AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Marcuyttendaele


Une magnifique fresque à l'ancienne… Une extraordinaire galerie de personnages, plus vrais les uns que les autres, dans le Québec des années trente. Un propos à la fois affectif, intimiste et politique. Une ode à la liberté et à la résistance. Gabrielle, personnage central, du premier tome de cette saga est à la fois libre et attachante, en perpétuel mouvement et en questionnement continu. Entre tradition et modernité, entre conservatisme et progrès, entre son ancrage religieux et son regard critique sur celui-ci. Elle une « femme étape » et une éclaireuse de l'avenir. La force de Marie Laberge est de dire l'essentiel sur un ton léger. Et quelle joie de la voir écrire dans sa langue qui tout à la fois est la nôtre et nous est étrangère, et qui toujours nous réjouit. Une langue qui donne l'envie de « placoter » avec l'auteure. Il y a tout dans « Gabrielle ». le poids de la tradition familiale, une réflexion décapée sur le mariage, une critique aigüe du conservatisme religieux, un grand amour platonique et inconscient, le racisme latent des Francophones du Québec, le regard si lointain sur l'émergence du nazisme et de manière constante le long chemin mené par les femmes vers l'égalité, chemin sur lequel d'autres femmes sont les premières embûches. Il y a celle qui se révolte avant de renoncer (Reine). Il y a celle qui n'ose y croire avant d'être prise à contrepied par le bonheur (Isabelle). Il y a celle qui s'englue dans la médiocrité de la sécurité et l'étroitesse de l'âme (Georgina). Il y a celle qui aurait pu être autre mais qui est prisonnière de son temps (Germaine). Il y a celle qui est perdue et qui abîme tous ceux qu'elle approche (Kitty). Il y a enfin celle qui, libérée dans la pensée, reste prisonnière d'un amour impossible (Paulette). Un tableau dans lequel les femmes jouent les premiers rôles et où, le personnage majeur, Adélaïde, dès l'enfance affirme sa singularité, son inextinguible soif de liberté. Les hommes sont plus effacés sans pour autant être sans intérêt. Comment ne pas apprécier Edward, le mari de Gabrielle qui s'inscrit entre deux mondes, oscillant entre sa marginalité originaire – anglophone à l'enfance compliquée – qui lui donne une saine distance par rapport aux conceptions traditionnelles de sa belle-famille et un certain conservatisme lorsqu'il est confronté à la volonté de liberté de sa fille ? Il y a aussi Nick, une sorte de désespéré heureux qui traverse la vie avec une fêlure qui ne fait que s'approfondir, qui se déchire dans un amour qu'il ne peut vivre, qui essaye toujours de rester un « honnête homme ». Il y a, enfin, Ted qui, en miroir, dans une société engluée dans le catholicisme, est irrémédiablement marqué par sa judéité alors même que prendre des distances avec celle-ci serait le prix à payer pour son bonheur. « le goût du bonheur » dont « Gabrielle » est le premier tome est aussi avant tout un livre généreux sur la générosité. Lorsque le lecteur achève la dernière page, il a rendez-vous déjà avec son plaisir. Dans sa bibliothèque, sagement rangés, l'attendent « Adélaïde » et « Florent » . Il attendra un peu. Il n'est de plus de beau rendez-vous que celui qui ne peut vous décevoir et qu'il est délicieux de quelque peu différer.
Commenter  J’apprécie          112



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}