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Critique de Diabolau


En tant que militant pour l'accueil des réfugiés dans la dignité, et moi-même scandalisé par le non-respect par l'Union européenne des conventions internationales sur le droit des demandeurs d'asile, et plus grave encore, sur le droit de tout naufragé à être secouru, je ne pouvais qu'être très intéressé par ce livre de Pia Klemp qui, à l'instar de sa compatriote Carola Rackete, a défié l'abjection des gardes-côtes italiens, le silence complice de la France, de Malte, de l'Espagne, et d 'une façon générale la complicité coupable de toute l'Europe, jusqu'à être poursuivie en justice pour "trafic d'êtres humains", elle qui au contraire ne cherche qu'à les empêcher de se noyer — un comble.
Finalement, le livre fait la part belle aux pérégrinations en Italie, Allemagne, Espagne, Portugal d'une capitaine-militante-SDF, et l'on ne passera qu'environ la moitié des pages de ce récit assez court sur le bateau, et le plus souvent pour jouer au chat et à la souris avec ses correspondants à Rome et avec les gardes-côtes italiens et libyens, dont le comportement se révèlera lamentable. La question des rapports entre les sauveteurs et leurs "invités" (c'est comme ça qu'ils les appellent) est elle-même survolée. La narratrice a l'honnêteté de le dire : c'est "facile" de les sauver, c'est l'évidence, mais se mélanger avec eux, c'est plus difficile, et même, disons-le franchement, elle n'en a pas vraiment envie.
En fait, c'est sur tout ce qui gravite autour de ces affaires de sauvetage, sur le tempérament et les opinions très tranchées de la narratrice que je suis vraiment très mitigé. Ce livre est présenté comme un roman, mais disons-le bien, il respire fort l'autofiction, voire parfois le journal intime. Je serais curieux de savoir ce qu'il y a de Pia Klemp dans cette narratrice. Si c'est vraiment elle, alors malgré mon respect pour son combat, je n'ai pas très envie de la rencontrer. Si ce n'est pas elle, et qu'elle a largement "grossi le trait" de ses outrances, alors je prendrais volontiers un café avec elle pour lui dire que j'ai bien souvent eu envie de coller des baffes à son "personnage" de "véganar" jusqu'auboutiste qui ne respecte rien ni personne.
"Tant que tout le monde ne sera pas véganar comme nous, ce sera la merde.", dit-elle. Oui, mais vouloir forcer tout le monde à l'être, n'est-ce pas déjà de l'oppression ?
Madame ne veut pas que de la viande monte à bord de son bateau, faisant peu de cas du régime alimentaire de ses "crew", dont certains ont pris un congé sans solde pour venir sauver des réfugiés.
Elle fustige les lois anti-tabac, ce qui veut dire qu'elle ne pense pas que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Va même jusqu'à dévisser le détecteur de fumée pour pouvoir cloper dans sa chambre d'hôtel.
Ce n'est pas trop la définition que je me faisais du libertarisme, mais je peux me tromper.
Elle et ses potes, on a vraiment l'impression qu'ils passent leur journée à fumer des clopes ou des joints, à s'enfiler bière sur bière (même chaude, elle le dit souvent, ça relève vraiment du besoin irrépressible, donc) et les bitures à l'alcool fort se succèdent. Ne sait-elle donc pas que les addictions sont aussi des formes d'oppressions que l'homme s'inflige à lui-même ? Ou pire, que les producteurs de tabac ou d'alcool, ces fucking capitalistes, infligent à leurs consommateurs ?
Il en est de même de ses délires sur le patriarcat, qui occasionnent plus d'une fois une véritable fureur vengeresse. Je ne conteste pas que le patriarcat soit un problème, mais de là à le voir partout... Et puis, est-ce que roter, péter, dire qu'on « va chier » ou « qu'on se ferait bien baiser, tiens », bref, parler, écrire et agir comme une certaine partie de la gent masculine, est la meilleure façon de lutter contre le patriarcat ? "Le personnage" semble le croire, en tout cas. Ce qui m'amène au point suivant : la vulgarité qui émaille ce texte. Or, je n'aime pas la vulgarité gratuite, et ceci que l'auteur soit une femme ou un homme, je préfère le préciser.
En fait, "le personnage" recherche la quintessence d'une vie sans contradictions, et plus grave, s'en prend avec véhémence à ceux qui lui adressent des contre-arguments (ce n'est pas difficile d'en trouver), sauf qu'une vie sans contradictions est impossible. Tout cela manque donc, au minimum, d'autodérision, même si on en trouve quelques bribes ici et là, mais pas assez à mon goût.
Je respecte le militantisme, mais je n'aime pas les donneurs (et donneuses, donc) de leçons.
Je remercie les éditions Fleuve et Babelio, pour ce livre lu dans le cadre de la masse critique.
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