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Critique de Talec0904


Nous sommes au temps de l'Union Soviétique, de la guerre froide, la Yougoslavie existe encore et Tito est à sa tête. Alexandre Soljenitsyne vient d'avoir le prix Nobel. En 1973, il fait publier à Paris « L'Archipel du Goulag ». Arrêté en 1974, il est expulsé d'Union Soviétique et déchu de sa citoyenneté. On peut difficilement imaginer aujourd'hui combien ces événements structuraient la vie politique, intellectuelle de ces temps.
A cette époque, Danylo Kis enseignait en France mais continuait aussi de vivre à Belgrade.
Les sept récits de cette oeuvre parlent de révolutionnaires, de terroristes, tous convaincus de leurs croyances, tous victimes des mécanismes de la répression stalinienne. Leur engagement dans la lutte communiste, leur parcours dans une Europe en effervescence.
Parmi les sept textes, l'un souligne l'analogie entre l'oppression stalinienne et certaines méthodes de l'Inquisition du quatorzième siècle.
Ainsi, Kiš fait entendre l'histoire de ces communistes sacrifiés pour le bien du Parti, de ces morts oubliés dont personne ne veut plus entendre parler. Il met la fiction au service du témoignage. « L'Histoire c'est le nombre, la littérature c'est l'individuel ».
C'est aussi un livre sur la manipulation, non seulement de l'homme mais surtout du document écrit comme rare trace qui inspire encore à l'homme contemporain une certaine confiance.
Ce Livre sortira en 1976 en Yougoslavie, traduit en français, en 1979.
Même si la Yougoslavie titiste est en froid avec le « grand frère » soviétique, le scandale éclate aussitôt à sa parution et, plutôt que de dénoncer ouvertement ce livre comme anticommuniste, on lui fait un procès littéraire.
Officiellement, Kiš est accusé de plagiat. On lui reproche de s'être inspiré des témoignages sur les goulags publiés quelques années auparavant en Yougoslavie.
L'accusation n'est qu'un prétexte.
En effet, Kis dévoile une des plus importantes dimensions de tout pouvoir autoritaire : l'art du mensonge, de la mise en scène, de sorte que l'Histoire « connaissance objective, mue par la curiosité désintéressée » s'avère être une gigantesque mystification.
Le travail d'écriture de Kiš s'attaque à ce besoin que nous avons de croire.
Il brise toute impression de coïncidence entre un discours se voulant objectif et le réel.
« Lorsqu'un mensonge est répété sans cesse, le peuple commence à y croire. Car la foi est nécessaire au peuple »dit un de ses personnage.
Ces derniers mots marquent une différence cruciale entre ce que fait Kiš et ce que font les artisans de la propagande soviétique qui imposent une vérité définitive et proscrivent le doute, qui écrivent l'Histoire et non des histoires
Mort en 1989, Kis n'aura pas assisté à la guerre des Balkans. On ne peut que se demander comment il aurait décrit la terreur pendant les sanglantes années de « purification ethnique ».

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