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Critique de Fandol


Rentrée littéraire 2023.

Magnifique est, sans conteste, un des romans les plus forts de cette rentrée littéraire 2023 et pourtant, on en parle très peu. Peut-être parce que le quatrième roman de Jean-Félix de la Ville Baugé dérange vraiment en soulignant une fois de plus le rôle de la France dans le génocide rwandais en 1994.
L'auteur qui était au Rwanda cette année-là pour une association venant en aide aux réfugiés du génocide, donne la parole à Magnifique Umociowari, jeune fille du village de Massongo. Avec ce personnage imaginaire mais tellement réel, il m'a plongé dans les souvenirs de cette femme qui vit maintenant en Suisse. Alors qu'elle doit être opérée, incapable de raconter à son mari ce qu'elle a vécu, elle décide d'écrire cela. Commence alors un récit à la fois simple et très fort, à la fois direct et d'une immense sensibilité.
Comme je l'ai entendu récemment sur France Inter, à propos du génocide arménien, ce genre d'horreur inimaginable ne se produit pas subitement, sur un coup de colère. Non. Tout cela est préparé, le peuple conditionné grâce à une montée de la tension palpable mais volontairement ignorée par ceux qui pourraient tirer le signal d'alarme.
Au Rwanda, depuis 1990, le Front Patriotique Rwandais (Tutsis) et l'armée rwandaise (Hutus) se font la guerre, l'hostilité des Hutus envers les Tutsis est manifeste à l'école où l'attitude des enseignants est scandaleuse, Radio Mille Collines (Hutue) diffuse des messages de haine et Kangura, journal hutu, fait de même.
Ainsi, en quelques pages, Jean-Félix de la Ville Baugé, au travers du témoignage de Magnifique, rappelle ce qui a précédé un génocide déclenché juste après la mort du Président rwandais dans un accident d'avion. Tout le pays retenait son souffle et voilà que tous les Tutsis de Massongo sont envoyés dans l'église ! Ils y vont en silence au lieu de se révolter. L'évêque, Hutu, ne bouge pas alors que le massacre commence…
Magnifique utilise ce verbe anodin, couper, verbe qui devient d'une horreur absolue : « Les Hutus ont commencé à couper. Ils étaient concentrés, ils avançaient comme sur la parcelle de bananiers, sûrs, calmes, ils levaient leur machette, coupaient – au lieu d'herbes, de branches – des têtes, des bras, des jambes. »
Si Magnifique échappe par miracle au massacre, elle fait preuve d'une volonté et d'un courage exceptionnels. Tout cela est raconté très simplement, sans oublier ceux qui auraient pu arrêter cette ignominie - notre pays en fait partie - et qui n'ont rien fait !
Ces pages sont terribles mais ce qui suit est aussi instructif comme l'hostilité du père de celui qui a sauvé Magnifique et veut l'épouser. J'ai aussi vécu un moment difficile, au cours de ma lecture, avec cette émission intitulée « Vingt-cinq après le génocide, quelle réconciliation ? » Magnifique hésite beaucoup pour accepter l'invitation mais y va quand même pour rappeler la mémoire de celles et de ceux qui sont morts. Là, elle se retrouve face à un chercheur au Centre de défense de la culture hutue à Bruxelles. Devant tant d'outrecuidance, de mensonge maquillé derrière quelques faits historiques manipulés, j'ai beaucoup souffert car Magnifique ne trouvait pas la force de se défendre…
Certes, il y a eu d'autres livres consacrés au génocide des Tutsis au Rwanda mais celui-ci, dans sa simplicité, est d'une force incroyable. Il faut le lire pour ne pas oublier et aussi pour savoir dans quelles circonstances, Jérôme, le mari de Magnifique, a pu la sauver.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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