Hannah Rogers était plus qu’une domestique. Et plus qu’une demoiselle de compagnie. C’était une amie très chère. Une jeune femme intelligente et instruite. La fille d’un pasteur et d’une aristocrate. Douée d’une voix de rossignol. Une voisine pleine de bonté, une amie loyale et une mère aimante. La décrire en simple « domestique » ne lui rend pas justice. Elle sera regrettée, non parce qu’elle ne sera plus là pour porter les emplettes ou les bagages de votre femme, monsieur, sans vouloir vous offenser, mais parce que, sans elle, le monde a perdu de son éclat, et l’avenir, de son espoir.
Elle était partagée. D’un côté, la perspective de s’en aller vers un avenir inconnu l’angoissait. De l’autre, elle était aussi impatiente de fuir qu’un animal pris au piège.
Une femme aime se sentir jolie quand elle va voir l’homme qu’elle aime.
Une demoiselle de compagnie était bien plus qu’une domestique. C’était une dame de qualité. Elle ouvrit la bouche pour s’expliquer mais aucun son n’en sortit. Son cerveau et sa langue ne semblaient plus être liés.
Son minois adoré, vif, éveillé ; la peau si claire qu’elle laissait paraître des vaisseaux mauves sous ses yeux, rehaussant le bleu de ses prunelles ; les petites lèvres qui s’agitaient, réclamant son prochain repas ; les joues roses, les cheveux fins comme de la soie. Hannah avait le cœur gros soudain, des larmes lui montaient aux yeux. Même si elle n’avait plus de lait, ses seins étaient parcourus de picotements. Elle avait besoin de lui, de sentir son petit garçon contre elle, de son odeur. De toutes les fibres de son être, elle le réclamait.