planning qu'il a exposé aux communautés qu'il rackette. Tout est fait pour tenir le lecteur sur le rebord de son siège, convaincu que ça va foirer dans les grandes largeurs, mais sans savoir d'où ça viendra.

Quoi que le lecteur puisse penser des tics d'écriture du scénariste, de sa propension à penser qu'il faut expliciter au maximum ce qui se passe, de son recours systématique aux moments choc et aux traumatismes basiques, il est la proie de ce thriller machiavélique. Charlie Adlard n'est pas en reste pour les effets chocs, à commencer par les visages qui peuvent arborer une expression de désespoir accablant, une forme de culpabilité dévorante, une surprise intense, une colère rageuse, ou encore une angoisse irrépressible. Quand la violence s'exprime, elle est aussi visuelle que d'habitude, que ce soit les intestins qui se déversent d'une plaie au couteau, ou le visage tuméfié après une pluie de coups de poing. Souvent les dialogues sont mis en scène à base de plan poitrine sur celui qui parle, pour focaliser l'attention pleine et entière du lecteur dessus, afin d'accentuer l'importance de ce qui est dit, et l'intensité de l'expression.

Le lecteur finit par remarquer que ce tome met en scène un nombre très réduits de zombies, juste une nuisance toujours présente, mais reléguée en second plan, pas si inquiétante que ça. D'un autre côté, tous les personnages subissent les conséquences de l'épidémie de zombie, ne serait-ce que par l'état du monde autour d'eux. En particulier la lutte de pouvoir qui est en train de se jouer découle directement de l'absence de nation constituée, de lois et de structures sociales. Depuis plusieurs tomes, Robert Kirkman a fait passer son intrigue à un autre niveau. D'un côté, il s'agit toujours de suivre les modalités de survie d'un groupe de personnages ; de l'autre côté, il s'agit de voir comment se développent les relations entre plusieurs communautés. de ce point de vue, le thème central de la série reste bien de nature politique. Si le tome 16 avait pu laisser supposer que lesdits liens se développeraient sous une forme commerciale, les tomes suivants avaient bien vite ramené le lecteur à la réalité, en rétablissant un rapport de force, sur la dynamique dominant/dominé. C'est cet état de fait qui conduit les communautés à la guerre.

Ce n'est pas le seul commentaire politique contenu dans ce tome. Dans le précédent, les auteurs avaient présenté Ezekiel, le dirigeant de la communauté se faisant appeler le Royaume. le lecteur avait eu une forte réaction en découvrant l'apparence singulière de ce personnage, encore accentuée par la présence d'un tigre à ses côtés, qu'il tient en laisse. Il apprécie de constater que le dessinateur maîtrise aussi bien l'anatomie de cet animal que celle des chevaux, et que le félin semble crédible. D'un autre côté, il soupire en y voyant une volonté tape-à-l'oeil des auteurs pour en rajouter une couche dans le spectaculaire. le scénariste a beau donner une explication quant à la présence de l'animal et à son comportement, le lecteur reste à moitié convaincu. Par contre, il apprécie la critique effectuée vis-à-vis des différents meneurs. Charlie Adlard montre qu'Ezekiel a une présence formidable, pas seulement du fait de Shiva à ses côtés, mais aussi du fait de sa chevelure, de son accoutrement. Au premier regard, Michonne le prend en grippe du fait de l'image qu'il projette. le lecteur peut lire son dégout sur son visage. Cela finit par déboucher par une discussion un peu hostile entre les deux, au cours de laquelle Ezekiel argumente son choix d'apparence. À nouveau il est question de représentativité pour un individu dont le rôle comprend une forte dimension de représentation publique. Ezekiel a choisi de satisfaire à cette obligation dans le cadre d'une mise en scène.

Quelles que soient ses convictions, le lecteur ressent une réaction face à ce choix de mise en scène de la fonction de dirigeant par Ezekiel, qu'il l'approuve ou non. Forcément il établit le parallèle avec la manière dont le conçoit Rick et dont il le met oeuvre. Lorsque les Sauveurs (des membres masculins de la communauté de Negan) se tournent vers lui pour lui demander comment il va riposter, il se dit que là aussi Negan se doit de répondre par une mise en scène de son pouvoir, parce que c'est ce qu'attendent ses hommes. D'ailleurs depuis 2 tomes, il se pose la question de ce qui relève du caractère de Negan, et de ce qui s'apparente à de la mise en scène dans son comportement. Ce questionnement est entretenu par des éléments visuels, comme la tenue immuable de Negan, presqu'un uniforme, par ses postures très maîtrisées, comme s'il voulait donner l'impression d'un calme intérieur inébranlable.

Le lecteur est un peu pris par surprise quand Kirkman aborde de front la question de l'image projeté par Gregory, le dirigeant de la colonie Hilltop. Adlard en a fait un monsieur un peu falot, pas vraiment négligé, mais qui n'essaye pas de se donner un air, un individu un peu débonnaire, dépourvu d'aura d'autorité. Il se laisse dépasser par l'initiative de Paul Monroe. En s'adressant à Maggie Greene, Brianna le traite d'idiot, mais explique que personne d'autre ne veut de sa place, et donc de ses responsabilités. le lecteur est déstabilisé par un regard si décillé sur cet individu, par la description honnête d'une personne qui se retrouve au pouvoir, sans en avoir les compétences, ou même l'envie, mais accepté par ce qui s'apparente aux citoyens, sans velléité de prendre sa place. Pour un peu, le mode de gouvernance de Gregory apparaît plus participatif que celui de Negan, Ezekiel, ou Rick Grimes. Les auteurs achèvent de brouiller les cartes quand Gregory effectue le même geste qu'Ezekiel pour révéler une blessure au même endroit sur l'abdomen, mais causé par d'autres circonstances. Tout aussi étonnant, Gregory ne semble pas tirer d'avantage personnel de sa position de chef de la communauté, pas même de reconnaissance. Bien sûr ce thème boucle sur Rick Grimes, le personnage principal de la série. C'est Paul Monroe qui s'adresse à lui à la fin du tome, dans une mise en scène bien appuyée, les 2 hommes face-à-face, avec le soleil couchant derrière eux. Il énonce clairement l'une des qualités qui fait de Rick, un meneur hors pair, outre que le fait que lui non plus ne cherche pas l'enrichissement personnel par sa situation.

Ce nouveau tome capture également toute l'attention du lecteur par la présence de Negan. Il y a à nouveau une scène menant vers une utilisation de la batte de baseball Lucille, dans les mêmes conditions que le tome 17 : des individus à genoux à la merci du caprice de Negan, de son humeur du moment, de son comportement sadique et égocentrique. Si la qualité d'un héros s'évalue à l'aune de celle de son ennemi, alors Rick Grimes est l'un des plus grands héros de son époque. Robert Kirkman et Charlie Adlard ont créé un personnage hors norme avec Negan. Bien sûr, le lecteur est fasciné et horrifié par cet individu qui se conduit comme s'il était tout puissant, avec une nonchalance pleine de confiance, et pouvant basculer dans une rage froide destructrice totalement désinhibée. Ses attitudes posées en font un individu très séduisant et rassurant. La soudaineté de ses actions en fait un homme dangereux. Son apparente absence de tout remords (après avoir éventré un membre de la communauté d'Alexandria) en fait un monstre. Cet homme fait preuve d'un sadisme méchant sans une once d'empathie, d'une cruauté perspicace, alliés avec une intelligence pénétrante, et une vivacité de réaction exceptionnelle. le lecteur n'est jamais tenté de cautionner ses actions, mais il ne peut pas s'empêcher de l'admirer pour sa présence d'esprit, les résultats qu'il obtient et son détachement. Il est impossible de ne pas acquiescer quand il déclare qu'il ne veut pas transformer Rick Grimes en martyr en le mettant à mort, car alors ce dernier acquerrait une stature légendaire. Il est impossible de ne pas ressentir le même dégout que lui vis-à-vis de l'opportunisme de Spencer. N'oublions pas que Charlie Adlard lui donne une classe folle en plus, tout en transcrivant à la perfection ses sautes d'humeur et son imprévisibilité.

Le lecteur est donc hypnotisé par la puissance de séduction narrative du récit, entièrement fasciné par les personnages, envouté par la richesse de leur relation et du thème principal, incapable de se détacher du suspense. Il identifie facilement les tics narratifs des auteurs, et dans le même temps il en reconnaît la pertinence et il se laisse aussi surprendre par des passages inattendus. Il n'aurait jamais imaginé observer les gestes machinaux d'un maréchal-ferrant, criant de naturel. Il se doutait bien qu'un autre personnage se retrouverait en situation de danger mortel, l'un des membres de premier plan de la communauté d'Alexandria, débusqué par l'un des sbires de Negan. Il s'en suit un corps à corps brutal et bestial de 6 pages parsemées dans la narration d'une autre séquence haletante. Charlie Adlard s'en donne à coeur joie pour montrer des coups assénés avec force et maladresse et des visages tuméfiés, tâchés de sang. le lecteur encaisse les coups, même s'il sait que quelques heures plus tard les mêmes personnages ne porteront plus trace de ces coups. Robert Kirkman est également déchaîné avec une initiative non prévue de Rick Grimes pour profiter d'un moment de faiblesse de Negan et en finir rapidement, jouant le tout pour le tout, le lecteur ne pouvant pas arrêter sa lecture, quand bien même le monde s'écroulerait autour de lui, une pure merveille.

Ce tome 19 est une pure merveille en termes d'histoire, de tension narrative, de sensibilité vis-à-vis des personnages, de violence de sadisme, de réflexion sur le poids de la responsabilité qui accompagne le rôle de chef de communauté, d'aventure, de rebondissements, de moments à couper le souffle, etc.
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