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Critique de HordeDuContrevent


Nous ne réglons pas le problème de l'impact de l'homme sur l'environnement avec les énergies renouvelables, nous le déplaçons seulement…

A toutes les personnes fières de leur voiture électrique, heureuses et confortées dans leur choix vis-à-vis de la planète, lisez cette BD. Et si vous n'êtes pas convaincus, ou si vous voulez aller plus loin, plongez dans « La guerre des métaux rares » de Guillaume Pitron.
Cette BD s'inspire librement de cet essai brillant. Elle constitue un bon préambule avant d'aller plus loin. En une centaine de pages et quelques dialogues percutants, elle parvient à bien mettre le doigt sur les défis qui sont les nôtres alors que nous amorçons un virage énergétique de grande ampleur dans le cadre de notre transition énergétique basée sur les énergies renouvelables. Ce récit permet de prendre ce virage sans optimisme béat et en étant conscient de ses enjeux, de ses limites et de ses dangers, dangers de plus en plus rendus publics par ailleurs.

Le récit est un récit d'anticipation légère puisque nous sommes en 2043. A force de volontarisme et de coopération internationale les Accords de Paris de 2015 sont intégralement appliqués, les pays ayant été acculés, au pied du mur, dans les années 2030. La planète est désormais 100% green. Plus une goutte de pétrole n'est utilisée, plus un seul gramme de charbon n'est brulé. Panneaux solaires, éoliennes et voitures électriques font partie du quotidien de tous.
Ce qui peut sembler être un doux rêve est en réalité un nouveau cauchemar. Car pour fonctionner, ces énergies renouvelables nécessitent énormément de métaux rares (et de terres rares) dont l'extraction nécessite beaucoup d'énergie ; actuellement, cette extraction des métaux rare indispensables à nos énergies renouvelables, aux batteries de nos voitures électriques, est fondée sur les énergies carbonées (la pollution est passée d'une pollution d'usage à une pollution de l'extraction). Nous imaginons que l'extraction d'une quantité autrement plus importante qu'aujourd'hui de métaux rares se fera dans ce cadre sans pétrole et sans charbon sur la base d'énergies renouvelables…les métaux rares et leur extraction sont bien la clé du nouveau paradigme énergétique. A moins de trouver un matériau de synthèse permettant de les remplacer…

L'ouvrage se focalise sur un métal rare, qui est plus exactement une terre rare, le prométhium. Peut-être est-il nécessaire d'expliquer la différence entre les métaux rares et les terres rares. Je reprends quelques lignes de mon retour sur l'essai « La guerre des métaux rares » : Les métaux abondants comme le fer, le cuivre, le zinc, l'aluminium, par exemple, coexistent avec une famille de métaux rares. Ces derniers sont donc associés aux métaux abondants, mélangés à eux dans l'écorce terrestre mais dans des proportions souvent infimes, d'où le terme de rareté utilisé. Ils représentent ainsi une toute petite production annuelle et sont de ce fait relativement onéreux.
Le must du must en matière de métaux rares sont les terres rares (les terres rares sont donc une famille de métaux rares). Elles ont en effet de stupéfiantes propriétés électromagnétiques, optiques, chimiques, catalytiques. le prométhium en fait partie. Émetteur de particules béta, il est très radioactif. Son nom vient de Prométhée, titan de la mythologie grecque qui a volé le feu sacré de l'Olympe pour le donner aux hommes. N'oublions pas cependant que Prométhée sera soumis au supplice de Zeux, condamné à rester enchaîné éternellement à un rocher tandis que chaque jour, un aigle viendra dévorer son foie…à méditer.

En suivant Salem, chasseur expérimenté à la solde de l'une des plus grandes compagnies d'exploitation de métaux rares, le récit met en valeur de façon très claire et pédagogique l'impact de cette extraction systématique et sauvage sur les populations locales, sur les paysages, sur la pollution qu'elle engendre alors que des millions de mines légales et illégales criblent la surface de la terre répandant d'énormes quantités de produits chimiques dans les sols. Nous le suivons du Sud de la Malaisie, en passant par l'Himalaya puis sur une île construite, sur les traces des derniers gisements de prométhium qui est la terre rare la plus convoitée. La problématique centrale est la finitude des ressources. Cette rareté est d'ailleurs sources de trafics, de corruption et de spéculation. Et d'extraction sauvage aussi bien dans les fonds marins que dans les chaines de montagne, polluant tout par la même occasion via la chimie que ces recherches nécessitent.

Autrement dit, nous avons les mêmes personnes à la tête de ce capitalisme « vert », les mêmes méthodes de management. Les mêmes logiques de profit. Un monde plus vert, certes, mais au prix de nouvelles pollutions, d'un capitalisme toujours avide de profit sur le dos des populations les plus fragiles et démunies et au prix de nouvelles problématiques.

"Il faut que tout change pour que rien ne change, c'est ce que disait Tancredi dans le Guépard de Visconti. le commissariat à l'énergie atomique est devenu le commissariat aux énergies alternatives, CEA, mêmes initiales. La BP, British Petroleum, est devenue la Beyond Petroleum".

L'espoir provient d'un couple de chercheur au Nord-Est de la Sibérie qui fait une découverte focalisée sur un matériau de synthèse qui pourrait remplacer les métaux rares et donc tout changer…découverte que nous imaginons gênante pour ces grandes puissance du capitalisme vert.

Le dessin est en noir et blanc, agréable, clair tout en étant de facture assez classique, ce qui permet de placer le message avant le graphisme qui sert l'histoire avec fidélité mais sans grande valeur esthétique j'ai trouvé.

En conclusion, Prométhium est une BD pédagogique et très claire sur les enjeux de la transition énergétique que nous commençons à amorcer. Elle permet de bien cerner ses enjeux et ses limites. Notons que le nucléaire n'est pas appréhendé sauf très rapidement, par le biais d'un personnage féminin, habitante d'un petit village de l'Himalaya, qui explique la dépendance au prométhium de son peuple du fait du rejet du nucléaire, « le champignon atomique symbolisant trop l'apocalypse ». Part belle est faite à la recherche et l'innovation, seule voie de salut pour trouver une façon de se passer d'un matériau dont l'extraction non seulement engendre de nombreux problèmes mais n'est pas illimitée.

Merci à Babélio et aux éditions Massot pour l'envoi de ce livre en masse critique. J'ai été ravie de le gagner car j'étais curieuse de voir comment l'auteure, Séverine de la Croix, allait mener son récit d'anticipation sur la base de l'essai de Guillaume Pitron qui m'a beaucoup marquée. C'est une jolie réussite !
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