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Critique de Eric75


Étienne Klein, professeur à l'Ecole Centrale, dirige le Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière du CEA et ne manque ni d'humour ni d'une certaine culture cinéphilique, puisque deux de ses livres s'intitulent « le facteur Temps ne sonne jamais deux fois » et « Il était sept fois la révolution ». Étienne Klein nous convie cette fois à un Petit voyage dans le monde des quanta (il aurait donc pu intituler son essai « Bienvenue chez les quanta » pour rester dans l'allusion cinématographique ; Étienne, si tu me lis, pense à choisir ce titre pour l'un de tes prochains bouquins !).
Étienne Klein se donne le rôle du guide, érudit mais patient, constamment soucieux d'éclairer les lanternes pâlichonnes des touristes amateurs que nous sommes, et nous propose d'explorer des contrées inconnues peuplées de créatures étranges aux moeurs bizarres, capables de se téléporter, d'agir à distance et de s'intriquer. le peuple des particules est décidément un peuple bien étrange, mais fascinant, et c'est justement pour cette raison que nous avons envie de participer à cette expédition, d'en savoir plus sur ces fameux quanta et de percer leurs secrets.
Le voyageur néophyte doit prendre quelques précautions utiles avant le départ, afin de s'éviter certaines déconvenues. En particulier, il est bon de faire preuve d'humilité et de considérer que le combat n'est pas toujours gagné d'avance, que les quanta parviendront sans doute à conserver leur part de mystère. En territoire quantique, le voyage commence toujours de façon agréable, et on se félicite de comprendre les premières explications données, dans un langage clair et empirique. Regardez le chemin des billes qui passent à travers deux fentes. OK. On ferme l'une des fentes. OK. Puis l'autre fente. OK. On regarde à chaque fois où atterrissent les billes. OK, les résultats obtenus semblent s'additionner. On recommence l'expérience non pas avec des billes mais avec des ondes, par exemple des vagues. OK. Les vagues se croisent et leurs amplitudes semblent s'additionner (ou se soustraire), selon la distance parcourue, car elles sont en phase ou en opposition de phase. OK. Puis on recommence cette fois avec des électrons. OK. En fonction de ce que l'on veut mesurer, le passage à travers les fentes ou la présence d'interférences, l'électron va se comporter soit comme une particule, soit comme une onde, c'est à l'expérimentateur de décider. OK. Heu… pardon, vous pouvez répéter ?
En territoire quantique, le voyage se termine toujours de la même façon : à un moment donné, plus ou moins éloigné des premiers chapitres, les explications se font rares, le voyageur décroche, descend parfois du train et ne parvient pas à destination. Adieu donc, veaux, vaches, bosons, espoir de comprendre un jour le monde des quanta… Quant à interpréter, il y en a qui ont essayé. Ils ont eu des problèmes. Alors… c'est vous qui voyez (prendre la voix de Régis Laspalès en fonctionnaire ferroviaire pour lire ces dernières phrases, ça renforce le sentiment de frustration).
Qu'à cela ne tienne, Étienne, l'exposé est ici suffisamment clair et condensé, avec juste ce qu'il faut d'humour (la morale de l'ornithorynque, une affaire d'état, l'effet Rolling Stone), pour voyager confortablement dans le monde des quanta, dont nous contemplons les paysages à défaut de pouvoir comprendre le mode de vie des habitants. le voyageur se familiarise avec le vocabulaire et les concepts du pays visité : dualité onde-corpuscule, réduction du paquet d'ondes. La présence d'une particule n'est que le reflet que de sa probabilité d'exister à un endroit donné, et l'observation, en réduisant l'indétermination, matérialise la particule et la localisant. Pas toujours facile donc de prendre des photos ! Nous retrouvons quelques vieux amis, au détour des chapitres : le Chat de Schrödinger, les inégalités de Bell, le paradoxe EPR et l'incontournable Alain Aspect. Étienne Klein, notre guide, reste étrangement pudique sur la présentation du paradoxe EPR, élaborée par Einstein, Podolsky et Rosen, à partir d'« une certaine expérience de pensée que nous ne décrirons pas ici ». Circulez, il n'y a rien à voir…
Nous n'abandonnons cependant pas tout espoir d'une coopération fructueuse entre notre monde et le monde des quanta, à travers quelques applications concrètes : le laser, la cryptographie quantique, le fax quantique (pratiquement déjà devenus des réalités), et pour demain, l'ordinateur quantique capable de calculer de façon massivement parallèle.
Notre voyage se termine par un retour à la case départ, avec en annexe le récit de la naissance de la physique quantique, tout droit sortie de l'interprétation d'une expérience sur le « corps noir » par Max Planck en 1900. Après quelques tâtonnements, Max Planck prend soudain conscience que u(v,T)=8π*h(v/c)3[exp(hv/kT)-1]-1 mais il n'en déduit pas pour autant la notion de quantum d'énergie (ε=hv). Cela lui sera attribué plus tard en 1903 par Lorentz. L'expression « mécanique quantique » sera utilisée pour la première fois par Max Born en 1924. L'accouchement de la théorie a été difficile et douloureux.
Cet essai finalement assez synthétique n'en dit pas trop pour ne pas effrayer, mais donnera sûrement envie aux voyageurs les plus curieux de visiter à nouveau le monde des quanta, d'autres ouvrages plus complets et plus récents sont en effet maintenant à leur disposition.
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