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Critique de LicoriceWhip


Ce livre a été interdit en 1987 par le Tribunal de Tarbes pour “pornographie, lubricité, danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale, invitation au désordre et à la moquerie, trouble illicite…” Pourquoi Christian Laborde a-t-il pris une charge aussi violente il y a près de trente ans avec ce roman? Pour resituer, à l'époque l'auteur était prof de français dans un lycée privé et catholique du côté du Béarn.

Christian Laborde met en scène dans L'Os de Dionysos un alter ego qui lui ressemble comme une goutte d'encre. Christophe Laporte, professeur de français et d'occitan dans un lycée qui porte le joli nom de Notre-Dame-De-La-Frondaison, est amoureux de la nature sauvage qui l'a vu naître, de Laure D'Astarac une toulousaine supposée de sang noble, des chansons de Claude Nougaro et de la beauté du langage et des mots en général. Christophe Laporte adore ses élèves à qui il fait cours comme un one man show pour “leur branlocher l'âme, sans quoi ils ne retiennent rien“, déteste ses collègues (”Un prof c'est lâche. Ça n'arrête pas de lécher. […] Ça a la trouille au lieu d'avoir le trac.”) et surtout sa supérieure directe, Ursula Ossi, passée de prof de maths à chef d'établissement qu'il considère comme “un sale petit flic briseur de rêves“, une vendue à la solde de l'Éducation Nationale. Christophe Laporte anime une émission de radio littéraire et musicale, écrit un roman qu'il a joliment nommé Lait de lune et précise bien à son lecteur “écrire […], pas travailler. [Qu'il n'est pas] un tâcheron [et qu'il se] shoote aux syllabes.”

Car Christian Laborde écrit avec une véhémence. Capable d'intercaler des chapitres entiers en forme de réminiscences, de moments de pur lyrisme dédiés aux paysages du Béarn, à sa grand-mère disparue avec les séquences jubilatoires et rageuses consacrées à la vie interne de Notre-Dame-De-La-Frondaison, sa cargaison de vilaines mesquineries qui n'en finissent pas de le mettre dans une colère bouillonnante. L'Os de Dionysos est un livre à fleur de peau. Les pages que Christian Laborde consacre à sa compagne Laure D'Astarac (impossible d'imaginer que cette femme n'existe pas réellement) comptent parmi les plus belles qu'il ait été donné de lire sur la palpitation du sentiment amoureux. A noter que lorsque L'Os de Dionysos a été condamné, il l'était aussi pour “paganisme et abus de mots baroques“… On devine cette condamnation essentiellement motivée par les portraits aiguisés que Christian Laborde y dresse de ses supposés collègues. Il ne leur passe rien, tout en avouant son découragement devant leur manque d'ambition, leur façon de se conformer à la platitude des consignes du ministère, ce à quoi un ami lui répond “Dans l'Éducation Nationale, il n'y a pas que le salaire qui t'incite à faire le minimum…“. L'interdiction de L'Os de Dionysos a duré deux ans, avant que la Cour de Cassation ne la lève en 1989. Depuis le livre a été réédité quatre fois, notamment chez Pauvert Éditeur. Quand les éditions Hermaphrodite interrogeaient Christian Laborde en 2003 sur le pourquoi de cette interdiction, il répond notamment ceci: “On interdit un livre en s'appuyant sur des textes de lois qui rendent cette interdiction possible et légitime. Tant que ces textes n'auront pas été supprimés, les livres seront menacés. Or ni la droite, ni la gauche, ni le centre ne songent à nous débarrasser de cet attirail répressif !“. Comme un écho à la conclusion de L'Os de Dionysos : “Je deviendrai le Caïd de la syntaxe, l'indéboulonnable parrain du son. Car personne n'aura intérêt à chercher des preuves contre moi. J'aurai commis un crime parfait. La littérature, c'est le crime parfait.”
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