J’ai peur.
Pas peur comme les gens qui se sont rués dans les magasins pour acheter des denrées. Non, j’ai plutôt cette même crainte au fond des entrailles que lorsque ma mère m’a annoncé qu’elle avait de nouveau le cancer. La peur de perdre quelque chose d’irremplaçable, cette peur qu’on a quand on réalise que ce qui arrive est hors de notre contrôle, qu’on y peut rien, sauf vivre avec.
(Libre Expression, p.235)
(…) mes yeux rencontrent les siens d’un bleu perçant. Ma mère aurait qualifié ce regard de foreur d’âme.
C’est la troisième fois qu’on me contacte pour vérifier des informations et demander des références. J’ai l’impression que le processus est moins lourd pour devenir premier ministre que famille d’accueil.
Malheureusement, la relation que j’entretiens avec mon frère est souvent comparable au conflit israélo-palestinien. Personne n’y comprend rien, mais nos terres sont minées à souhait depuis trop d’années. Et chaque parole est un pas qui risque de créer une explosion.
On prépare le déjeuner ensemble, en silence. Mais il ne s’agit pas d’un silence lourd, c’est plutôt un de ceux qui sont enveloppants, rassurants, qu’on ne souhaite pas remplir de paroles vides.
(…) Fred et moi arrivons à oublier cette pandémie qui vient de s’immiscer sournoisement dans notre vie et à mettre nos soucis de côté pour le reste de la soirée.
Je sais très bien qu’ils seront là à nous attendre dès demain à notre lever. Parce que c’est comme ça, les soucis. Ça ne va jamais bien loin.
Le temps est une denrée si rare à la maison qu’on néglige l’importance de ces moments où on ne fait rien de productif, mais qui sont si bénéfiques.
Il n’a rien saisi de ce vide dans notre vie chargée de trop d’êtres exemplaires aux yeux de tous. J’ai tout ce que j’ai toujours voulu. Qu’est-ce que j’avais à me plaindre de ma vie parfaite?
(Libre Expression, p.22)