Citations sur La faim et la soif (41)
Raphël n'avait jamais porté dans son cœur les politicards, énarques et autres cols blancs...
Il le sentait, l'espérait secrètement. Tôt ou tard, l'accumulation de conneries et le cynisme latent finiraient par faire sauter le couvercle de la tolérance. Le citoyen s'arracherait à sa chique. Les trop-pleins de promesses jamais respectées et les tromperies en tout genre amèneraient inexorablement une cassure.
Les psychologues et sociologues le savent, la génération Y est celle du "tout, tout de suite". On la dit impatiente, peu aimable, impertinente, en manque de repères. Des enfants rois sans cesse connectés, sollicités à coups de pushs et parasités par des images venues du monde entier. Ils ne tolèrent pas l'attente et encore moins la frustration qui peut en découler. Tout leur est dû, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel. Abreuvée d'émissions de télé-réalité, elle se berce d'illusions, convaincue que la réussite existe sans travail ni courage. Les enfants de la médiocratie.
Lycée de Bréquigny : le déclic.
Le temps des sorties, des premières cigarettes, des murs et des alcools.
Et son cœur qui se serre.
Gaëlle.
Une élégance attirante, encadrée par des boucles couleur sable dansant sur son visage de poupée. Des années plus tard, sa mémoire savoure ce sourire plein de malice, porté par des prunelles vertes, enivrantes.
L'amour et la haine, monsieur Bertignac. L'amour et la haine sont des gouffres où se précipite tous les excès.
Aujourd'hui encore, il est coutume chez les roumains de parler d'un Nosferatu pour désigner un non-mort, un démon ou celui qui apporte la peste.
Un rapide calcul lui rappela que cela faisait huit ans qu’il avait traversé le périphérique et tourné le dos à son ancienne vie. Une sortie de route forcée, en partie maîtrisée. ...
Raphaël remontait l’axe principal de la ville, cerné par des bâtiments de cinq étages aux architectures éclectiques. Des blocs de béton et de pierre où s’entassait autrefois la classe ouvrière. Le déclin économique des dernières années avait rebattu les cartes, aidé à changer les visions. Longtemps délaissée – comme de nombreuses villes étouffées par la capitale –, Clichy connaissait un sursaut d’intérêt aux yeux d’une population aisée, souhaitant profiter des prix encore attractifs pour investir.
Les vendredis soir, le boulevard Jean-Jaurès drainait sa faune d’habitués. La musique crachée par les établissements se répercutait sur les trottoirs pour se confondre aux conversations. Ici, les enfants de l’immigration restaient légion. Les dialectes se mélangeaient aux couleurs de peaux quand les prophètes changeaient de nom au rythme des croyances et des traditions. Une idée du bien vivre ensemble.
Un étrange sentiment le gagna. Éteindre l’appareil, c’était infliger une seconde mort à la victime. Une sensation comparable à la perte d’un proche dont on se refuse à supprimer le numéro de téléphone de son répertoire.
Du coin de l’œil, une lumière attira son attention.
Le cadre numérique.
À la découverte du corps, personne n’avait jugé utile d’éteindre l’appareil. Les autorités, la famille, lui.
Une dizaine de pas et le sourire de la victime le cueillit. Plutôt grande, encore bien faite, les pommettes saillantes. Ses cheveux cendrés épousaient avec douceur les angles de son visage. Ses deux billes vertes lui procurèrent une charge magnétique, le figeant sur place.
Il suffisait d’un geste pour que l’écran plonge dans son sommeil. Un jeu d’enfant. Il n’arrivait pas à se décider. Cinq années qu’il se trouvait dans la partie et cette situation lui était encore inconnue.