Citations sur La Mariane (10)
Pour augmenter l'affront que l'injuste licence
A fait à l'innocence,
Un absolu pouvoir rend mon corps prisonnier :
Mais en quelque péril que le malheur m'engage,
J'aurai cet avantage
Que mon coeur pour le moins se rendra le dernier.
Ce vif ressentiment d'une amour véritable,
Aggrave son offense et la rend plus coupable,
Et son ingratitude est une lâcheté,
Pire que l'homicide et l'impudicité.
C'est avecque raison que mon humeur est sombre,
Ma gloire n'est qu'un songe, et ma grandeur qu'une ombre :
Si lorsque tout le monde en redoute l'effet,
Je brûle d'un désir qui n'est point satisfait.
Ce qu'écrit le destin, ne peut être effacé,
Il faut bon gré, mal gré, que l'âme résolue
Suive ce qu'a marqué sa puissance absolue :
De ses pièges secrets on ne peut s'affranchir,
Nous y courons plus droit en pensant les gauchir.
L'homme à qui la fortune a fait des avantages,
Est comme le vaisseau sauvé de cent orages ;
Qui sujet toutefois aux caprices du sort,
Peut se perdre à la rade, ou périr dans le port.
Fantôme injurieux qui troubles mon repos,
Ne renouvelle plus tes insolents propos ;
Va dans l'ombre éternelle, ombre pleine d'envie,
Et ne te mêle pas de censurer ma vie :
Je suis assez savant en l'art de bien régner,
Sans que ton vain courroux me la vienne enseigner.
Et j'ai trop sûrement affermi mon Empire
Pour craindre les malheurs que tu me viens prédire :
Je donnerai bon ordre à tous les accidents,
Qui n'étant point prévus, perdent les imprudents.
Mais quoi ? Le front me sue, et je suis hors d'haleine ;
Auteur de l’Univers, souveraine puissance,
Qui depuis ma naissance
M’a toujours envoyé des matières de pleurs,
Mon âme n’a recours qu’à tes bontés divines.
Au milieu des épines,
Seigneur, fais-moi bientôt marcher dessus des fleurs.
Les songes quelquefois viennent par d'autres causes ;
De même que les uns expriment nos humeurs,
Les autres bien souvent représentent nos moeurs.
L'âme d'un homme noble, encore qu'il repose :
Méprise la fortune, et l'honneur se propose :
Et celle du voleur, prévenant son destin,
Rencontre des Prévôts, ou fait quelque butin.
De même l'usurier en sommeillant repasse,
Et les yeux et les mains sur l'argent qu'il amasse :
Et l'amant prévenu de crainte ou de désirs,
Éprouve des rigueurs, ou goûte des plaisirs.
Si mon corps est captif, mon âme ne l'est pas.
Je laisse la contrainte aux serviles personnes,
Je sors de trop d'aïeux qui portaient des couronnes,
Pour avoir la pensée, et le front différents.
Et devenir esclave en faveur des tyrans.
Qu'Hérode m'importune, ou d'amour, ou de haine,
On me verra toujours vivre et mourir en Reine.
" Nullement, son mépris a détruit mon amour :
Je la hais maintenant à l'égal de la peste,
Et trouve que pour moi, c'est un fléau céleste. "
" Ne me diffère point la peine qui m'est due,
Il faut que je me perde après l'avoir perdue. "