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Critique de Floyd2408



László Krasznahorkai est un auteur Hongrois, il a fait des études de droit et de littérature, en soutenant une thèse sur Sándor Márai, après un début dans l'édition, il poursuivra dans l'écriture en publiant Tango de Satan en 1985 puis enchainant avec son grand succès La Mélancolie de la résistance en 1989.
Ces deux romans sont adaptés au cinéma par son ami le réalisateur, Béla Tarr, Tango de Satan en 1994, puis La Mélancolie de la résistance sous le titre, Les Harmonies Werckmeister en 2000. László Krasznahorkai aime sa Hongrie, dans ces deux premiers romans il narre ces habitants, perlant ces paysages comme dans Tango de Satan, décrivant la géologie historique de son pays, d'un livre lu par l'un de ces personnages.
Tango de Satan est un roman sur la souffrance de ces personnages comme le temps mélancolique automnale, cette pluie habille la nature sombre de cette région isolée, la coopérative fermée, les maisons d'usures maladives dans cet isolement rurale.
Une coopérative, dans le souvenir des anciens ouvriers, en ruine, est ce lieu où végètent toutes ses âmes grises, prises dans l'alcool, le sexe, la jalousie, les complots et cette paresse lente et sournoise statufiant leurs rêves. L'arrivée surprise de deux morts attisent la tranquillité de ce trou perdu, les rêveurs les voient comme des messies, les autres comme des suppôts de Satan, la danse comme à la cadence des mots de László Krasznahorkai.
Ce roman semble être une hallucination collective, tel un rêve, les personnages sont comme des pions d'un jeu d'échec, dominés par ce joueur Irimias, ce marionnettiste d'exception tirant les ficelles de ces êtres en détresse perdus dans cette coopérative en ruine, dans cette Hongrie profonde sous ce déluge d'octobre. Mais László Krasznahorkai domine à merveille cette écriture magnétique, ce sorcier des mots envoute avec beaucoup malice notre lecture dévorante, attise notre imagination féconde de cette trame à la saveur fantastique. le décor comme les personnages sont prisonnier de cette Hongrie vieillissante, ces pauvres gens perdus dans cette coopérative en ruine depuis trop longtemps végètent dans une inertie sourde, l'alcool, le sexe, les dévorant et surtout le refus d'une modernité croissante de leur pays, en prise vers la fin du communisme vers une vie nouvelle.
L'auberge aux araignées, tissant leur toile dans l'invisibilité des regards ternes de ces personnages gris, où l'alcool empourpre leur chimère, le tango de Satan embrase la soirée, les corps se collent à la fièvre des notes de l'accordéon, Mme Schmidt devient la maitresse de Satan, la chaleur de son corps ondule avec ceux des hommes en érection d'envies, Mme Kraner enflamme l'auberge, le fermier joue le tango, source de diablerie, tous se dévore, Mme Halics s'endort pieuse de cette scène… Son mari charme Mme Kraner devenant Sa petite Rozika, Lajos l'embrasse. le joueur d'accordéon, seul, tous dormant, boit encore et encore, vomit, puis joue la mélancolie de son être pour se retrouver dans ses songes de guerre, comme une berceuse.
Nous vivons chaque tableau dans le regard d'un autre tableau pour en prendre toute sa quintessence, nourrir au plus profond les scènes aux multiples regards. Chaque chapitre peint avec incertitude l'humeur cristalline de nos personnages, ce croissement incessant entremêlant les scènes, de chapitre en chapitre, sous le regard différent des protagonistes, permet une vision multiple de la situation, le lecteur devient le regard de toutes ses âmes.
Vertige des premiers mots, les personnages entrent dans la dansent de cette trame au rythme lancinant de notre auteur, laissant notre curiosité s'embraser dans cette lenteur poétique trouble de ce village perdu dans une illusion fantastique, le premier personnage semble avoir des hallucinations sonores, des sons de cloches bousculent le sommeil de cet amant somnolant dans le lit conjugale de sa maitresse, l'écho de ces acouphènes, la femme se réveille d'un cauchemar où elle se fait agresser chez elle par un inconnu.
Je pourrais plonger de ce roman en scannant chaque personnage et embraser le coeur sombre de cette ruralité en décadence, perdue dans un tourbillon inerte, stoïque du monde qui évolue. Mais je vais parler juste du fantastique de ce roman et d'un passage troublant d'émotion et poésie.
Estike dernière des Horgos, semble être le souffre-douleur de la famille, ayant quitté l'institut, elle doit être invisible silencieuse et faire ses taches, Sanyi, son frère la torture tout le temps, et encore une fois lui tend un piège, avec l'arbre à sous, pour lui voler son argent et l'humilier encore et encore. Cette petite colombe innocente tourbillonne soudain dans la folie de sa crédulité de son âge, de sa chrysalide, cet enfant se transformera en sorcière, pour rejoindre son monde merveilleux celui des rêves, des anges, univers de princesse, elle veut de son regard clos, dans la pénombre d'un aveugle-comme celui rencontré de sa première visite en ville, Korin un homme jouant de l'accordéon pour gagner sa vie, perdant ses yeux à la guerre, lui narre la férie de son monde fantastique….De cette rencontre Estike cherche ce monde, entraperçut lors d'une forte fièvre, cette fille chavire, elle veut être cette princesse, pas cette souillon que l'on a fait d'elle, son frère la rejette, le docteur un soir l'évite, elle veut être dans les bras des anges, attendre leur visite, avec cette cérémonie stupide, tuant son chat et mangeant de la mort au rat dans l'habit de sa mère, dans cette dentelle, elle attend ce miracle de l'absurdité, cette petite Estike, innocente….
Tous sont là, dans l'auberge, tous attendent les deux messies, Mme Schmidt attire tous les regards des hommes, tous veulent lui dessiner de leurs mains son corps, tous sont happés par cette femme électrique, par cet aimant hormonale incontrôlable, mais elle attend son amant, celui qui la fait rêver, tous ont cette indécence de la désirer avec sauvagerie et bestialité, László Krasznahorkai narre avec beaucoup réalité, ce tableau de ces êtres ignobles, sales, malsains, pervers, obsédés, frustrés…Chacun développe sa frustration , sa névrose, sa bestialité, sa tare….Il pénètre en eux, libère leurs barrières, leurs pensées s'étalent comme une confession, tel un miroir, se reflètent leurs consciences, ces êtres en perditions coulent lentement dans l'illusion, laissant leurs vies devenir le spectacle de leur inertie, la fatalité s'incruste sournoisement dans leurs paresses, tous s'enlisent dans la boue de leurs léthargies, comme ce temps où la pluie peint ce paysage de tristesse humaine, cette coopérative passée devenue l'immobilisme de leurs rêves perdues, tous sont racines de cette tragédie du suicide de cette enfant innocente, tous sont les acteurs de cette mort, tous sont cette absurdité !
L'auberge aux araignées, tissant sa toile dans l'invisibilité des regards ternes de ces personnages gris, où l'alcool empourpre leurs chimères, le tango de Satan embrase la soirée, les corps se collent à la fièvre des notes de l'accordéon, Mme Schmidt devient la maitresse de Satan, la chaleur de son corps ondule avec ceux des hommes en érection d'envies, Mme Kraner enflamme l'auberge, le fermier joue le tango, source de diablerie, tous s'embrasent, Mme Halics s'endort pieuse de cette scène ! Son mari charme Mme Kraner pour devenir sa petite Rozika, Lajos l'embrasse. le joueur d'accordéon, seul, tous dormant, boit encore et encore, vomit, puis joue la mélancolie de son être pour se retrouver dans ses songes de guerre, comme une berceuse.
N'oublions pas la part de fantastique de ce roman, lorsque les rêves sont si présent dans la description des personnages, le fantôme de la jeune fille morte, hantant le château sous le regard de son grand frère et de Irimias, hallucination collective où malédiction ! Comme le docteur devenu le narrateur de ces écrits, inventant la vie de ces voisins partis sans qu'il le sache, restant solitaire de sa névrose, découvrant le son de cloche venant vivre sa vie d'espion, parcourant la nature grise, gorgée d'eau automnale, dans cette chapelle en ruine, ce fou , cette cloche, cette hallucination peut-être, cette vie rurale hongroise, ces fous en libertés, ces êtres égarés, laissés à l'agonie de leur sort, la fin d'un communiste dévorant et broyant les rêves et les illusions.
Un roman hongrois libérant la littérature de ces heures passées, un auteur postmoderne important dans sa puissance des mots, à dévorer sans modération.
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