Citations sur Si belles en ce mouroir (17)
Ces dames et ces messieurs du personnel médical vous expliqueront qu'ils manquent de moyens. Or de nos jours le respect, la bienveillance et la courtoisie se payent : il faut de l'argent pour être civilisé, sans argent on est forcément irrespectueux, malveillant et grossier, n'est ce pas. Il est vrai que pour assurer aux actionnaires des dividendes attractifs et dégager des marges phénoménales pour les propriétaires (qui comptent parmi les plus grosses fortunes de France), ce ne sont pas les seuls résidents qui sont pressurés comme des citrons : les employés sont sous payés, surexploités, surchargés de travail et , somme toute, obligés de maltraiter les résidents.
Bien qu'elle nous ouvre les portes de l'éternité et des espaces infinis, la mort a un inconvénient : elle nous prive des histoires terrestres et des détails qui en sont le sel, dont raffole notre curiosité sans cesse taraudée par des questions de toutes sortes.
Mon seul regret est de l'avoir tué trop gentiment
Respecter les morts, c'est facile, respecter les vivants, c'est plus difficile.
Et je vous demande : est-ce que nous vie vaut la peine d'être vécue si notre mort ne fait pas couler une seule larme sur la joue d'une seule personne ?
En fin de compte, le plus dur à accepter n'est pas que la vie nous soit retirée. Ça va, on a compris, on doit mourir. Nous attendons donc notre mort avec une résignation tranquille (pas si tranquille tous les jours), nous sommes philosophe (pas tous les jours)...
Non, le plus dur à accepter, c'est le bilan d'une vie médiocre qui aurait pu être beaucoup mieux employée si j'avais été plus clairvoyante, pus intuitive, si j'avais pris certains chemins qui s'offraient à moi. Ce regret m'obsède. Je le chasse. Il revient. Soupir.
Mais aussi on nous oblige à savoir vivre du premier coup ! Comment voulez-vous !
Je noircissais les lignes de mon cahier au fil inconstant des jours, jour après jour, page après page, en découvrant que si la vraie vie ne te laisse que peu de choix, un simple stylo te donner le pouvoir de la refaçonner à ta guise, de zigzaguer à ta fantaisie entre les zones plus ou moins claires du vrai et du faux, de taire ce que tu n'as pas envie de dire, d'exagérer, de modifier, de transposer, d'inventer, de mentir si ça t'arrange.
Ils ont pénétré dans la salle de bains, y ont trafiqué je ne sais quoi en continuant de parler et en tapant de temps à autre sur la tuyauterie. Un moment plus tard, ils sont ressortis. Ni sourire, ni regard, ni au revoir, ni excusez-nous de vous avoir dérangée, pas un mot. À se demander si j'existe. Peut-être pas. Ça expliquerait. C'est ça la vieillesse, je me disais. On ne vous voit plus.
Comme ces idiotes, j'ai épousé un Prince charmant, comme elles, j'ai assisté à la métamorphose du Prince en crapaud, comme elles, mes rêves de petite fille ont été emportés dans le fleuve des larmes intarissables et des regrets amers. Au moins je l'ai tué, et le conte de fées a pu se conclure pour toujours et à jamais par un happy end digne de ce nom.
Je me satisfais de ce que j'ai et je n'espère rien de plus.