Ce que les Etats-Unis ne disent pas sur ce que c'est de vivre libre, c'est que, tôt ou tard, tu as l'impression que tu es responsable de tous tes problèmes. Alors que tu as peut-être simplement manqué de chance.
Elle avait beau prétendre avoir tout oublié, je n’ai jamais cru qu’on puisse effacer une jeunesse new-yorkaise de sa mémoire comme on gratterait une peinture écaillée. Elle avait forcément, j’insiste encore aujourd’hui, respiré un jour l’odeur de la liberté.
Elle se découvrit un talent pour collectionner clichés, expressions locales, platitudes et banalités en tout genre, puis pour les enchaîner avec tant d'adresse qu'une oreille inexpérimentée l'aurait presque prise pour une Moscovite.
My mother had been in the Soviet whirlpool for eleven years by this point. Enough time, I imagine, to unlearn the bourgeois habits of her native Brooklyn, to accustom herself to the farting and shouting of her neighbours, to doing her washing by hand in the collective tub, to keeping her dry food locked up in her wardrobe.
Son américanéité- la différence même qui l’avait jadis si fatalement exclue- était maintenant la clé de sa liberté.
Les enterrements sont aux Russes ce que les carnavals sont aux Portugais.
Leurs questions et leurs conclusions relevaient d’une vision du monde essentiellement primaire : les pensées et les actes d’une personne étaient angéliques ou démoniaques, prosoviétiques ou antisoviétiques, "avec nous" ou "contre nous".
Cette cosmologie primitive ne laissait aucune place à la neutralité. Même les catholiques européens du Moyen Âge avaient imaginé, entre le paradis et l’enfer, une zone de purgatoire où le salut restait possible.
L’orthodoxie russe n’avait pour sa part jamais accepté une telle notion : sa conscience était incapable de reconnaître autre chose qu’une piété immaculée ou une culpabilité inexpiable.
"Il fallait qu'elle ait toujours un train d'avance, ta mère. Et tu sais ce qui arrive aux gens qui ont un train d'avance?". Il m'a de nouveau fixé. "Ils se font écraser par le suivant !"
Florence ne demanda pas de précisions, devinant que l’Institut n’avait pas été épargné par les purges. Mais Valda semblait suggérer que le vent était en train de tourner. "Excès de zèle", comme le présentaient les journaux. Le Politburo avait relevé de ses fonctions le chef du NKVD, Nikolaï Iejov, pour avoir mis trop de passion dans son travail. Avec Beria à la barre désormais, le pire était certainement derrière.
La vieillesse vous apprend que ce ne sont pas les grosses erreurs mais les petites qui suscitent les regrets.