Les psys qui se lançaient dans l’analyse avec leur empathie, sans connaître la véritable nature de leur patient, étaient aussi vulnérables qu’un ordinateur sans anti-virus ni pare-feu lancé dans la jungle d’internet
Tsurii avait sorti le pied-de-biche qu'il cachait sous sa veste et en avait envoyé un grand coup dans la tête de sa femme. Keiko s'était écroulée juste sous les yeux du proviseur, resté prostré au sol.
Tsurii avait relevé son arme et s'était remis à frapper, plus de dix fois, sur le crâne de sa femme. Sous les chocs répétés, la tête de Keiko rebondissait contre le plancher, comme si elle se courbait pour demander pardon. Des bruits secs de craquements d'os s'étaient fait entendre.
Quant au proviseur, il était aux abonnés absents. Le visage maculé du sang de sa maîtresse, il tremblait tellement que sa mâchoire semblait vouloir se décrocher.
Comme tout travail, le meurtre demandait de la passion, du soin, une capacité à toujours se remettre en question et à juger son œuvre d’un œil critique. Ainsi, on s’en sortait avec une série « d’accidents » ou « de suicides » que jamais personne n’aurait l’idée de relier entre eux.
Ce fut un déferlement de violence sans précédent. Dans les coups des ados, il y avait de la terreur, mais aussi toute la rancœur, toute la haine qu’ils avaient emmagasinée à l’encontre de ce prof qui les humiliait et les maltraitait au quotidien. Certains élèves tentèrent bien de calmer les choses, mais ils ne furent pas entendus.
L'école n'était pas un sanctuaire dédié à la protection des enfants, mais une arène où seule régnait la loi du plus fort. Afin de survivre, il fallait soit avoir de la chance, soit faire preuve de beaucoup d'intuition, soit pouvoir déployer la violence physique nécessaire pour se défendre. Reika ne pouvait compter que sur son intuition.
Dans ce monde là, il ne connaîtrait pas de rival. Un seul coup d'oeil à ses collègues lui avait suffi pour le comprendre. Ces gens n'avaient pas l'esprit de compétition. L'école était un milieu comparable à une mare d'eau stagnante. La cache rêvée pour un requin qui n'aurait qu'à croquer tout ce qui y vivait.
Le proviseur était un homme de belle prestance dont l'apparence soignée n'avait d'égale que sa capacité à endormir les foules. Les lycéens piquaient déjà du nez. C'était pavlovien chez eux : la seule vue du chef d'établissement les plongeait dans un état d'apathie.
Reika avait beaucoup de choses à demander aux dieux, mais une seule lui vint à l'esprit : qu'ils sortent tous du lycée sains et saufs, et qu'ils continuent à rire encore longtemps.
Croââââ !
Croââââ !
Le réveil indiquait 5 heures à peine.
Seiji Hasumi bâilla à s'en décrocher la mâchoire.
Pourquoi diable fallait-il qu'il soit tiré du lit tous les matins à une heure pareille ? Inutile d'essayer de se rendormir... Les oiseaux persisteraient à l'appeler tant qu'il ne leur aurait pas prouvé qu'il était debout. C'était presque un honneur d'être l'objet d'une telle obstination.
Je dois dire qu'avant de te rencontrer, je pensais que les Japonais étaient tous d'obéissants moutons. Tu me prouves qu'il en existe d'une autre sorte... Tu es un mouton carnivore, qui se nourrit de ses propres congénères. Tu es une espèce à part, dont l'existence en soi est un mystère.