Les ombres
Il descendit parmi les ombres; celles qui erraient n’étaient pas les moins aimables; les immobiles, il s’en détournait avec effroi; ombres entre les coudriers, phantasmes derrière les aulnes; une d’elles portait une aigrette de feu, ses paupières baissées paraissaient intérieurement illuminées; elle ne bougeait pas. A peine un tressaillement des lèvres, parfois, comme un qui va pleurer et fait encore un dernier effort qui se prolonge mais c’en est trop soudain. Il vit bientôt que les larmes libératrices ne pouvaient pas naître et qu’éternellement ces lèvres trembleraient d’un impossible sanglot.
Nul ici parmi les feux du serpent ; nul ni rien ; la porte est close.
— Nulle retraite ; je ne sais nulle pierre creuse où vous cacher, vieux
profil ;
peut-être convient-il à grands cris de fuir,
que l'oubli tisse en nous l'étrangère moire, qu'il veloute votre sein
d'une aimable poussière,
et s'il se peut, qu'une arme y rougeoie.
LES HAUTES ERRES
LE PREDECESSEUR
Celui-là qui avait ouvert sa gorge personnelle avec maladresse, il fallut le soigner, réussir une opération délicate, lui offrir un liquide roboratif et le passer par des armes dont le mécanisme nous fut enseigné. Quand donc cesserez-vous bouche mousseuse, de palpiter vainement ; quand cesserez-vous ce râle de colombe, ô lèvres vives ; et vous, pelage humain, qu’une sueur d’agonie faisait luire, vous, prédécesseurs, assistez-nous au moment qu’en nous grognera la même tempête.
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LE BAN
FLAMMES
Le palais du songe, nous l’avions illuminé avant d’en refermer la porte et de partir. Jadis nous nous étions perdus ; près d’une crique s’élevait une sombre bâtisse où nous entrâmes afin d’y passer la nuit. Nous nous éveillâmes un jour et sans doute le temps avait-il passé car il pesait sur nos épaules un étrange poids, comme d’une tristesse, comme d’un plus grand âge ; mais nous étions éveillés et quelque chose en nous luisait que nous ignorions auparavant ; quelque chose brûlait que nous en nommions point ; c’est de cette époque sans doute que nous ne pouvons plus vraiment fermer les yeux.
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LE BAN
LES DONS
Je vous envoie aujourd’hui le profil de l’audace, la morsure du froid, le gel à pierre fendre, l’auberge espagnole et quantités de menus objets dont vous trouverez bien à vous distraire pendant vos veilles. Quelques autres activités, permettez-moi de vous le dire, sont un puissant réconfort dans l’ennui : ce n’est pas en coupant le brouillard au couteau, ni en filant le train que vous parviendrez à d’excellents résultats, non ; le mieux est encore de jouer à qui perd gagne avec n’importe quoi. Rien de plus sain, rien de plus exaltant que ce jeu. N’hésitez donc pas à me dire vos progrès ou vos revers, je saurai me réjouir avec vous, ou m’irriter.
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