Citations sur Ce qui hante les bois (26)
- N...Nori ?
Je reste figée tandis que le claquement se rapproche. Devient plus fort. Jusqu'à ce que je sois sûre que quelqu'un se tient à trois pas de moi et me fixe.
Clap, clap, clap.
Et le son s'arrête. Et c'est affreusement pire. Le silence. Un horrible et lourd silence.
Et puis, crac.
À l'étage au-dessus, dans le grenier.
Crac...
Mon cœur est mort il y a bien longtemps. Il nous a laissées. Seules. Il m’a laissée. Je n’attends pas sa réponse. Je me détourne et me traîne jusqu’au manoir infesté de racines, prête à me laisser emporter par les ombres. À l’intérieur, les murs s’effritent et s’écaillent sur mon passage, ce qui me procure une satisfaction intense. Tout s’effondre à mon approche, les racines se courbent et se tordent derrière moi, lui bloquant la route. Et je sais que c’est moi qui inflige cela à La Baume. Je suis la maladie. Je suis la déchéance.
C’était son rôle de protéger Anne. De protéger ses sœurs. Elle était la plus grande et la plus sage. Anne avait essayé de lui parler de son protecteur, mais Catherine, plus âgée, ne l’avait pas vraiment crue. À 12 ans, elle se voyait presque adulte, et sa foi en les contes de fée avait commencé à s’estomper.
Je dessine depuis que je suis toute petite. C’est mon seul talent, je suppose. Je m’en servais quand Papa était méchant ou quand Maman était silencieuse. J’avais l’habitude de faire de grandes images pleines de fleurs colorées. Je dessinais La Baume comme je me l’imaginais, et j’ajoutais mon visage à l’une des fenêtres, faisant semblant d’y être. D’être libre.
La seule chose à laquelle je m’accroche désormais, c’est mes souvenirs. La vérité au cœur de mes souvenirs. Cela doit bien signifier quelque chose ? Comme un souvenir qui va vraiment dire la vérité, quand tout le reste a échoué. Est-ce que tu vas attendre quelque chose qui n’arrivera jamais ? C’est à cause de ce souvenir, cette vérité que je cherche depuis toujours. La voix de Maman. Elle ne tourne pas rond, ma chérie. Ça aussi c’est un souvenir, mais aussi une vérité. Sauf qu’elle ne m’a jamais appelée « chérie ». Si ? Ne pense pas à ça. Tu serais désorientée.
Je porte le fruit à mes lèvres – non, je ne veux pas – et ouvre la bouche. La pomme reste devant mes dents et Nori tape dans ses mains. J’ai la forte impression d’être dans un moment à la Blanche-Neige, une histoire de vie, de mort et de malédiction, et je laisse retomber le fruit.
La terreur est comme une corne de brume dans les ténèbres. Comme un projecteur pointé sur moi, prévenant tous les monstres du monde de ma position : exposée, sans protection.
La plupart des gens vous diront qu’il n’existe pas. Que c’est un léger malaise ou une illusion d’optique. La plupart des gens diront que c’est un conte pour effrayer les plus jeunes. Ils disent que c’est une légende urbaine ou une croyance du folklore, ou une ombre sur le mur. Et si tu y crois, eh bien, n’est-ce pas chou ? Mais je sens dans mes os qu’il est réel, à cause de ce que j’ai vu ce jour-là. C’est un peu flou à cause de toute la folie qui entoure la vérité. Mais je sais qu’il est réel.
Le monde existe toujours. Juste derrière les arbres. À même pas une journée de marche. Et il est beau, rempli de choses merveilleuses même si parfois cela fait peur.
Comme elle a changé. Ce n’est plus une enfant, c’est une version plus jeune de moi-même. De la petite Pammy. À part les cheveux sombres.