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Critique de Phoenicia


Un titre qui m'a complètement happée et frappée et qui figure pour moi en bonne place pour être LE coup de coeur 2024..

Babel est un récit riche. Riche par son univers. Riche par ses personnages. Riche par les émotions qu'il dégage. Riche par les messages qu'il défend.

On suit Robin, jeune orphelin de Canton qui est "adopté" par un universitaire d'Oxford. L'objectif de ce dernier ? Lui donner une éducation britannique afin que Robin entre dans l'institut de traduction d'Oxford, familièrement appelé Babel. Pourquoi? Parce que les langues du monde entier sont nécessaires pour faire fonctionner une magie particulière : l'argentogravure. La maîtrise du cantonnais de Robin fait de lui une personne ressource pour l'Empire britannique.

On suit ainsi l'apprentissage de Robin, son admission à Oxford, les liens qu'il noue avec sa cohorte en premier lieu, d'autres protagonistes par la suite. R.F. Kuang nous propose des profils de personnages travaillés, authentiques, crédibles vis-à-vis desquels on s'attache rapidement. Comme on est particulièrement dans la tête de Robin, on apprend à le connaître, on voit ses idées évoluer, s'affiner. On comprend son schéma de pensée, tout en comprenant les réactions et opinions des autres protagonistes, R.F. Kuang parvenant à nous faire capter avec clarté les états d'âmes, les conflits intérieurs, les positions respectives, souvent éloignées les unes des autres. Les protagonistes secondaires sont une réelle force et non accessoires.
On est touché par l'amitié qui unit Robin à sa cohorte. Plus qu'une amitié de circonstances, on est sur une "found family". On est émerveillé par sa formation, du moins en surface. La prestigieuse académie d'Oxford, cette connaissance à portée de mains, ... Mais surtout, on est horrifié par ce colonialisme, palpable avec nos protagonistes au quotidien mais aussi dans les relations extérieures que le Royaume-Uni peut avoir avec ses colonies. Ce racisme prégnant est présenté de mille et une façons tout au long du récit. Tout ceci nous conduit à une palette d'émotions qui font que ce récit est prenant, nous brise le coeur et nous fait espérer tout à la fois.

On suit en tout premier lieu l'évolution de Robin, que ce soit en que vis-à-vis de ses connaissances comme de ses idéaux qui se construisent au fur et à mesure du récit. On sent la puissance de l'empire britannique comme son dédain vis-à-vis des peuples colonisés. Certains passages sont glaçants, ni plus ni moins. On sent cette ambivalence concernant les traducteurs colonisés : nécessaire car singulier par leurs connaissances, leurs apports mais en même temps dédaigné et manipulé justement à cause de leur singularité.
A cette dénonciation du colonialisme, on ajoute un contexte historique maîtrisé : ce Royaume-Uni du XIXe s. L'empire colonial oui. Mais aussi Oxford. La place des femmes. La montée des droits sociaux. La Révolution industrielle. Mais pas exactement telle qu'on la connaît. Une révolution industrielle amplifiée par ce principe d'argentogravure. Une petite idée qui en soi représente tout le sel de ce récit puisque raison d'être de Babel...

Si la plume est riche en émotions, si l'intrigue est haletante, il faut aussi pointer du doigt la richesse lexicale. Certains n'aimeront peut-être pas mais pour ma part j'ai raffolé que l'étymologie soit maintes fois abordée. Quelle origine a ce mot? Quel lien avec telle langue? Comment a-t-il évolué? Qu'est-ce qu'une bonne traduction? le récit est enrichi de ces questions, jusque dans ses notes de bas de page.
Pour un titre où la traduction est un tel enjeu, j'avoue avoir été frileuse lorsque l'on connaît les déboires de la maison d'édition en ce qui concerne la traduction. Mais, si maladresses ou erreurs il y a eu, je n'ai sûrement pas un assez bon niveau pour m'en être rendue compte.

Cette une lecture qui m'aura accompagnée tout ce mois. Lue en LC, cela m'a permis de la savourer, de prendre le temps d'apprécier tant les protagonistes que le contenu ou encore les messages sous-jacents. Un vrai régal!
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