Ce qui hante les bois

Accepte l'idée que la santé mentale est un roc. Et qu'un roc peut s'eroder.

J’essaie de sourire, mais il est jeune et bête, et il ne connait rien de la vie. Je sais ce que c’est. Je sais que l’amour est une faiblesse qui s’insinue sous ta peau et écorne ta pierre jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un bazar sanglant.

J’avais passé des années à imaginer le manoir, ce lieu magique où rien ne pourrait nous blesser ou nous contrarier. Un lieu de plénitude, de lumière, de luxe et puis… cet endroit était désert. La tapisserie se décollait, vieille et effritée, les meubles étaient squelettiques. Presque tout ce que j’avais vu était réparé avec de la colle ou du scotch, ou même entièrement cassé. Et tout était trop vieux pour être qualifié d’élégant ou d’antique. Même les appliques murales clignotaient sans cesse.

Catherine, la plus grande et la plus sage des filles, eut l’idée la première, mais ce détail serait bientôt oublié. Car cette idée, c’était un peu comme une goutte d’encre dans l’eau ; cela se diffusait rapidement, se dissipant dans chaque fillette tour à tour, jusqu’à ce qu’aucune d’elles ne puisse être certaine de qui avait pensé en premier.

– Il faut que tu aies la foi.
– En quoi? fis-je d’une voix un peu trop amère. Dis-moi autre chose, Gowan. Raconte-moi des histoires de ciel et de mer. De lieux emplis de magie. Des contes où la musique danse dans le vent et où les filles tournoient sur le sable. Raconte-moi ça, Gowan.
Dis-moi des mensonges agréables, et j’y croirai avant de les jeter au loin.

Les enfants sont comme des éponges, Oui nous nous imbibons de tout, Même de ta noirceur, Juste en respirant.

La couleur, c’est comme l’espoir, tu vois. Et cela fait longtemps que je n’en ai plus.

Sur son visage,l’amour et l’espoir livrent combat à l’impuissance. Il veut m’aider, m’aimer et me sauver. Je me souviens des mots écrits sur les pages vertes. Je déteste ce que je suis en train de lui infliger. Mais il est un idiot de penser qu’on peut sauver quelqu’un de lui-même.

n’a pas besoin de comprendre. Comment pourrait-il croire à tout ça ? Que cet endroit est mauvais et que… quelque chose hante ces bois ? La chose grande et maigre qui nous attend ? Tout ce qu’il a besoin de savoir, c’est que je ne mettrai pas un pied dans cette forêt. Plus jamais.

Il y a un monstre différent au fond de ses yeux et je recule. Je n'aime pas quand elle ressemble à papa. Je jette un regard au grand homme souriant dans un coin, mais Silla ne semble pas gênée qu'il nous observe, même s'il n'a pas d'yeux, donc je décide de me tenir tranquille.