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Critique de Lucilou


Bien peu nombreux sont les monuments qui sauraient évincer le château de Versailles dans mon coeur et à cet égard, je suis un peu comme Pierre de Nolhac: la première fois que j'ai eu l'occasion de visiter Paris et ses alentours, je n'ai pas manqué de déclarer à mes parents que le plus beau dans la capitale, c'était Versailles. On pardonnera à mon jeune âge l'approximation géographique de mon assertion... Il n'empêche que ce jour-là, Versailles avait fait son entrée dans mon coeur et mon imaginaire pour ne plus en ressortir. Bien sûr, les années ont passé et avec elles, d'autres châteaux, d'autres découvertes et la naissance de mon amour fou pour la ville Lumière, mais j'ai gardé bien au chaud sa place à Versailles que je ne me lasse pas de visiter et de revisiter. A chaque fois, je me délecte de son histoire, de sa richesse... Je n'y peux rien: c'est de la faute à Alexandre Dumas et à Lady Oscar tout ça!
Forcément et à défaut de pouvoir m'y rendre autant de fois que rêvé, je dévore Versailles: films, musique (non, pas la série, elle est une abomination!), romans ou ouvrages documentaires... et je suis difficile.
Lorsque "Le Château de mon père" est sorti, j'ai été à la fois très attirée par ce bel ouvrage se proposant de mettre à l'honneur Pierre de Nolhac et le Versailles méconnu de la IIIème République et on ne peut plus méfiante: le livre aussi beau soit-il est l'objet d'une co-édition, la Boîte à Bulles partageant la vedette avec la "franchise" Château de Versailles. Il y a donc fort à parier que "Le Château de mon père" soit une commande... et qui dit commande ne dit pas toujours qualité... Manifestement, ce roman graphique a été conçu plus dans le but d'alourdir les rayonnages des boutiques de souvenirs que par vocation littéraire...
Néanmoins, comme j'aime vivre dangereusement, j'ai quand même suggéré avec plus ou moins de subtilité à mon Père-Noël de glisser l'ouvrage dans sa hotte. Heureusement, l'homme en rouge maîtrise et comprend divinement mes accès de finesse.
Et bien, et bien... Quelle bonne surprise que ce "Château de mon père" qui fait certes le récit de la résurrection de Versailles entre 1887 et 1930 mais qui en creux nous offre aussi l'histoire de la famille de Pierre de Nohlac à travers le regard de son fils Henri, comme le laisse d'ailleurs supposer son titre, clin d'oeil et hommage évident à l'oeuvre de Marcel Pagnol.

Nous sommes donc en 1887 et à cette époque, le château de Versailles tombe en décrépitude, un peu comme le château de la Belle au Bois Dormant. Il s'endort, se recroqueville sur lui-même, laissé à l'abandon par les visiteurs qu'il n'attire plus, par l'Etat, qui a bien autre chose à faire. La Révolution, jeune centenaire, l'a vidée de tout ce qui faisait sa somptuosité et il ne reste dans cet immense palais que les collections banales du musée de l'Histoire de France qu'a créé Louis Philippe. Pas de quoi tomber en pâmoison.
Pour la République, à quoi bon prendre soin de ce fleuron de l'Ancien Régime après tout?
Un homme pourtant, futur conservateur éclairé et visionnaire, va se passionner pour le chef d'oeuvre de Louis XIV et y consacrer sa vie, son énergie et rendre au domaine sa splendeur d'antan, au détriment de sa vie de famille.
Cet homme, c'est Pierre de Nolhac qui prend ses quartiers à Versailles avec les siens cet automne-là et c'est son fils Henri qui, depuis 1935, où il visite son père malade et âgé, nous raconte l'épopée des Nolhac à Versailles.
Au fil de la lecture qui suit la chronologie des évènements avec quelques bonds en 1935, on prend la mesure du travail et de la volonté de Pierre pour que le château devienne le joyau patrimonial qu'il est aujourd'hui encore, on le suit dans ces projets, on le voit évoluer dans ce cadre gigantesque et sublime, on le voit devenir enfin ce conservateur émérite qui n'aura de cesse de résister aux architectes prêts à dénaturer les lieux, de chasser et pourfendre les copies, de révéler au grand jour les oeuvres oubliées, de restaurer tout ce qui peut l'être.
On est aussi témoin de la force écrasante de ce cadre grandiose qui finit par l'engloutir tout entier, jusqu'à lui faire négliger les siens, on devine la solitude son épouse et la révolte de ses enfants pour qui le château se mût progressivement en un ennemi qui leur vole l'homme qu'ils aiment, ou qu'ils voudraient continuer d'aimer, malgré une certaine dureté.
J'ai beaucoup aimé la manière dont ces deux aspects s'entremêlent dans le récit, nous donnant à voir une histoire forte, passionnante et sous tension, sans aucun manichéisme. Si le récit rend hommage au travail et à la passion de Pierre de Nolhac, il n'omet pas sa part d'ombre ou les souffrances des siens et pose la question -d'une certaine manière- de la vocation et de sa place dans la vie d'un homme. C'est tout aussi passionnant que la résurrection du château de Versailles, mélange de labeur et de passion, de foi et de luttes administratives!
"Le Château de mon Père" ajoute encore une dimension à ce lieu magique, loin de Louis XIV, de la Pompadour ou de Marie-Antoinette, il fait la part belle aux artisans de l'ombre qui en ont aussi été les rois, pour nous permettre de nous repaître encore de sa beauté.
Le scénario est à cet égard virtuose car infiniment intelligent, quant aux graphismes, noir et blanc, mélancoliques, ils sont tout simplement magnifiques!












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