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Critique de Isa0409


🌙 «Une amie de la famille ? En quelque sorte. Une présence tenace, en tout cas, transparente et fluide comme un souffle, un fantôme doux, un pas léger sur les feuilles mortes, une ombre mélancolique au parfum omniprésent qui se déplaçait auprès de chacun de nous et posait doucement ses doigts sur la bouche de ceux qui s'apprêtaient à parler. »
(P.62)

🌙 Annie est décédée le 1er novembre 1968, emportée par une vague dans la Chambre d'amour, à Biarritz, alors qu'elle se promenait avec son fiancé de l'époque et deux de ses frères. de ce décès tragique est né un silence, comme pénitence. Cette fille, cette soeur, cette fiancée, cette amie a soudainement cessé d'exister, plus rien ne subsistait d'elle dans ce monde qui l'avait fait disparaître. Pour Jean-Marie, son plus jeune frère, le jour de la mort de sa soeur, survenu lors de ses quinze ans, a marqué pour lui sa seconde naissance : le silence, lui, est une deuxième mort. Dans la famille, plus personne pour évoquer le rire d'Annie, pour tenter de ne jamais le laisser s'échapper dans l'écho infini des tourbillons de la vie, personne pour se rappeler son amour de l'espagnol, sa révolte, le feu qui l'habitait, les démons qui la hantaient. Seule une photo, chez sa grand-mère, parmi le reste de la famille. Mais la honte, l'embarras, le silence encore une fois qui gagne et cette unique réponse « Une amie de la famille » à cette simple question « Qui est-ce ? ».

🌙 Il aura fallu cinquante ans pour que Jean-Marie Laclavetine ose faire face à son passé, qu'il ait le courage d'aller à la recherche de sa soeur, pour débusquer « sa fougue et ses doutes », pour saisir « ses joies et ses colères », pour comprendre qui elle était et pourquoi on refusait de la nommer, pour continuer à la faire exister, attiser la flamme de son souvenir, aussi mince fut-elle.

🌙 Alors, les mots. Enfin le dialogue, la « parole qui traverse » et les êtres et les époques, l'échange, les souvenirs qui jaillissent parmi les frères, les doutes et les incompréhensions des enfants qui trouvent enfin une réponse, les mystères qui n'en sont plus. Parler. Parler pour résister, pour comprendre et consoler, pour guérir, sans enfouir, et souffrir oui, mais adoucir la douleur, l'apprivoiser, en faire une amie, plutôt qu'une ennemie.

🌙 On ne dira jamais assez l'importance de parler ; on parle tellement, on emploie les mots à tort et à travers, on se les jette à la figure, on les maltraite, on les sous-estime, on les méprise. Pourtant, les mots, quand on les choisit, deviennent une épaule, une consolation, une aide inestimable.

🌙 « Les grandes douleurs sont certes muettes, mais elles ne le sont pas naturellement : c'est un vrai travail de parvenir à les faire taire. »
(P.160)
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