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Critique de Sren


Sren
02 février 2024
La Forme de l'eau est un roman qui m'a surprise, que je ne m'attendais à autant apprécier, pour être honnête. Il est plutôt éloigné de la fantasy que je lis le plus souvent ; se déroulant dans notre monde, en 1963 précisément, aux Etats-Unis de surcroit, et avec une écriture plutôt froide, qui a tendance à m'empêcher de rentrer dans l'histoire.

Et pourtant. Dès le début, l'alternance très rapide de narrateur, à l'aide de chapitres vraiment courts, m'a beaucoup plu.

Nous sommes plongés dans deux univers très différents, opposés, avec les points de vue d'Elisa, femme de ménage évoluant dans un milieu pauvre et aseptisé (dans son travail), et Strickland, militaire en mission en plein milieu de l'Amazonie pour y débusquer une créature. La jungle est étouffante, dangereuse pour l'homme, et fait perdre peu à peu la raison à ce militaire si rigide. Il passera 17 mois dans cette traque, période qui va complètement le changer, et même le briser.

J'insiste sur cette présentation de Strickland car pour moi elle est capitale dans tout le déroulé du livre. Je ne vois pas juste un homme méchant et sadique ; il est brisé, et ne parviens pas à se sortir de ses tourments et de son expérience. Restant en décalage avec les autres, toutes les relations en pâtissent; aussi bien dans son travail que dans sa vie privée. Il reste tellement bloqué dans la jungle qu'il est devenu incapable de s'adapter aux changements de la vie américaine.

Le personnage reste odieux, on est d'accord. Mais il m'a aussi inspiré de la pitié. En cela, je l'ai trouvé bien construit. Ce n'est pas juste le méchant pour être méchant, et qui apprécie le mal qu'il fait. Je vois juste un soldat qui essaie de sortir de l'influence d'un homme impitoyable, mais qui s'est perdue dans ses tentatives.

Je me suis attachée aussi aux autres personnages. Elisa, bien sûr, qui est touchante dans son mutisme et sa volonté de s'en sortir malgré cet handicap. J'ai aimé sa gentillesse et sa vivacité d'esprit. le lien qui se tisse entre elle et la divinité des eaux est très intéressant. Il est impossible d'oublier qu'ils ne sont pas de la même espèce, et pourtant la romance s'installe doucement.

Les autres personnages sont aussi intéressants. Chacun à ses faiblesses et sa personnalité. Même Laine, avec qui j'ai eu beaucoup de mal au début, gagne en consistance et en caractère. Giles a réussi à m'émouvoir.

Le rythme du roman est assez lent. La construction de la relation entre Elisa et la créature met du temps à se mettre en place, et pas de vraie action avant le dernier tiers. le milieu du livre a même un ventre mou, où mon intérêt a baissé, quand on s'éloigne du centre Occam.

Tout s'accélère dans les 100 dernières pages, avec un final haletant. Il n'y a pas de réponse à toutes les questions, notamment vis-à-vis de la créature elle même, mais je n'ai pas trouvé cela gênant.

La fin est belle, et laisse le lecteur à sa propre interprétation.

Si le centre du roman est une histoire d'amour, beaucoup de messages sont présents en fond ; la dénonciation de la condition des femmes dans les années 60 aux Etats-Unis, le racisme encore fort présent, comme la rigidité sociétale sur bien des aspects. C'est présenté de manière intelligente, sans overdose.

Un mot sur l'écriture ; la plume est assez factuelle, sans envolées lyriques ou poétique, et même froide par moments. Ca ne m'a pas sortie de l'histoire, car ca correspond bien à l'univers militaire du centre de recherches.

Il est intéressant de noter que le roman a été pensé et écrit en parallèle du film. Certaines scènes sont imprégnées de ce côté cinématographique, même si le film et le roman divergent sur certains éléments.

Je n'ai pas été complètement emportée par les émotions à travers cette lectures, et pourtant j'avais envie d'y revenir et de connaitre la suite. Ce n'est donc pas un coup de coeur à proprement parler, mais un joli roman bien construit, qui délivre des messages forts sous couvert de son histoire d'amour.
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