Citations sur La faim et la soif (41)
En matière de business, les légendes n’ont pas leur place.
Le costume de mère parfaite, dévouée, est trop étroit pour elle. Le masque se brise. Au fond des mers noires de ses pupilles surgissent l’égoïsme et l’oisiveté. La nuit, sur les boulevards ou dans les bars, elle fait danser les corps et envoie valser son âme. Fellations et coucheries extraconjugales font démarrer sa carrière. À chacun ses talents.
Gloria fait partie de ces personnes sûres d’elles, au verbe acide. Une femme de caractère dont la superbe s’épanouit dans l’autorité et le travail. Il se persuade que cette image de guerrière dissimule sa richesse profonde.
Il a tout faux et le comprendra trop tard.
En réalité, il s’est pris d’affection pour elle comme on se raccroche à la branche d’un arbre. Ils partagent la même envie : avoir un enfant.
Quant à sa vie sentimentale, elle se restreint à des plaisirs charnels. Des amours faciles, à condition qu’on y mette le prix. Raphaël fait partie de ces personnes souvent entre deux vols, à jouer avec les décalages horaires, à parler plusieurs langues et à accumuler les miles.
Guerre des gangs, prostitution, trafic d’armes. Sa ligne noire se nourrit des dérives de l’homme. Le pousse chaque jour à franchir les frontières de la raison.
Il se donne corps et âme à son métier, ne laisse aucune place au reste. Menaces de mort, intimidations, promesses de représailles – le revers de la médaille.
Rwanda, le pays voisin. Son quotidien se confond avec celui des Burundais réfugiés, espérant l’intervention des troupes étrangères pour les délivrer. Entre nervosité et famine, cette masse prend possession d’un terrain de football. La tension atteint son maximum. On se bat, se déchire, pour un peu de maïs.
Le journaliste a la sensation d’avoir offert tout ce qu’il avait. Sa mécanique mentale marche au ralenti, comme son instinct. Les rares percées d’adrénaline ne suffisent plus à l’extirper de cette inertie grandissante.
Il le sent, le monde l’appelle.
Confiant en ses qualités, il souhaite se confronter au terrain. Il s’imagine en aventurier de l’information, rêve de voyages, de contrées lointaines, de dénicher le scoop de demain. Une philosophie de vie ancrée dans le libre choix de ses horaires comme des sujets à traiter.
Il suffisait d’un geste pour que l’écran plonge dans son sommeil. Un jeu d’enfant. Il n’arrivait pas à se décider. Cinq années qu’il se trouvait dans la partie et cette situation lui était encore inconnue.
Un étrange sentiment le gagna. Éteindre l’appareil, c’était infliger une seconde mort à la victime. Une sensation comparable à la perte d’un proche dont on se refuse à supprimer le numéro de téléphone de son répertoire.
C’est écrit noir sur blanc sur son ordre d’intervention. Bernadette Laroche approchait la soixantaine quand elle s’est tiré une balle dans la bouche. Une fin aussi rapide que violente. Seule option pour prendre de vitesse ce cancer qui la rongeait depuis de longs mois.