"Ce qui est blanc et parfait ne dure jamais" [...].
[...] Anna ne pensait jamais assez à sa santé, ce don précieux que les jeunes gens considèrent à tort comme allant de soi.
Quand on vieillit, on ne se bouge plus comme ça, juste pour le plaisir de sentir la paresse dans ses muscles. On sait où ça fera mal si on remue les épaules. On doit faire un effort pour se mettre sur ses jambes et pour marcher en attendant de pouvoir se rasseoir et se reposer. On oublie ce qu'on sentait quand on avait un corps jeune.
Anna connut un moment de félicité totale, car l'étang bordé de saules pleureurs au milieu des aubépines et de la lande, était l'endroit où elle aimait chercher la solitude absolue.
Il était cruel. Mais elle le savait depuis le début. Elle était en partie responsable (a-t-on idée de fondre ainsi ?) et elle rougit de honte. Quand même, c'est lui qui était en demande, qui exigeait. Tandis que l'aigle s'éloignait dans un battement d'ailes, il ne restait plus à la créature innocente que la blessure laissée dans son flanc par le bec cruel. Elle l'aimerait à tout jamais. Elle porterait toute sa vie sa tristesse avec elle, sans que personne ne le sache jamais. Elle se rappela sa prémonition matinale : toute splendeur est éphémère. p.32
Alors même qu'elle lui enfonçait son visage dans les cheveux, elle voyait s’abattre sur elle l’ombre des années à venir comme des oiseaux aux ailes noires. Aussi clairement qu’un message écrit, cette vision lui révélait, au milieu de la joie, toute la cruauté future, la dureté, la longue privation, la souffrance. Elle accueillait ces mauvais présages, les serrait contre elle, contre ses seins, en même temps que le corps de l’homme.
"Chacun récolte ce qu'il a semé. Quand j'étais jeune, je semais le vent, et par la suite j'ai récolté la tempête, ma vie durant, et je m'en repens. Amèrement."
"Je me demande s'il lui arrive de voir jusqu'aux ténébreux abîmes qui se profilent derrière les apparences, de faire face à l'effroyable, à l'insupportable fin de tout. Elle ne comprend pas que la blancheur des pivoines fait peine à voir parce qu'elle doit finir un jour. [...]
Regardez ce qui dure, les tombes, par exemple.
Ce sont les belles choses qui disparaissent en premier ; les matinées comme celle-ci, les iris qui cachent à l'intérieur de leurs pétales des cavités mouchetées et duveteuses."
Elle le détestait. Les vers d'un poète oublié déchaînèrent contre elle leur férocité : "Mon coeur saigne, blessé par les épines de la vie ! " Il l'avait volontairement détruite et elle s'était éprise de lui.
" [...] Toute splendeur est éphémère."